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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE - En appuyant Berry, le parti de Dieu a voulu sauver sa mise Le Hezbollah veut verrouiller la communauté chiite contre l’application de la 1559

Les festivités et les tirs de joie qui ont suivi la réélection de Nabih Berry à la tête de la Chambre, mardi soir, n’étaient pas seulement choquants à cause des victimes qu’ils ont causées. Ils l’étaient aussi en comparaison avec la cote réelle de popularité du chef du mouvement Amal au sein de la communauté chiite. Car les étalages de force ne trompent personne, et nul n’ignore que sans son alliance stratégique avec le Hezbollah, Berry n’aurait pas pu obtenir un aussi important nombre de sièges au Parlement et encore moins sa réélection haut la main, avec 90 voix, à la tête de la nouvelle Chambre. D’ailleurs, les tirs de joie étaient d’autant plus injustifiés que la bataille de la présidence de la Chambre n’en était pas vraiment une, les grands blocs du nouveau Parlement ayant annoncé à l’avance qu’ils allaient voter pour le chef d’Amal et qu’il était devenu le seul candidat après le retrait de Hussein Husseini. D’où vient donc le secret de cette grande majorité parlementaire en faveur de Nabih Berry ? Nabih Berry avait été le premier à militer en faveur de l’adoption de la loi électorale de 2000. Même avant l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, il avait mené une campagne féroce contre le découpage sur base du caza, qui aurait été pour lui une réédition des élections municipales de l’an dernier, au cours desquelles il avait réussi à sauver en gros le fief de Tyr et la moitié de Nabatiyeh. Mais avant l’assassinat de Hariri, cette campagne ne trouvait pas beaucoup d’échos auprès de nombreuses parties libanaises. C’est donc le 14 février qui a tout changé. Le Hezbollah a été parmi les premiers à sentir le vent tourner. Soumis à de fortes pressions internationales, notamment en raison de la résolution 1559, il a vite compris que, cette fois, la communauté internationale était déterminée à aller jusqu’au bout de ses revendications ; le retrait précipité des Syriens n’a fait que conforter le parti de Dieu dans son impression. La formation a donc décidé de se protéger du mieux qu’elle pouvait, c’est-à-dire en améliorant sa position au sein de la communauté chiite. Son objectif était de souder cette communauté autour du Hezbollah afin que toute attaque contre le parti soit perçue par les chiites comme une atteinte contre toute la communauté. Il fallait, pour cela, nouer une alliance stratégique et donc durable avec le mouvement Amal pour éliminer toute tentative de division de la communauté chiite, qui ne pouvait qu’affaiblir le Hezbollah. Le parti s’est donc rallié aux thèses de Berry au sujet de la loi 2000, et il a accepté de mener la bataille électorale sur la base de cette loi en nouant une alliance avec Amal dans toutes les circonscriptions regroupant des électeurs chiites. La victoire électorale commune des deux formations est, en fait, celle de la stratégie du Hezbollah. Et si la véritable représentativité démocratique n’y trouve pas vraiment son compte, le parti de Dieu considère que c’est secondaire pour l’instant, la priorité étant de sauver « les armes de Résistance ». Il fallait ainsi couper la voie à ce que les proches du Hezbollah appellent « une infiltration de la communauté », par le biais de l’émergence de nouvelles forces. Et l’alliance avec Amal a permis d’étouffer dans l’œuf la fameuse troisième force chiite qui n’a tenu qu’une seule réunion avant les élections. Le Hezbollah a voulu de cette manière verrouiller la communauté chiite pour assurer ses arrières, et si cela devait passer par un partage du pouvoir avec le mouvement Amal, il n’y a pas si longtemps encore fortement décrié par le même Hezbollah, ce dernier aurait été prêt à faire cette concession. C’est pourquoi sayyed Hassan Nasrallah mais aussi tous les responsables du Hezbollah ont si fermement appuyé la candidature de Berry à la présidence de la Chambre. Comme d’habitude, c’est Walid Joumblatt, avec son flair habituel, qui a saisi le premier la stratégie du Hezbollah. Et il a très vite annoncé qu’il comptait voter pour Berry. Selon des proches du parti de Dieu, il aurait convaincu le Courant du futur d’en faire de même pour ne pas heurter la communauté chiite. « Pouvons-nous élire un président de la Chambre que les chiites récusent ? » aurait-il demandé à ses interlocuteurs, ajoutant que de toute façon, aucun chiite ne pourrait se présenter contre la volonté des députés de sa communauté. C’est ainsi que Nabih Berry a été finalement choisi, et le Hezbollah, en l’appuyant aussi fermement, a rempli sa part du contrat. Tout comme demain, les deux formations feront front commun au sujet de la composition du gouvernement. Mais c’est plus tard, lorsque les dossiers importants seront évoqués, que les choses risquent de se corser. En tant que président de la Chambre, Nabih Berry restera-t-il fidèle à son alliance avec le Hezbollah lorsque le désarmement de ce parti sera soumis à l’ordre du jour du Parlement? Les sources proches de sayyed Nasrallah le croient, rappelant à cet effet que Berry sait très bien qu’il ne bénéficie pas d’une légitimité populaire suffisante sans l’appui de ses alliés. De plus, ajoutent les mêmes sources, au cours de sa visite en Iran il y a dix jours, Berry aurait entendu un message très clair: priorité à la cohésion de la communauté chiite. L’Iran serait donc prêt à l’appuyer s’il restait l’allié du Hezbollah, mais il ne pourra pas compter sur ce pays (surtout maintenant que la Syrie n’est plus au Liban) s’il veut faire cavalier seul. En appuyant Berry, le Hezbollah a donc voulu se doter d’une solide protection interne. Mais cette stratégie sera-t-elle efficace et permettra-t-elle au Hezbollah de conserver sa crédibilité et son envergure nationale auprès des Libanais ? La réponse n’est pas évidente. Scarlett HADDAD

Les festivités et les tirs de joie qui ont suivi la réélection de Nabih Berry à la tête de la Chambre, mardi soir, n’étaient pas seulement choquants à cause des victimes qu’ils ont causées. Ils l’étaient aussi en comparaison avec la cote réelle de popularité du chef du mouvement Amal au sein de la communauté chiite. Car les étalages de force ne trompent personne, et nul...