Un scrutin placé sous le signe de la réconciliation dans la Montagne Au Chouf, une entente tacite entre les bases électorales du CPL et du PNL (photos)

Trois aspects caractérisaient hier le paysage électoral au Chouf où le taux de participation a plafonné les 49 % dans l’ensemble de la quatrième circonscription du Mont-Liban : participation massive des druzes qui ont répondu à l’appel du leader du PSP, entente entre la base populaire du PNL et du CPL à Deir el-Qamar et biffage à Iqlim el-Kharroub du candidat sunnite Alaeddine Terro et du candidat des FL au siège maronite, Georges Adwane, membres de la liste du Front de la lutte nationale, fruit de l’alliance entre le Parti socialiste progressiste, le Courant du futur et les Forces libanaises. Des pratiques qui n’auront toutefois pas une grande importance sur la victoire totale escomptée de cette liste, selon plusieurs sources concordantes. « 8-0. Tel sera le résultat du scrutin au Chouf. Nous aurons une victoire écrasante. » Marwane Hamadé semblait confiant hier quant aux résultats du troisième tour des législatives, et la bataille paraissait gagnée d’avance dans un caza où la compétition se menait principalement sur les sièges maronites, le PNL et le CPL espérant percer la liste joumblattiste. Deux autres candidats sunnite (Ramzi Awad, candidat du Parti communiste) et grec-catholique (Sleimane Abou Rjeily, indépendant), également soutenus par le CPL, menaient la compétition. MM. Walid Joumblatt et Marwane Hamadé, candidats aux deux sièges druzes, ont été élus d’office. À 10h, le taux de participation avait déjà dépassé les 25 % dans plusieurs villages druzes, où l’absence des scrutateurs des candidats adverses se faisait ressentir. « Les druzes sont mobilisés auprès de leurs frères chrétiens, notamment auprès des FL, pour montrer qu’un choix irréversible a été fait, celui de la réconciliation et de l’édification d’un Liban, non pas contre la Syrie, mais certainement sans la Syrie, souligne M. Hamadé. Mais aussi pour mettre fin ensemble à la dictature rampante qu’avait établie le président Émile Lahoud. Nous aurons au Chouf une victoire écrasante. Et quelle que soit l’issue des scrutins dans les différentes circonscriptions du Mont-Liban, nous aurons la majorité à la Chambre. Une majorité qui sera la garantie du changement indispensable et irréversible de la nature du système libanais. » Quelles seront les priorités du bloc ? « Dès le départ, ma priorité a toujours été de chasser Lahoud de Baabda, répond le leader du PSP, Walid Joumblatt, les yeux fixés sur son journal. Si nous ne le chassons pas, nous n’aurons pas le calme, ni sur le plan sécuritaire ni sur le plan politique. » Chamoun sceptique À Deir el-Qamar, la déception se lisait sur les visages des partisans du candidat du PNL, Camille Dory Chamoun, qui espéraient voir les chrétiens participer massivement au scrutin. Bien que le candidat maronite affirmât « avoir des raisons qui le poussent à croire qu’il va percer la liste » adverse, M. Dory Chamoun, lui, était plus sceptique quant aux résultats. « Nous aurions pu percer la liste si les électeurs chrétiens, qui n’ont cessé de se plaindre jusqu’à présent, étaient plus enthousiastes, souligne le leader du PNL. Nous aurons toutefois un score important, ce qui prouvera à M. Joumblatt que les personnes qui ont voté Camille Chamoun consacrent réellement l’entente au Chouf et non pas l’entente artificielle qu’il escompte. De toute façon, je considère que ces législatives représentent un rodage pour la nouvelle étape qui, à mon avis, se déroulera d’ici à deux ans. » Jusqu’à 15h, le taux de participation dans la cité des émirs avait à peine dépassé les 25 %. Même les rues ne grouillaient pas comme à l’accoutumée. « Face à l’argent et à la corruption, on a du mal à s’imposer, note Rita, électrice à Deir el-Qamar. Au moins, ceux qui ont voté Camille Chamoun ont la conscience tranquille. La rue me déçoit. Je m’attendais à un sursaut d’indépendance. Tout le monde se plaignait de la situation et des listes imposées. Mais ils ne réagissent pas toujours. Sur quoi comptent-ils, notamment après l’insulte infligée aux chrétiens à Deir el-Qamar ? » « Je pense que nous avons affaire aujourd’hui à un rouleau compresseur, déplore Jihane. J’ai voté pour prouver que nous existons. Néanmoins, je suis pessimiste. Il sera difficile de percer la liste adverse. Nous aurions voulu que le CPL et le PNL réussissent à s’entendre. » Cette entente tant souhaitée, c’est la base électorale des deux partis qui l’a consacrée, contrairement aux leaders. En effet, les partisans de ces deux courants politiques se sont passé le mot et c’est une liste représentant les candidats des deux partis qu’ils déposaient dans les urnes. « C’est la voix du peuple qui décide, insiste M. Camille Chamoun. Je suis content et fier que le peuple reste à l’écart des tiraillements observés au niveau des leaderships. Bien au contraire, je trouve que c’est une occasion pour le peuple de prouver au monde entier qu’il est unifié et que rien ne peut le désunir. » Contrairement à Deir el-Qamar, le taux de participation à Damour a frôlé les 40 %. « Nous nous attendions à ce qu’il y ait une vraie bataille électorale au Chouf, signale le Dr Mario Aoun, candidat du CPL. Mais vu le déséquilibre constaté au niveau des listes, il est apparu que la compétition était limitée aux sièges maronites. Et d’aucuns ont pensé qu’il y aurait un certain laxisme. Mais la participation est acceptable dans l’ensemble du caza. Il est sûr que le biffage a été pratiqué à grande échelle. Cela nous laisse présumer qu’un siège maronite sera percé. » À Iqlim el-Kharroub, le taux de participation a atteint les 45 %. Et des rumeurs sur le biffage du candidat du Front de la lutte nationale Ala’a Terro en faveur de Ramzi Awad circulaient. Même certains membres de la Jamaa islamiya ne se sont pas conformés aux consignes de la formation, pratiquant toutefois le biffage. Nada MERHI