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Actualités - OPINION

Cherchez le nord !

Comme dans un bon thriller, le plus palpitant est bel et bien laissé cette fois pour le dernier quart d’heure : pour les élections de demain dans ce Liban-Nord longtemps figé dans ses structures politiques traditionnelles sous la proche surveillance du tuteur syrien, et dont les suffrages mettront la touche finale à la physionomie de la nouvelle Assemblée. L’enjeu est considérable, ce qui n’était pas évident pour tous il y a quelques jours seulement. Les résultats du scrutin du Mont-Liban, la fulgurante montée en puissance de Michel Aoun ont passablement encombré en effet cette véritable voie royale sur laquelle s’avançait l’alliance Hariri-Joumblatt. Non point, bien sûr, qu’après le Mont-Liban ce duo doive faire son deuil d’une majorité à l’Étoile que tout semblait lui destiner. Ce qui a d’ores et déjà changé cependant, c’est le poids, l’ampleur, le pouvoir absolu et sans appel de cette majorité annoncée : si elle triomphe au Liban-Nord, elle gouvernera certes ; mais même le plus spectaculaire des contre-tsunamis ne peut plus la rendre capable d’abattre, à elle seule, le régime du président Émile Lahoud. De même peut-on s’attendre qu’une telle majorité, pour respectable qu’elle puisse être, sera inévitablement amenée à jouer l’élargissement tactique, à s’ouvrir sur d’autres forces parlementaires – pas toujours les mêmes – au gré des dossiers brûlants qui attendent la nouvelle Assemblée. Michel Aoun à Ehden et Tripoli, Saad Hariri campant plusieurs jours durant dans la deuxième ville du pays : d’un côté comme de l’autre on se sera mobilisé à fond pour cette âpre bataille des scores fatidiques. Hariri junior battant le rappel du clergé sunnite, appelant les électeurs à sanctionner « les bourreaux » de son père, les « corrompus » et autres exploitants de bingo ; et Aoun fustigeant les manieurs de pétrodollars et acheteurs de conscience, Aoun l’iconoclaste brisant les tabous de convenances pour qualifier de premier corrupteur le Premier ministre martyr : dans son outrance même, le discours électoral des derniers jours, des dernières semaines, aura – de manière aussi saisissante que regrettable – illustré le chambardement que connaît le paysage politique libanais de l’après-Syrie. Qui est qui désormais ; qui est pour quoi exactement, dans ce mouchoir de poche rescapé de l’annihilation lente et où s’agite pêle-mêle une classe politique rompue aux plus acrobatiques des contorsions ? Où sont donc passées les lignes de démarcation entre contestataires et loyalistes, entre « l’opposition et le camp prosyrien », comme continuent de les désigner sans nuances, et sans doute par souci de commodité, les agences de presse étrangères ? Par quel prodige les uns peuvent-ils parler de souveraineté et s’allier néanmoins à des symboles de l’ère syrienne, nier contre l’évidence la survie des officines de Moukhabarate, partir en guerre contre la corruption et pactiser avec des sommités en la matière ? Pourquoi, à l’inverse, des alliances non moins surprenantes avec des courants demeurés ouvertement « prosyriens » seraient-elles permises aux autres ? Et les accommodements, les gestions pas toujours très nettes du passé en font-ils pour autant des parangons de vertu ? La sarabande effrénée des étiquettes qui ne veulent plus dire grand-chose ; les paramètres et schémas apparus au lendemain du terrible attentat de février, et déjà obsolètes : face à tout cela, et sans mauvais jeu de mots, il y a vraiment là de quoi perdre le nord. Celui-là même que l’on se dispute avec autant de férocité. Issa GORAIEB
Comme dans un bon thriller, le plus palpitant est bel et bien laissé cette fois pour le dernier quart d’heure : pour les élections de demain dans ce Liban-Nord longtemps figé dans ses structures politiques traditionnelles sous la proche surveillance du tuteur syrien, et dont les suffrages mettront la touche finale à la physionomie de la nouvelle Assemblée.
L’enjeu est considérable, ce...