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Actualités - OPINION

Spéculations sur une éventuelle cohabitation au sein du pouvoir

Mitterrand-Chirac puis Mitterrand-Balladur puis Chirac-Jospin : pendant des années, la France a su s’accommoder de la cohabitation. La question est de savoir si, au Liban, une telle formule serait viable. Ni la situation ni le système ne sont semblables. Chez nous, en principe, le pouvoir exécutif est détenu par le Conseil des ministres. Instance dont le chef de l’État peut diriger les débats, mais sans droit de vote. Et encore moins droit d’établir l’ordre du jour. Or, toujours chez nous, ce Conseil des ministres, son chef d’abord, est désigné par la Chambre. En d’autres termes, la nouvelle majorité parlementaire devrait inévitablement s’emparer sous peu du pouvoir exécutif. Le hic, c’est que le chef de l’État, s’il n’a pas de potentiel actif, dispose d’un lourd armement passif d’obstruction. Pour commencer, si la composition du nouveau cabinet ne lui plaît pas, il peut la rejeter. Car l’article 53 C (Constitution) stipule que cette composition s’établit en accord entre le chef du gouvernement désigné et le président de la République. Devant toute insistance, ce dernier peut refuser tout simplement de promulguer, donc de signer, les décrets de nomination. Et c’est le blocage. La crise de pouvoir car notre Constitution est si mal fagotée qu’elle ne dit pas que faire en cas de mésentente. On risque, en fait, de ne même pas en arriver là. Pourquoi ? Parce qu’il subsiste toujours, au sein de la nouvelle majorité, qui dispose de 72 sièges sur 128, un fort courant qui exige, comme condition première sine qua non, l’éviction du régime. Mais ce courant, il le reconnaît lui-même, n’est pas transcendant. Car, au pays du consensus et du compromis, il lui faut tenir compte de l’opinion plus nuancée de l’autre aile opposante. Qui s’inspire des vues de Bkerké pour estimer que rien ne presse vraiment. Sentiment que des formations non négligeables, comme le Hezbollah ou Amal partagent. Les attentistes, si on peut les appeler ainsi, préfèrent avancer pas par pas, suivant l’agenda officiel. Il faut en effet, pour commencer, élire le président et le vice-président de la Chambre. Puis désigner un Premier ministre. Or même en ce qui concerne la première échéance, rien n’est encore définitivement joué. Bien que Berry semble largement favori dans la course à sa propre succession, des tractations ardues ont toujours lieu dans les coulisses. Certains veulent en effet qu’il paie son billet d’entrée, en se joignant par exemple à la campagne anti-Lahoud et antisystème sécuritaire. D’autres souhaitent que son mandat soit limité à un an ou deux. D’autres encore qu’il laisse passer provisoirement un autre, afin que le principe du changement paraisse respecté, etc. Ainsi, les chefs de blocs ne s’engagent pas encore. Et l’on entend le principal d’entre eux, Saad Hariri, indiquer qu’il faut prendre le temps de se concerter avec les alliés comme avec l’ensemble des forces composant la Chambre. Les haririens attendent du reste le retour de leur chef de file, qui a récemment vu Chirac avant de se rendre en Arabie saoudite. Certains d’entre eux relèvent qu’en principe, il serait difficile de voter Berry. Parce que cela ne serait pas du changement et que le changement est justement exigé par les nouveaux parrains. Joumblatt, qui avait pourtant certifié dimanche dernier son appui à Berry, laisse maintenant entendre qu’il faut en parler. Ajoutant que pour sa part, il soutiendrait le candidat choisi par le mouvement Amal et par le Hezbollah, autrement dit par la communauté chiite à laquelle revient le poste. Mais cette même communauté compte d’autres figures. De son côté le bloc des 21 relevant de Michel Aoun n’est pas pour Berry. Mais ne fera son choix propre que lundi prochain. Certains fidèles du président sortant ont tenté de sonder les intentions et les informations des aounistes : auraient-ils reçu des signaux de l’extérieur, pour écarter Berry ? Mais il ne leur a pas été répondu. Selon un premier pointage, le chef du mouvement Amal a pour lui les 15 du bloc de la libération et du développement ; les 15 du bloc de la Rencontre démocratique ; les 14 du bloc de la Résistance, sauf si le Hezbollah se rabat sur Hussein Husseini : les 2 du PSNS ; deux indépendants ; un Kataëb et un baassiste. En tout, cinquante. Le Courant du futur (38), le Courant aouniste (21), les FL (6) ; la Réforme Kataëb (3) ; Kornet Chehwane (5) ; le bloc tripolitain (5), ne se sont pas encore prononcés. Quoi qu’il en soit, les cartes pourraient être brouillées et remélangées à l’occasion de l’élection de mardi prochain. Et la majorité des 72 pourrait voir ses rangs ébranlés. Ce qui n’irait pas sans effet lorsqu’il s’agira de former le nouveau gouvernement et de se répartir les portefeuilles. Philippe ABI-AKL
Mitterrand-Chirac puis Mitterrand-Balladur puis Chirac-Jospin : pendant des années, la France a su s’accommoder de la cohabitation. La question est de savoir si, au Liban, une telle formule serait viable. Ni la situation ni le système ne sont semblables. Chez nous, en principe, le pouvoir exécutif est détenu par le Conseil des ministres. Instance dont le chef de l’État peut diriger les...