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ANALYSE - Le risque de retomber dans une logique purement politique est bien réel Paris III ou Beyrouth I, les contours d’une éventuelle conférence pour le Liban restent à définir

Si la classe politique est encore, jusqu’au 19 juin, complètement plongée dans les élections et les calculs politiciens, les capitales occidentales réfléchissent déjà à l’organisation d’une conférence internationale de soutien économique et financier au Liban. Logiquement, il n’est en effet pas question de le laisser se débattre seul avec sa dette colossale alors que tant a été entrepris jusque-là pour permettre à Beyrouth de se débarrasser de la tutelle syrienne. Le principe d’un « plan de sauvetage » étant a priori acquis, il reste à en définir les contours. À en croire certaines personnalités, « des milliards de dollars » sont déjà promis au Liban qui pourra en profiter dès la fin des élections, comme une cerise sur le gâteau après des législatives qualifiées de « fête pour la démocratie » par le chef des observateurs européens. Quand on voit la difficulté avec laquelle George Bush et Tony Blair ont du mal à débourser un peu plus de 600 millions de dollars pour l’ensemble du continent africain, on se dit que le Liban a bien de la chance. Ce scénario en apparence idyllique ne colle toutefois pas toujours avec d’autres déclarations émanant soit des bailleurs de fonds potentiels, comme l’Union européenne, soit de certains responsables économiques et politiques, selon lesquels, « cette fois », le Liban n’obtiendra pas un sou s’il ne s’engage pas sur un solide plan de réformes. C’est en tout cas le sens du discours du Premier ministre Nagib Mikati qui invoque la nécessité de mettre en œuvre une «stratégie globale de réformes ». Deux logiques La décision d’aider le Liban, qui semble prise, est de nature purement politique, car une faillite potentielle du pays du Cèdre n’aurait aucun impact économique ou financier hors de ses frontières, à l’exception peut-être de la Syrie. On est loin des effets dominos induits par exemple par la crise mexicaine ou la crise du sud-est asiatique. Techniquement, il n’existe donc aucune raison qu’un ou plusieurs bailleurs de fonds viennent à la rescousse d’un pays dont ils ne redoutent aucun effet de contagion. En revanche, la façon dont cette aide serait octroyée est susceptible de répondre à deux logiques différentes. La première, purement politique, répondrait à des motivations extérieures au Liban. La deuxième partirait d’une volonté réelle d’aider le pays à se redresser. Dans le premier cas, il s’agirait pour Washington et Paris de capitaliser sur le succès du « Printemps de Beyrouth », de le parachever en signant un gros chèque en blanc destiné à huiler les rouages économiques et financiers du pays pour un certain temps. Un tel geste permettrait de compléter le mythe de « l’exportation réussie de la démocratie au Moyen-Orient », chère au président américain. Il alimenterait pendant quelques mois sur CNN et dans les médias occidentaux des dossiers spéciaux sur le phénix libanais renaissant de ses cendres, le boom de Solidere, etc. Si elle ne semble pas devoir prendre l’initiative cette fois, la France suivrait sans aucun doute, ne serait-ce que pour éviter de laisser les États-Unis lui voler la vedette. Le risque que cette logique l’emporte est bien réel. Il est perçu comme tel par tous les connaisseurs du dossier libanais, qu’il s’agisse des organisations internationales ou des diplomates en poste à Beyrouth dont la connaissance du terrain est bien plus subtile – y compris à Awkar – que celles des chancelleries éloignées (sans parler de l’Élysée ou de la Maison-Blanche). Elle prendrait la forme d’une sorte de Paris III, au cours de laquelle les amis du Liban débloqueraient «quelques » milliards en échange d’un vague engagement à entreprendre des réformes. Davantage qu’un nouveau sursis Rééditer l’expérience de la conférence qui s’est tenue dans la capitale française en novembre 2002 serait la preuve la plus flagrante que les « amis » du Liban ne se soucient absolument pas des Libanais. Car quels que soient les « narratifs » concurrents à propos de Paris II, qui portent sur la désignation des responsables de l’échec des réformes (Lahoud, Hariri, les Syriens, etc.), personne ne conteste un point : les bailleurs de fonds ont délié leur bourse les yeux fermés. Une méthode désapprouvée à l’époque par Bercy, le ministère français de l’Économie et des Finances, qui explique aussi pourquoi certains pays avaient refusé de participer. Pour des raisons liées à la préparation de la guerre d’Irak notamment, la logique politique l’avait emporté. Le Liban a bénéficié d’un sursis, le « sacrifice » des banques libanaises qui a pris la forme d’une souscription à des bons à taux zéro a été largement compensé par une hausse de leurs profits, tandis que les contribuables français ne reverront probablement pas la couleur de leur argent. Trois ans plus tard, aucun des déséquilibres économiques, financiers et sociaux du Liban n’ont été résolus, ni même commencé à l’être. Diplomates et experts internationaux associés à certains « technocrates » libanais sont donc à pied d’œuvre pour tenter d’empêcher un événement de type Paris III afin de promouvoir une conférence Beyrouth I. Cette appellation empruntée à l’un des économistes en chef de la Banque mondiale, Mustapha Nabli, désigne l’élaboration par les autorités libanaises d’un véritable plan d’action. S’il ne s’agit pas d’établir des conditionnalités strictes à la façon du FMI, l’objectif est au moins d’énoncer une stratégie claire, articulée sur des mesures concrètes et un calendrier précis. Et ce pour s’attaquer à l’ensemble des dysfonctionnements, et non pas uniquement chercher à rééquilibrer les finances publiques. Le défi est grand. Car si le mot « réforme » est employé à toutes les sauces par l’ensemble des Libanais, aucun contenu réel n’y a été associé pour l’instant. Les forces politiques qui vont exercer le pouvoir au lendemain des élections ne font pas exception à la règle. Repenser la fiscalité, la structure de la protection sociale, démanteler les monopoles, encourager l’investissement productif au détriment de la rente, répartir de façon équitable les pertes dues à l’accumulation de la dette, etc. Aucune de ces réflexions de fond n’a été engagée par l’opposition. Sibylle RIZK
Si la classe politique est encore, jusqu’au 19 juin, complètement plongée dans les élections et les calculs politiciens, les capitales occidentales réfléchissent déjà à l’organisation d’une conférence internationale de soutien économique et financier au Liban. Logiquement, il n’est en effet pas question de le laisser se débattre seul avec sa dette colossale alors que tant a...