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Actualités - OPINION

Pour qu’à l’épreuve du succès ne vienne pas le déclin

Le phénomène du général Aoun ne peut se résumer à un simple avatar. La montée en flèche de sa popularité en 89-90 est intrinsèquement liée à son personnage. Résultat d’une ambition de long terme ou d’une coïncidence, son arrivée au pouvoir entraîne une irrésistible et rapide ascension qui est la conséquence du traumatisme d’une population exténuée par la guerre et de la crise endémique du système politique. Aoun tranche avec une classe politique pervertie et déliquescente. Il apparaît par contraste comme un preux, un personnage aux qualités morales exceptionnelles, dressé contre les machinations des corrompus et des corruptibles, contre les mentalités vénales. Il s’apparente à un Libanais moyen dans les manières, bénéficie du prestige de l’uniforme et n’est l’héritier d’aucune famille, d’aucun parti politique. L’image qu’il projette est celle d’un soldat « propre » qui ne fait que son devoir, par abnégation, pour remettre en ordre les affaires publiques en donnant un « grand coup de balai ». Il affiche un nationalisme évident et défend les valeurs prisées par la société. Incarnation du héros mythique qui sauve le peuple de la tyrannie et terrasse l’ennemi, l’homme bénéfice de plus d’un charisme certain. Son discours abonde de solutions simples, l’irrévérence de ses propos est preuve de courage, sa logique manichéenne prouve qu’il ne s’agit pas d’un manœuvrier Ses manières abruptes et sa verve narquoise sont autant d’exutoires à une frustration systématique des chrétiens. C’est le langage de la colère qui défoule. La révolte aouniste revêt des aspects spontanéistes et anarchisants, qui rattachent le mouvement à une révolte des « petits » contre les « grands ». Baabda devient ainsi le déversoir des désillusions, des ressentiments, ou de la vindicte. Aujourd’hui le phénomène Aoun redémarre en force, poussé notamment par la déception profonde – contrecoup du 14 mars – due en milieu chrétien aux manœuvres ou aux dérobades des blocs Joumblatt et Hariri, ainsi qu’aux errements des membres de KC. Parce que Aoun représente désormais une population chrétienne trop longtemps privée de leader, il faut espérer que le bilan controversé de 1990 ait fait l’objet, lors du séjour de Paris, d’une réévaluation, sinon d’une autocritique. Sans vouloir en douter, force est de constater qu’il renoue souvent avec ses pratiques anciennes, multipliant les contrastes. Plébiscité par un peuple en manque de leaders, Aoun assume désormais des responsabilités historiques. Il est donc tenu de préserver un tant soit peu l’unité nationale, que ses partisans aussi ont consacrée le 14 mars, d’éviter de dénigrer ses ex-alliés sans discrimination, de discréditer ses propres partisans. Pour que ceux-ci (et les autres) n’aient pas à se heurter à l’incommensurable distance qui sépare le rêve de la réalité. Thérèse BAROUDI

Le phénomène du général Aoun ne peut se résumer à un simple avatar. La montée en flèche de sa popularité en 89-90 est intrinsèquement liée à son personnage. Résultat d’une ambition de long terme ou d’une coïncidence, son arrivée au pouvoir entraîne une irrésistible et rapide ascension qui est la conséquence du traumatisme d’une population exténuée par la guerre et de...