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Actualités - CHRONOLOGIE

Interview - L’épouse du chef des FL évoque « des alliances stratégiques d’avenir » avec le Courant du futur et le PSP Sethrida Geagea : Les possibilités de coopération avec Michel Aoun sont nombreuses (Photo)

L’opinion publique a d’elle une image de madone au visage impassible et toujours vêtue de blanc. L’image d’une cheftaine de clan au sein d’une société patriarcale à outrance, celle d’une Pénélope qui tente de gérer un royaume en attendant inlassablement le retour de son Ulysse, parti pour un long voyage des plus malheureux. Sa beauté presque intimidante semble dissimulée derrière une fine barrière de cristal. Pourtant, Sethrida Geagea est loin d’être cette icône quelque peu figée devant laquelle les caméras de télévision et les flashes des appareils photo sont quasiment en adoration. Il pourrait ne s’agir là que d’un mécanisme de défense. En fait, la Lady de Bécharré est surtout pudique. Tellement pudique qu’elle choisit minutieusement, fièrement, ses mots pour évoquer une douleur contenue depuis onze ans, qu’elle tait presque toute la souffrance de la femme, arbitrairement séparée de son mari et contrainte de subir toutes les humiliations du monde rien que pour l’entr’apercevoir quelques instants par semaine. Fatalement soumise, et pourtant tellement rebelle, à une injustice des plus terribles. Mais la pudeur n’empêche pas Sethrida Geagea de sortir de cette réserve qui, en public, semble pourtant lui coller à la peau. C’est ainsi qu’avec beaucoup de naturel et de spontanéité, elle suit, en marge de l’interview exclusive qu’elle est sur le point de donner à L’Orient-Le Jour dans son village natal de Bécharré, l’arrivée d’un convoi important de vans, transportant des habitants de diverses communautés venus tout droit du Akkar en costume traditionnel pour la rencontrer et lui poser des questions. Et c’est entre quelques allers-retours animés à la fenêtre, avant de recevoir ses hôtes et de prendre quelques minutes de pause pour suivre le bulletin d’informations de la LBCI, qu’elle répond, avec un naturel désarmant, aux questions de L’Orient-Le Jour. La mort est parfois plus douce… Celle que rien ne destinait à jouer un rôle politique de premier plan – sauf un malheur enfin sur le point de laisser la place à la plus grande des joies – fait montre d’une lucidité extraordinaire : « Il y a 15 ans de différence entre mon mari et moi. Je ne pensais pas qu’il me faudrait un jour entrer dans la politique et porter le flambeau de manière transitoire, le temps que mon mari sorte de prison. Je savais par contre qu’il faudrait peut-être mourir avec lui, de mort violente. » « La mort est parfois plus douce que la souffrance en continu, sur onze ans », dit-elle. Mais pour Sethrida Geagea, ce sera onze ans de navette entre la base FL, momentanément orpheline, et les sous-sols du ministère de la Défense. « Ces onze ans étaient très durs. Durant plus de quatre ans, je ne pouvais voir mon mari que de derrière une vitre. J’entendais des propos blessants en allant chez lui. On me demandait si je n’en avais pas marre. Parfois je me demande comment toutes ces années ont pu s’écouler. Lorsque Samir Geagea a été arrêté, nous n’avons cessé d’entendre, durant huit mois, qu’il serait exécuté. Cela a été très dur. Puis, il nous a fallu réagir. Quatre ans et demi après l’incarcération de Samir, nous avons participé aux premières municipales de notre histoire, avec plusieurs succès à la clef. Ce qui m’a valu de comparaître devant le tribunal militaire, pour soi-disant des attentats en Syrie et au Liban ! » se souvient-elle. Et de poursuivre : « Durant onze ans, la libération de Samir Geagea a été au cœur de notre bataille. Samir Geagea, qui a payé le prix de son engagement pour la réalisation de l’accord de Taëf et de la réconciliation nationale. D’ailleurs les dérives ont commencé en 1994, avec son incarcération et la mise au ban des FL », dit-elle. « Aujourd’hui, ils ont tous repris conscience, se sont rappelé ce dossier, même ceux qui étaient au pouvoir. Ils se sont demandé pourquoi Samir Geagea était encore en prison, et comment il fallait faire face à cette situation. S’il leur fallait s’excuser, par exemple. Nous pensons qu’il faut tourner la page du passé », poursuit Mme Geagea. « S’il y avait eu une réaction unanime le jour