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Actualités - OPINION

Vie politique - Comment former un gouvernement sans traiter avec le régime ? Suspense lancinant autour d’une éventuelle crise de pouvoir

Le dilemme est aigu. Pour former un gouvernement, il faut obligatoirement traiter avec le régime. Or, nombre de pôles de la nouvelle majorité y répugnent. Ce qui est logique, puisqu’ils réclament depuis des mois l’éviction du chef de l’État. Passe encore la première phase, les consultations impératives, simple formalité. C’est ensuite qu’il y a la pierre d’achoppement. Car la composition du cabinet doit se faire en accord entre le président du Conseil désigné et le président de la République. C’est ce qu’enjoint la Constitution libanaise. Si mal fagotée qu’elle ne précise pas ce qu’il faut faire en cas de mésentente. D’où le risque d’un blocage, d’une crise de pouvoir que le pays ne supporterait ni politiquement ni socioéconomiquement. Car dans la situation délicate, difficile, qu’il traverse et alors qu’il se trouve en pleine mutation, il ne peut pas se contenter d’un gouvernement se limitant à expédier les affaires courantes. Il lui faut impérativement un Exécutif actif pour engager la réforme et pour pouvoir se faire attribuer les sous promis par l’assistance publique internationale. Sans crouler sous une dette dont il devra rembourser, l’an prochain, une partie du capital en sus des intérêts. Les regards se tournent donc vers la nouvelle majorité, qui n’a encore rien laissé percer de ses intentions. Va-t-elle décider de bouder les consultations, par refus de principe de voir Lahoud ? Ce qui impliquerait un refus de participer au prochain gouvernement, auquel on dénierait la confiance au Parlement. Avec un résultat de paralysie générale assuré, accompagné de complications économiques, politiques, voire sécuritaires. Mais des questions se posent également par rapport au régime. Si la majorité, après avoir participé aux consultations, désigne un président du Conseil avec lequel le chef de l’État ne s’entendrait pas, il refuserait de signer les décrets de nomination du gouvernement, comme lui en donne implicitement le droit l’article 53 C de la Constitution qui stipule qu’il « promulgue, en accord avec le président du Conseil, le décret de désignation du gouvernement, et d’acceptation de la démission ou de la révocation des ministres ». Cet article avait été débattu à Taëf. Certains avaient proposé qu’en cas de litige, la Chambre arbitrerait. Mais il n’y avait pas eu accord sur ce point. Et l’on était passé à autre chose, sans régler un problème qui pourtant sautait, et saute toujours, aux yeux. Seconde étape : que ferait la majorité si le président refusait de signer ? Boycotterait-elle de nouvelles consultations et ferait-elle chuter tout gouvernement formé sans son feu vert ? Estimerait-elle plus nécessaire que jamais l’éviction accélérée du président Lahoud ? Et, dans cette éventualité, comment s’y prendrait-elle ? On sait en effet que les mécanismes à développer pour abréger, par amendement constitutionnel, la durée du mandat sont d’une telle complexité, rencontrent de telles entraves que pour en venir à bout, il faudrait presque autant de temps qu’il reste à la prorogation. Mais, d’un autre côté, le président de la République pourrait-il résister à la pression et s’accrocher quand le Liban se retrouverait paralysé ? Les nouveaux décideurs n’interviendraient-ils pas pour le pousser vers la sortie ? Ou, inversement, pour porter la majorité à composer ? Certains proposent, pour éviter l’épreuve de force, que l’on forme un gouvernement extraparlementaire formé de figures fiables, selon l’expression utilisée par l’ambassadeur US, Feltman. Qui parlait des interlocuteurs libanais souhaités dans la perspective des assistances financières internationales. Il s’agirait de personnalités indépendantes, compétentes, probes. Et il n’y aurait donc pas de copartage des portefeuilles entre les parties politiques. Le gouvernement serait, selon ces sources, consolidé par quatre ou six ministres d’État chargés du volet politique. Mais d’autres soutiennent que pour réussir la mutation, il est indispensable de former au Liban un vrai gouvernement d’union nationale, comme le veut du reste l’accord de Taëf. Émile KHOURY

Le dilemme est aigu. Pour former un gouvernement, il faut obligatoirement traiter avec le régime. Or, nombre de pôles de la nouvelle majorité y répugnent. Ce qui est logique, puisqu’ils réclament depuis des mois l’éviction du chef de l’État. Passe encore la première phase, les consultations impératives, simple formalité. C’est ensuite qu’il y a la pierre d’achoppement. Car...