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Actualités - ANALYSE

Éclairage - Moawad, Harb, Samir Frangié et Sethrida Geagea, prochaines cibles de Aoun au Nord ? Des droits et des devoirs d’une intronisation…

L’implication des centaines de jeunes du CPL et des milliers de sympathisants avant et pendant les élections, leur engagement, leur bénévolat, leur foi capable de détruire des Himalaya, et puis leur liesse, ce formidable sentiment d’avoir réparé une flagrante injustice, restent époustouflants de véracité et de beauté. Que la formidable volonté populaire se soit affirmée, imposée avec autant d’enthousiasme, de frénésie et de civisme est en soi une petite merveille. La démocratie, superbe, généreuse, lionne, celle dont les Libanais ont pu apprécier avant-hier une de ses multiples expressions, est pourtant née, il y a des millénaires, un peu gueuse. Friponne. Le plébiscite au Metn-Nord, au Kesrouan, à Jbeil, à Zahlé n’est pas seulement un vote-sanction. Peu importe à l’électeur si la loi 2000 a été imposée, dans le cadre d’un large package deal, par les objurgations américano-franco-saoudiennes. Cet électeur s’est convaincu que Kornet Chehwane n’a pas pu, ou n’a pas voulu annuler un héritage Anjar-Baabda sclérosé. Le vote d’hier est aussi un vote-espoir. La majorité des Metniotes, des Kesrouanais, des Jbeilotes et des Zahliotes ne veulent pas seulement – et c’est absolument légitime – d’un bloc chrétien qui puisse traiter, à pied d’égalité, avec le bloc chiite, le bloc sunnite, le bloc druze. Ils veulent aussi, et le résultat d’avant-hier l’a prouvé, un leader, un seul, qui puisse traiter, à pied d’égalité, avec Saad Hariri, Walid Joumblatt, Hassan Nasrallah ou Nabih Berry. Ils disent, comme bon nombre de leurs coreligionnaires dans les autres régions, que « pour cela, il faut des combats sans quartier, il faut en finir avec les petites têtes ». Comme tous ses compatriotes, le chrétien, dans sa majorité, veut, ou a besoin, visiblement, d’un « chef », d’une idole devant laquelle déverser des tonnes de « bel rouh, bel dam ». C’est comme ça. Est-ce bien raisonnable ? Oui, non, peut-être. Le problème n’est pas là. Sauf que Michel Aoun, dans un de ses excès de bon sens dont il se veut coutumier, avait dit il n’y a pas bien longtemps qu’il ne voit pas, s’il n’est pas en bons termes avec le chef d’une communauté, pourquoi cela l’obligerait à se disputer avec l’ensemble de cette communauté… Qu’il ne voyait donc pas de bienfait à un leadership unique sur une même famille spirituelle. C’est pourtant ce qu’il a fait hier. Une razzia au sein de sa propre communauté. Seul, auréolé des quinze ans d’exil qui forgent les mythes ou les mirages, ou par le biais d’alliances bâtardes avec ceux dont il a combattu sans fléchir, pendant des années, la vision et l’idée qu’ils se font du Liban, le général a décapité la communauté chrétienne, la privant de figures dont le moindre des mérites était d’avoir résisté, dès leur entrée en scène, « de l’intérieur » : N. Lahoud, F. Souhaid, C. Eddé, G. Murr… À peine rentré de Paris, le général avait fait comprendre à Saad Hariri et Walid Joumblatt que ce n’était pas la peine de s’embarrasser de l’avis de Kornet Chehwane et de toutes ses composantes. Qu’il parlerait, négocierait, déciderait, lui, au nom des chrétiens, de tous les chrétiens. En dégommant des ténors de KC, en éliminant ses rivaux chrétiens, c’est-à-dire en devenant le premier défenseur, sur les écrans de télévision, du général-président Lahoud, le général-député Aoun ne fait pas seulement montre d’un sens aigu de la solidarité corporatiste, ni d’une élasticité insensée de sa mémoire. Il ne fait pas non plus que mettre le patriarche maronite devant le fait accompli, fort d’une impressionnante légitimité populaire. Il ne fait pas non plus que survitaminer, bon gré mal gré, de bien fatigués et fatigants reliquats, liberticides et antidémocratiques de la tutelle syrienne. Il ne fait pas non plus que confirmer, après l’échec total à Baabda-Aley, bien malgré lui sans doute et malgré ses nombreuses déclarations, qu’il n’est pas un leader national mais le plus fort des chefs chrétiens. En fait, Michel Aoun déblaie le terrain. Porteur d’un programme fascinant, certes, indispensable, certes, mais qui ne pourra jamais s’appliquer sans le concours de l’ensemble des autres communautés libanaises et de leurs « chefs », le général n’est pas rentré au Liban pour être un simple député, aux côtés de 127 autres. Débarrassé de son plus sérieux adversaire, de son plus dangereux rival, Nassib Lahoud (qu’on ne se leurre pas : le plus à même d’endosser l’habit de chef d’État, d’arbitre, de garant), Michel Aoun a mis dès hier, avec son périple nordiste, les Libanais au parfum de ce qui semble être son plan de la semaine : en finir, aussi, avec des Nayla Moawad, des Boutros Harb, des Samir Frangié, mais également, visiblement, des Sethrida Geagea. C’est-à-dire le reste des têtes d’affiche de Kornet Chehwane. Sans compter qu’il a toutes les chances de détenir une minorité de blocage au Parlement contre toute éventuelle volonté de réamender la Constitution et de rectifier le hold-up d’Émile Lahoud sur la présidence de la République, le 3 septembre dernier. Émile Lahoud, renfloué aujourd’hui, sera totalement lâché quand Michel Aoun annoncera ses velléités présidentielles. Reste simplement à savoir si l’ancien Premier ministre occulte, comme il y a 15 ans, l’agenda de la communauté internationale, ou s’il lui arrive, par courrier express, chaque semaine, un peu d’eau bénite du Potomac. Il y a eu les erreurs, nombreuses, inadmissibles, de Kornet Chehwane ; les maladresses, multiples, inacceptables, de Walid Joumblatt ; l’inexpérience, l’atavisme et l’entourage de Saad Hariri, loin pour l’instant d’être de bon conseil. Réponse mathématique : les chrétiens ont démultiplié l’orange à l’infini. Il est pourtant des oranges amères. Sauf que ces dernières font de délicieuses marmelades. Lorsqu’elles sont mélangées à d’autres ingrédients. Walid Joumblatt a prouvé, à plusieurs reprises, ses gènes d’homme d’État. Qu’il tende la main. Saad Hariri semble avoir de la bonne volonté à en revendre. Qu’il tende la main. Le peuple a propulsé Michel Aoun à la tête d’un bloc chrétien. Qu’il s’en montre digne, et qu’il tende la main. Dans quelques jours à peine, il n’aura plus ni l’excuse ni le confort du « je n’y suis pas ». Ziyad MAKHOUL

L’implication des centaines de jeunes du CPL et des milliers de sympathisants avant et pendant les élections, leur engagement, leur bénévolat, leur foi capable de détruire des Himalaya, et puis leur liesse, ce formidable sentiment d’avoir réparé une flagrante injustice, restent époustouflants de véracité et de beauté. Que la formidable volonté populaire se soit affirmée,...