où Samir Geagea a été arrêté, le 21 avril 1994, nous n’en serions pas là aujourd’hui : Marwan Hamadé n’aurait pas été victime d’une tentative d’assassinat, Rafic Hariri n’aurait pas été tué, ni Samir Kassir. Le déséquilibre, la déstabilisation ont commencé avec l’arrestation de Samir Geagea et la dissolution des FL. Beaucoup se sont réjouis de ces événements, mais ils ne savaient pas où tout cela allait nous conduire », affirme Sethrida Geagea. Alliances stratégiques, conjoncture différente L’épouse de Samir Geagea pourrait être la troisième candidate FL, dimanche, à entrer au Parlement, après plusieurs années de lutte. Elle n’oublie pas, cependant, que « les camarades qui ont payé de leur vie, Ramzi Irani et Faouzi el-Racy, mort sous la torture », et ceux qui ont été arrêtés, réprimés et torturés. « Nous ne voulons pas réitérer cette expérience. Les nations ne se fondent ni sur la haine ni sur la rancune. Celui qui veut réellement construire une nation doit s’élever au-dessus de toutes ces affaires, les dépasser, et penser à l’avenir. Tout cela est derrière nous », souligne-t-elle. « Nous sommes en juin 2005, l’armée syrienne s’est retirée. Nous sommes dans une étape fondatrice, et nous devons mener le processus de fondation avec différentes parties. Nous savons que nous ne pouvons pas construire tout seuls, à l’étape actuelle, c’est-à-dire sans nos partenaires musulmans. D’où la naissance de nos alliances avec le Courant du futur de Saad Hariri, et le PSP de Walid Joumblatt », poursuit-elle. Et d’ajouter : « Après la fin de la tutelle syrienne, nous sommes entrés dans une nouvelle phase. La conjoncture a changé. » Sethrida Geagea insiste sur l’importance des alliances conclues avec les différentes forces politiques. Son discours a la réconciliation nationale comme toile de fond. Ainsi, si elle se félicite de l’élection d’Edmond Naïm (Baabda-Aley) et Georges Adwane (Chouf), elle juge toutefois que « les alliances tissées avec les parties concernées dans ces deux régions sont plus importantes que l’élection de deux ou trois députés ». « Nous considérons que ces alliances ne sont pas saisonnières, mais sont politiques et stratégiques pour fonder l’après-tutelle syrienne », dit-elle. Tout comme elle évoque ceux qui, payant comme les FL le prix fort de la liberté, « ont été obligés de quitter le Liban ou de mourir en martyrs : Béchir Gemayel, Rafic Hariri, Kamal Joumblatt, etc. ». Dans le même esprit, et par esprit démocratique, Sethrida Geagea insiste « pour profiter de l’occasion pour féliciter Michel Aoun après sa victoire au Mont-Liban ». « C’est le jeu démocratique. On ne peut que respecter la volonté du peuple », précise-t-elle. Et, après les élections, « nous pourrons nous retrouver, avec le général Aoun, sur plusieurs points communs », insiste-t-elle. « Beaucoup de dossiers vont être soulevés au Parlement. Le jeu démocratique va se transposer dans l’hémicycle. Et là, nous pourrons nous retrouver avec Michel Aoun », dit Mme Geagea. Pense-t-elle que le premier cas concret se posera lorsque le dossier Geagea sera sur le tapis ? « Le général Aoun s’est déjà engagé dans ce sens. Il a rendu visite au Dr Geagea en prison, et a déclaré à plusieurs reprises qu’il serait un des porte-étendards de sa libération. Partant, nous pourrons certainement nous retrouver sur ce dossier, entre autres, avec lui », répond-elle. Sethrida Geagea appelle les électeurs FL à s’abstenir de panacher et à aller voter, massivement, pour les listes entières de l’opposition du Bristol, dans les deux circonscriptions du Nord. « Cette échéance est exceptionnelle, elle est une étape fondatrice d’avenir », dit-elle. Sethrida Geagea voit clair. Elle est confiante en sa victoire, dimanche, et celle de ses alliés. Victoire qui devrait logiquement être consacrée par la libération prochaine de son mari. Si elle est élue, dès lundi, elle usera de tout son pouvoir pour ramener Samir Geagea à la liberté. Et, surtout, de tout son amour. Michel HAJJI GEORGIOU
L’opinion publique a d’elle une image de madone au visage impassible et toujours vêtue de blanc. L’image d’une cheftaine de clan au sein d’une société patriarcale à outrance, celle d’une Pénélope qui tente de gérer un royaume en attendant inlassablement le retour de son Ulysse, parti pour un long voyage des plus malheureux. Sa beauté presque intimidante semble dissimulée...