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Actualités - OPINION

EN DENTS DE SCIE Jacques a dit…

Vingt-cinquième semaine de 2005 (J+132). Le Liban est maintenant de plain-pied dans sa longue, fastidieuse et difficile cure de désintoxication. Débarrassé de la tutelle syrienne, mais pas de tous ses sales résidus – les visages de Solange Gemayel, Nayla Moawad, Saad Hariri et Walid Joumblatt, assis côte à côte aux funérailles d’un grand martyr, étaient hier saisissants de vérité – ; libéré des objurgations et autres diktats du binôme Anjar-Baabda, ce Liban a désormais besoin, éminemment besoin, de béquilles. Et ces béquilles-là, ce sont les « conseils » veloutés mais fermes d’un triumvirat de choc, et visiblement d’accord sur le gros comme sur le détail : Washington-Paris-Ryad. En partant (parce qu’il faut bien partir de quelque chose, même d’un vœu pieu) du postulat, encore timide, encore fragile, selon lequel la communauté internationale veut éviter les fantasmes viciés de partition irakienne, syrienne et/ou libanaise ; qu’aux séismes du morcellement, elle privilégie férocement, pour l’instant, les bienfaits d’une contagion positive de la zone P-O par le modèle libanais. Pour lequel cette communauté s’est déclarée prête à re-délier, encore une fois, même sans Rafic Hariri, les cordons de la bourse. Sauf que, désormais, elle est, à l’adresse des Libanais, on ne peut plus claire : vous faites, vous commencez d’abord, notamment à réformer, à assainir, et, ensuite, les dollars suivront. La communauté internationale, au cœur de laquelle s’agite et mouille sa chemise, pour le Liban, un Jacques Chirac qui a pourtant un million d’autres chats à fouetter chez lui, ne se laissera pas berner une troisième fois. Elle veut du changement, des dirigeants non corrompus, un engagement réel, mais aussi, une véritable stabilité politique interne. Maillon premier de cette opération de réformes tous azimuts : le président de la Chambre. Le député réélu Nabih Berry a joué pendant 13 ans au petit Néron. À l’antiréformateur. Jusqu’à faire de la place de l’Étoile une annexe en or de son parti. Jusqu’à être l’un des plus gros actionnaires du (trop gras, trop lipidique) stock de fonctionnaires surnuméraires. Le député réélu Nabih Berry a pourtant décidé de briguer un quatrième mandat, manquant faire s’étouffer l’ensemble de la jeunesse libanaise, pour ne citer qu’elle. Et la communauté chiite a décidé, par le truchement de ses députés, de montrer qu’elle souffre d’une carence terrible en hommes de bien. Ce qui est, évidemment, archifaux. Mais libre à elle. Elle veut Nabih Berry, elle l’aura. Sauf que le résultat est le suivant. Le chef d’Amal a commencé à sentir le roussi, a commencé à sentir que le boulet allait passer exactement au-dessus de sa tête. Qu’il suffit d’un rien pour qu’il se retrouve éjecté du perchoir jusqu’aux travées de l’hémicycle. Alors, pour la première fois de sa carrière, le député réelu est entré en campagne, de Bkerké à Koraytem. Avec un programme à l’appui, « oral » comme il l’a dit, hyperflou comme il doit le savoir, mais bon, le changement de mentalité, du moins en apparence, est substantiel. Et surtout, Nabih Berry a sans doute entendu. Notamment Saad Hariri, rentré de Ryad, mais surtout de l’Élysée. Il a entendu que s’il veut revoir son cher perchoir, c’est au prix d’un cahier des charges particulièrement astreignant que l’on peut pourtant résumer en une phrase : Nabih Berry devra être, pour la première fois, un président de la Chambre. Ne plus se mêler que de Législatif. Oublier l’Exécutif, qu’il a contribué à prendre en otage pendant treize ans. Abonder à 100 % dans la réforme. Ne plus rien bloquer. Ne plus penser à sa communauté uniquement. Nabih Berry a compris que cette fois, s’il est réélu, son score sera bien plus faible que les fois précédentes. C’est le plus gros, le plus audacieux des paris de la nouvelle indépendance : faire confiance au maître de Msayleh. Que la nouvelle majorité, divisée, pas d’accord – et encore une fois, c’est très bien –, semble prête à relever, au risque de renforcer les aounistes dans leurs certitudes. Nabih Berry a pour lui une intelligence hors normes. Qu’il en profite pour une fois. Et en fasse profiter le pays. Ziyad MAKHOUL
Vingt-cinquième semaine de 2005 (J+132).
Le Liban est maintenant de plain-pied dans sa longue, fastidieuse et difficile cure de désintoxication. Débarrassé de la tutelle syrienne, mais pas de tous ses sales résidus – les visages de Solange Gemayel, Nayla Moawad, Saad Hariri et Walid Joumblatt, assis côte à côte aux funérailles d’un grand martyr, étaient hier saisissants de vérité...