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Actualités - ANALYSE

Eclairage - Dans un contexte aussi explosif, mieux vaut ne pas être un grand décideur… Le nouveau Parlement devra plancher dans l’immédiat sur plusieurs dossiers cruciaux

Les élections sont derrière nous, disent les vainqueurs, mais leurs résultats continueront à influencer notre quotidien au cours des prochaines années. Même si les pronostics restent divergents sur l’avenir du nouveau Parlement, certains affirmant qu’il ne passera pas les quatre ans, d’autres, au contraire, qu’il fera de vieux os. Ce qui est sûr, c’est qu’il arrive à une période cruciale de l’histoire du Liban. Grâce à la loi électorale de 2000, les élections législatives auraient dû être sans surprise et porter au Parlement une large majorité acquise au Bristol, autrement dit à l’alliance Hariri-Joumblatt-Kornet Chehwane-FL. Saad Hariri avait même prédit, avant le début de l’opération électorale, 90 sièges à l’opposition. Autrement dit, plus que la majorité des deux tiers au sein de l’Assemblée, ce qui aurait permis à cette opposition d’amender la Constitution, sans même avoir besoin de consulter les autres blocs parlementaires. Pourtant, les résultats n’ont pas répondu à cette attente. Il y a eu d’abord le faible taux de participation à Beyrouth et le nombre de voix non négligeable remporté par les Ahbache (près de 20 000), ce qui diminuait l’impact de la victoire de la liste de Hariri, notamment dans les milieux sunnites. Et puis, il y a eu la grande surprise du Mont-Liban et de Zahlé. Dans les milieux de l’opposition du Bristol, nul ne pensait que le général Michel Aoun ferait un tel raz-de-marée dans ces circonscriptions. On le savait, certes, populaire au sein de la rue chrétienne, et même dans certains milieux musulmans, mais nul ne pensait qu’il l’était autant, au point de rafler tous les sièges du Kesrouan, de faire passer toute sa liste au Metn et presque toute la liste à Zahlé. D’ailleurs, il faut aussi relever que c’est grâce au général Aoun que le taux de participation des chrétiens aux élections a fait un bond spectaculaire. Non seulement il a soufflé un vent de démocratie dans des élections qui s’annonçaient plutôt routinières, mais de plus il a réussi à mobiliser les chrétiens. Au point d’avoir effrayé les membres de l’opposition du Bristol et notamment le camp Hariri qui a mis le paquet pour les élections au Liban-Nord. Pour lui, il n’était absolument pas question de ne pas obtenir la majorité au sein du nouveau Parlement, car cela remettrait en cause son propre leadership sur la scène libanaise, mais aussi les projets américano-français pour le Liban. Aoun a été une sorte de « trouble-agenda » D’ailleurs, ce qu’on appelle désormais l’agenda occidental était clair depuis le début : démission du gouvernement de Omar Karamé, retrait total syrien, démission des chefs des services de sécurité, élections législatives avec majorité parlementaire à l’opposition et application totale de la 1559. Il n’était donc pas question de laisser le général Aoun jouer les « trouble-agenda ». Le pari a été réussi pour le camp de l’opposition du Bristol et les élections au Liban-Nord ont été remportées par leurs listes. Toutefois, cette opération électorale a permis de consacrer le général Aoun comme leader d’une grande partie des chrétiens et peut-être d’une partie des musulmans. En fait, les élections du Liban-Nord ont montré, au moins dans la seconde circonscription (Tripoli-Zghorta-Koura –Minié- Batroun), que les députés chrétiens ont été élus par une majorité de voix musulmanes, alors que les candidats chrétiens populaires ont échoué à cause aussi d’une majorité de voix musulmanes. Toutes ces considérations devraient d’ailleurs être étudiées attentivement lors de l’élaboration d’une nouvelle loi électorale. Mais, pour l’instant, c’est surtout la physionomie du nouveau Parlement qui est sous observation. Les proches du général Aoun estiment à cet égard que ce dernier a atteint ses objectifs pour la phase actuelle. Selon eux, le général Aoun n’aurait jamais aspiré, dans ces élections, à obtenir un plus grand bloc parlementaire, sachant pertinemment comment se présentent aujourd’hui les équilibres politiques. Il a réussi une importante percée au Parlement (14 députés du premier coup, ce n’est pas si mal), et avec un réseau d’alliances, il espère pouvoir faire voter à l’Assemblée certains projets de réforme qui lui tiennent à cœur. Mais, toujours selon ses proches, le général estime pour l’instant que ce Parlement devra traiter des questions très graves, notamment l’application de la 1559 et les armes du Hezbollah, ainsi que le désarmement des camps palestiniens. Face à tous ces dossiers épineux, le général ne serait pas mécontent de ne pas avoir une majorité parlementaire. Ce sera donc à l’opposition dite du Bristol, et plus particulièrement à l’alliance Saad Hariri-Walid Joumblatt, d’assumer des responsabilités cruciales. Tout comme ce sera elle qui décidera de l’identité du nouveau président de la Chambre, de la composition du nouveau gouvernement, de la restructuration des services de sécurité et des nouvelles relations à établir avec la Syrie. Le tout sur fond de pressions internationales. Un agenda compliqué, donc, pour une période dont les contours restent flous et où la violence est, hélas, un moyen de régler des comptes. Dans ce contexte, il vaudrait peut-être mieux ne pas être un grand décideur… Scarlett HADDAD

Les élections sont derrière nous, disent les vainqueurs, mais leurs résultats continueront à influencer notre quotidien au cours des prochaines années. Même si les pronostics restent divergents sur l’avenir du nouveau Parlement, certains affirmant qu’il ne passera pas les quatre ans, d’autres, au contraire, qu’il fera de vieux os. Ce qui est sûr, c’est qu’il arrive à une...