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Actualités - OPINION

Eclairage - Vers une reconduction, sous conditions, de Berry ? Pour la première fois, Lahoud désavoué par une majorité parlementaire absolue

Est-ce une nouvelle et énième réunion destinée encore une fois à juste marquer le coup, à simplement ré-agir ; une réunion où les participants se contentent de multiplier les condamnations, les accusations, et de prendre des initiatives qu’ils abandonneront 24 heures plus tard, à l’instar du sit-in à la bifurcation menant au bunker de Baabda ? Visiblement pas. Depuis hier, c’est une majorité absolue des députés qui a désavoué Émile Lahoud. Le Rassemblement du Bristol, depuis le 20 juin, n’est plus cette fédération de petits groupes épars qui ne pèsent pas bien lourd lorsqu’il s’agit d’additionner les voix place de l’Étoile. Le Rassemblement du Bristol qui s’est réuni hier constitue désormais une majorité parlementaire absolue. Un bloc massif, formé de pôles aux aspirations certes diverses et variées, mais qui se sont entendus sur l’essentiel, sur une marche à suivre, sur un but à atteindre. Tout en débattant, heureusement, sainement, loin de tous les modèles « frères » au sein de l’espace proche-oriental, sur les chemins à prendre pour y aboutir. Depuis hier, l’appel à la démission d’Émile Lahoud a pris un tout autre poids. Lorsque Farès Souhaid affirme que « le point de départ du feuilleton terroriste sanglant au Liban a été la violation de la Constitution et la prorogation du mandat Lahoud » et assure que cette funeste sitcom ne se terminera « que par le départ du président de la République et le démantèlement de l’infrastructure SR », c’est au nom de plus de 70 députés qu’il s’exprime désormais. C’est-à-dire une majorité parlementaire absolue. Pas celle des 2/3 certes (86 députés), nécessaire à un réamendement de la Constitution ; encore moins celle des 3/4 (96 députés) indispensable pour forcer le chef de l’État à signer cet éventuel réamendement, l’annulation de la prorogation de son propre mandat, mais une majorité confortable pour l’élection du président de la Chambre, et, surtout, pour la nomination d’un Premier ministre censé avoir toute la latitude pour former le gouvernement selon le bon plaisir de l’opposition du Bristol. Depuis hier, seuls le Hezbollah (14 députés) et le bloc CPL et alliés (21 députés) restent plus ou moins farouchement opposés au départ du locataire de Baabda. Quant au bloc Berry, force est de constater qu’il ne s’est toujours pas prononcé, qu’il continue de s’emmurer, sur ce point bien précis, dans un très stratégique silence. Un bloc qui, pour la première fois, s’est fait fort de présenter officiellement la candidature du n° 2 de l’État sortant pour un quatrième mandat à la tête du Législatif. Une candidature qu’il a jugé nécessaire de flanquer d’un programme en bonne et due forme – particulièrement vague, il est vrai ; presque entièrement basé sur des propositions de lois qui ont été avortées au cours des dernières années, il est vrai aussi, mais un programme quand même… Et c’est là que tout devient intéressant. Il y a débat au sein de l’opposition et, encore une fois, c’est très heureux. Pour la première fois depuis des lustres, la reconduction de Nabih Berry au perchoir n’est pas chose acquise. Pour la première fois, on échappe, sans en connaître l’issue pour l’instant, au mortifère virus, éminemment libanais, du « tohssil hassil ». La cartographie, à quatre jours de l’élection du nouveau n° 2 de l’État, est agréablement surprenante. Kornet Chehwane, les FL, le RD, la GD, entre autres, ainsi que le bloc Aoun se sont clairement prononcés contre la prorogation du mandat Berry, et le bloc Skaff ne doit pas être bien loin. Réagissant sans doute au refus catégorique du maître de Msayleh qui aurait promis de mener une guerre à tout autre candidat Amal que lui-même, le bloc Joumblatt, qui défendait il y a quelques jours cette option, penche désormais pour un candidat qui fasse l’unanimité au sein de la communauté chiite. Et cette dernière – Amal et Hezbollah – s’est on ne peut plus clairement prononcée en faveur de Nabih Berry. Une