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Actualités - ANALYSE

Analyse - La fureur du moment, les froids calculs pour plus tard De multiples remous… puis la chasse au trésor

Plus libanais que nature, Georges Haoui faisait partie du paysage. Familier. Un statut de retraité. Actif, mais retraité quand même. De l’appareil du parti, sinon de la scène politique. Dont il était devenu, question de génération, l’un des conseillers, des sages plus ou moins écoutés et suivis. Ces trois ou quatre mentors qui prônent le dialogue, l’ouverture. Et les équilibres nécessaires. Les commentateurs engagés (et l’on n’en trouve plus d’autres) s’accordent pour pointer du doigt, avec plus ou moins de précautions verbales, la double tyrannie sortante. Ils estiment généralement qu’elle fait feu de tout bois, recourt au terrorisme sinon pour s’accrocher encore, ou pour se venger, du moins pour désarticuler le tableau. Afin de garder une chance de s’y réintroduire. Les analystes soutiennent, toujours généralement, qu’un tel plan est non seulement à courte vue, mais vient conforter l’élan libérateur. En incitant de plus les puissances à encore mieux pouponner le Liban nouveau-né. On peut certes, au nom de la raison pure, du doute scientifique, ou de l’esprit de contradiction, avancer bien d’autres hypothèses. Penser, par exemple, que les méthodes différentes de terrorisme utilisées depuis l’attentat initial contre Marwan Hamadé peuvent signifier que l’on a affaire à des commanditaires distincts. Mais de telles remarques restent d’ordre uniquement théorique. Alors que la thèse du complot vindicatif, si largement adoptée, est devenue une constituante dynamique de la situation politique de fait. Une raison majeure même pour justifier le changement que tout le monde réclame. Et l’unité des rangs. Que, malheureusement, personne ne recherche, assurances hypocrites mises de côté. Des relents Pourquoi cette volonté de clivage ? D’abord à cause de la résurgence des animosités confessionnelles, imputable à la loi 2000. Qui, au nom d’un impératif prétendu de brassage national, a provoqué une inévitable confrontation entre les forces communautaires mises de force face à face. Ainsi, au Nord, à quelque 70 %, les musulmans ont voté Hariri-Joumblatt, qui ont recueilli quelque 30 % des chrétiens. À quelque 70 %, les chrétiens ont voté Aoun-Frangié, qui ont pu obtenir quelque 30 % des musulmans. Les votes ont donc bien été confessionnalistes. Beaucoup plus, en fait, que les vues, les programmes et les projets affichés par les compétiteurs. Mais cela même est plutôt rassurant. Car, maintenant que les élections sont terminées, les gens et leurs pulsions instinctives vont être, politiquement, mis de côté. La flambée confessionnaliste est donc, en principe, derrière nous. Perspectives Devant, qu’est-ce qu’il y a ? La présidence de la Chambre, le départ du régime, le gouvernement ? Des échéances extrêmement importantes à première vue. Et qui vont très certainement polariser l’actualité. Mais qui restent un peu l’arbre qui cache la forêt. Dans ce sens que ce qui comptera finalement le plus, tant pour le pouvoir, pour l’opposition que pour la population, cela va être le redressement. Ou, plus exactement, vu sous l’angle intéressé des professionnels, le pactole qui se profile à l’horizon. Certes, les donateurs en puissance, dont Feltman se fait le porte-parole, s’égosillent à répéter que cette fois, il n’est pas question de payer à fonds (littéralement) perdus. Mais tout le monde sait que ces admonestations, c’est pratiquement du vent. Que les cordons de la bourse seront fatalement déliés, pour peu que le Liban présente un programme de réformes. Sans attendre qu’il soit réalisé ou même mis en chantier. Pour la bonne raison que les sous doivent y être avant l’an prochain, date d’échéance pour le remboursement des deux tiers presque de la dette publique libanaise. Et pour l’autre bonne raison qui veut que tout projet proposé doit d’abord être financé. Les milliards vont donc affluer. La plus élémentaire des lucidités veut donc que la question est de savoir comment ils seront dépensés. Ou partagés entre des parties qui ont une longue expérience de ce genre d’exercice. Issue Il faut quand même espérer, et c’est peut-être l’avantage principal d’une opposition qui se dit braquée sur ce point, que le climat nouveau, un peu mieux purifié, un peu plus sous surveillance, permettra au pays économique de profiter lui aussi des assistances en vue. Le Liban « est une patrie définitive pour tous ses fils… », lit-on dans la toute première phase de la Constitution issue de Taëf. Apparemment, c’est là une lapalissade qui prêterait ordinairement à sourire. Comme si l’on entendait dire que tous les Chinois sont chinois. Mais chez nous, c’est en fait d’un serment solennel qu’il s’agit. Le problème, aujourd’hui comme hier, comme pendant la guerre, c’est que beaucoup de Libanais, de jeunes surtout, ne veulent plus être coincés dans cette « patrie définitive ». Tout en l’aimant beaucoup, ils sont bien obligés de réaliser que s’ils veulent gagner décemment leur vie (et respirer un air plus pur), ils doivent partir. Le problème du problème, c’est que cela devient très difficile. Les qualifications exigées manquent. Parfois, c’est d’ailleurs paradoxal. Parce que les offres d’emploi, dehors, ciblent surtout les ouvriers spécialisés ou les technicien haut de gamme. Le Liban n’a ni main-d’œuvre à profusion (il en importe) ni assez d’instituts de technologie de pointe. De plus, après le 11 septembre, il est devenu difficile de décrocher un visa vers les pays industrialisés quand on vient du monde arabe ou musulman. La fuite des cerveaux se poursuit certes. Mais globalement, le mouvement d’exode massif est en train de ralentir. Ce qui aggrave d’autant le chômage local. Les évêques maronites, qui ont toujours déploré l’émigration libanaise, chrétienne notamment, n’ont donc pas de quoi se réjouir vraiment. Parce que le pays ne semble pas en voie d’offrir des perspectives raisonnables d’avenir à ses jeunes, piégés. C’est pourquoi, tout plan de redressement doit cibler avant tout la jeunesse active. Afin que le Liban survive. Jean ISSA
Plus libanais que nature, Georges Haoui faisait partie du paysage. Familier. Un statut de retraité. Actif, mais retraité quand même. De l’appareil du parti, sinon de la scène politique. Dont il était devenu, question de génération, l’un des conseillers, des sages plus ou moins écoutés et suivis. Ces trois ou quatre mentors qui prônent le dialogue, l’ouverture. Et les équilibres...