confrontation d’idées a opposé hier pendant la réunion du Bristol un député PSP à un député FL. Le premier arguait, et il n’a pas tort, que l’on ne pouvait pas imposer un chef du Législatif qui ne soit pas agréé par la communauté chiite, du moins par ses représentants. Le second a répliqué, et il n’a pas tort, que dans ce cas-là, il faudrait un Premier ministre qui reçoive l’aval de la communauté sunnite et un président de la République qui soit adoubé par la communauté chrétienne. Il n’y a que Misbah Ahdab qui a eu le dernier (bon) mot : la présidence de la Chambre est un poste national, a-t-il rappelé ; c’est aux chiites de présenter des candidats, certes, mais c’est aux élus de la nation de choisir. Idem pour les deux autres présidences, lesquelles, également, « représentent l’ensemble des Libanais ». Reste le Courant du futur. Que l’on dit assez mitigé. Le pays en général, et les chefs de file en particulier, attendent le retour du jeune Saad Hariri de Riyad, pour se réunir et adopter une position définitive sur la question. Le tout à la lumière de la tournée avant-hier de l’ambassadeur saoudien auprès de Nabih Berry et de Hassan Nasrallah, et de la visite de l’ambassadeur iranien auprès de… Hussein Husseini, le plus sérieux rival du président de la Chambre sortant. Qu’a-t-on dit, qu’a-t-on conseillé à Saad Hariri à Ryad, quelques heures à peine après son passage à l’Élysée ? En partant du principe que la position américano-franco-saoudienne est une et unique, que veulent les grandes capitales, aux Assemblées desquelles Nabih Berry a ironiquement décidé hier de présenter sa candidature ? Est-ce qu’elles conditionnent leur aide pécunière à un changement en profondeur de l’échiquier politique libanais ? Est-ce qu’elles souhaitent un accord, une entente libano-libanaise, quel que soit le résultat ? Est-ce que l’acceptation par la nouvelle majorité parlementaire de la reconduction de Nabih Berry est liée à un cahier des charges que ce dernier se devra d’exécuter : libération de Samir Geagea, révocation d’Émile Lahoud, adoption d’une nouvelle – et saine – loi électorale, de préférence basée sur la circonscription uninominale, etc. ? Surtout que le patriarche Sfeir a eu, pour nos confrères d’al-Massira, des mots d’une logique imparable et qui ont claqué comme une vérité : « Depuis le départ, j’étais contre l’amendement de la Constitution, mais les députés ne m’ont pas écouté. Les institutions doivent faire leur travail. S’ils peuvent provoquer le départ du chef de l’État par des moyens légaux, qu’ils le fassent donc. Sinon, qu’ils assument leurs responsabilités. » C’est clair. Hariri Jr est revenu de Ryad dans la nuit. Rapportera-t-il à ses camarades de travées l’insistance de la communauté internationale à éviter toute scission interlibanaise ? La communauté chiite, resserrée autour d’un Nabih Berry loin d’être au top de sa forme mais qui reste pour elle le meilleur garant de la résistance, est unanime. Sauf que toutes les parties sont d’accord, et Marwan Hamadé l’a répété hier, pour protéger le Hezbollah. Verra-t-on malgré cela son « champion » fatigué réinvestir le perchoir ? Verra-t-on le jeune et inexpérimenté cheikh Saad prendre possession du Sérail, à la tête d’un gouvernement d’union nationale qui réunirait « tout le monde », de Walid Joumblatt à Michel Aoun, lequel a reçu dans les dernières 48 heures, rappelons-le, les tonitruantes visites de Sergueï Boukine, Bernard Émié et Jeffrey Feltman ? Évitera-t-on ainsi une nouvelle bataille électorale, maronito-maronite d’abord ? Émile Lahoud, qu’un tel gouvernement de réconciliation nationale transformerait en une véritable Élisabeth d’Angleterre, resterait ainsi à Baabda jusqu’en 2007. Deux ans… Est-ce vraiment une bonne idée ? Ziyad MAKHOUL
Est-ce une nouvelle et énième réunion destinée encore une fois à juste marquer le coup, à simplement ré-agir ; une réunion où les participants se contentent de multiplier les condamnations, les accusations, et de prendre des initiatives qu’ils abandonneront 24 heures plus tard, à l’instar du sit-in à la bifurcation menant au bunker de Baabda ?
Visiblement pas. Depuis hier,...