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Actualités - OPINION

Hommage à Samir KASSIR

Ce pays qui assassine ou exile ses fils… Au-delà de l’assassinat de Samir Kassir, figure emblématique de la révolution en rouge et blanc, journaliste et historien émérite, opposant tous azimuts à la tutelle syrienne et le clamant haut et fort au prix de maintes « intimidations » qui n’ont jamais pu venir à bout de ses idées et de ses actions ; au-delà de toute cette horreur, devenue presque familière aux Libanais, une interrogation s’impose : pourquoi n’a-t-on dans ce « pays de lait et de miel » que le choix de mourir pour ses idées ou celui de s’en aller les défendre ailleurs ? Pourquoi le Liban a-t-il, depuis la nuit des temps, fait fuir ses élites ; ces mêmes fils dont il ne revendiquera l’appartenance que lorsqu’ils se seront distingués par leur génie ou leurs remarquables positions à la tête de gigantesques entreprises ? Le Liban est-il trop étroit pour ses fils ? Sommes-nous voués à mourir pour nos idées lorsqu’elles heurtent, ou à nous exiler pour les exprimer en toute liberté ? Et surtout, sommes-nous à jamais damnés par le spectre d’interminables représailles d’un pays voisin désormais « officiellement » privé de « son poumon libanais » et qui compte fermement lui en faire payer le prix. Dans la propre chair de l’élite de ses fils ou, en tout cas, de ce qui en reste… Bélinda IBRAHIM Un homme, un vrai C’était mon auteur libanais préféré et un militant. Nous défendions les mêmes causes et nous avons souvent combattu sur les mêmes fronts : lui à la tribune, moi parmi la foule qu’il haranguait. J’ai deux de ses livres sur mon bureau ; j’avais souhaité revoir sa fille Maïssa cet été et lui demandé une dédicace de son père. L’an passé, j’ai préparé une étude sur l’histoire économique du Liban pour laquelle je me suis beaucoup inspiré de son Histoire de Beyrouth. Je comptais en faire, un jour, un mémoire pour lequel j’espérais obtenir son aide. J’aurais voulu faire partie de ceux qui ont apporté quelque confort à Maïssa. Tout ce que je peux faire, c’est partager sa peine, pleurer avec elle la mort de son père, un homme, un vrai. Un des rares qui savait que les mots sont plus forts que toutes les explosions avait l’audace d’oser dans un pays où la barbarie est un sport national. Samir Kassir, que ta plume reste vivante et que les citoyens pour qui tu écrivais reprennent le flambeau pour continuer d’exprimer leur attachement à la liberté. Naji KHOURY Bruxelles Un esprit libre abattu S’engager dans une démarche rationnelle, critiquer, refuser toute espèce de tutelle, résister au raz-de-marée provoqué par tous les intégrismes ne semblent guère du pouvoir de tous les hommes. En effet, cette tâche exige un effort contre soi, contre ses appétits privés, contre toutes les autorités communautaires, sociales ou politiques. Résister aux séducteurs, aux sophistes, aux démagogues, à toute forme de despotisme en ayant pour unique arbitre la raison, c’est forcément vaincre la peur, penser par soi-même. Le courage déplaît, il nargue, provoque et débusque forcément les esprits partisans ; il secoue les préjugés orchestrés par les dirigeants trop souvent flattés. Ceux qui comme Samir Kassir tentent l’aventure de la réflexion libre n’ont pour garde-fou que la raison. Ils sont à découvert, fragilisés par une opinion commune qui stigmatise l’autre pour sa différence, qui prêche dans les espaces publics. Exercer son jugement autonome, loin de tout assujettissement aux pouvoirs corrupteurs est une entreprise risquée. « Il n’y a pas de pensées dangereuses, penser est dangereux », disait Hannah Arendt. La liberté en acte est lourde de conséquences s’agissant tout autant de celui ou de celle qui l’incarne et naturellement de ceux qui sont mis en cause. Elle ne laisse personne indemne, et pourtant que vaut l’existence humaine, l’histoire des hommes sans leurs actions sur la scène publique dynamisant les structures politiques et sociales dans le souci d’une justice effective et de la réalisation d’un État de droit sapant à tout jamais le confessionnalisme et la corruption qui l’accompagne, responsables de tant de vices au Liban ? Sana SALHAB Lettre ouverte aux journalistes Nous avons tous été traumatisés par le lâche attentat dont a été victime le journaliste Samir Kassir. Je voudrais présenter mes plus sincères condoléances à sa famille particulièrement et à toute la presse en général. Cet attentat représente bien plus qu’un simple attentat, puisque ces assassins ont visé une personne qui n’avait que sa plume pour s’exprimer et pour se défendre. Vous les journalistes n’avez pas les moyens qu’ont certaines personnes pour se protéger, alors que vous êtes les garants de la liberté au Liban et que vous avez réussi malgré toutes les difficultés à faire de la presse le quatrième pouvoir. Votre union face à cet événement a été exemplaire, et j’ai rarement été aussi ému le jour où vous avez tous, pendant une heure, brandi votre stylo en silence sur la place de la Liberté en mémoire à Samir Kassir. Toutefois, j’aimerais beaucoup que vous puissiez instaurer un code d’éthique, surtout après avoir vu les images parues dans la presse et qui n’enrichissent pas l’information. Cet appel s’adresse aussi à tous ceux qui, par Internet, ont diffusé ces images. Edmond RABBATH Pour de vraies réformes Les tragiques événements que le Liban a connus depuis l’assassinat de Rafic Hariri jusqu’à celui de notre confrère Samir Kassir ne peuvent justifier le climat contestable dans lequel se déroulent les élections législatives. Loin de favoriser le processus de renouvellement voulu par une majorité de Libanais, ces événements semblent avoir été confisqués par un petit nombre de prétendus opposants qui, quitte à passer entre eux les alliances les plus saugrenues, ne rêvent que de prendre le pouvoir et se partager les places sans avoir le moindre projet d’avenir pour le pays. Il faut rendre hommage à Jean-Louis Cardahi, qui est l’un des rares jeunes hommes politiques d’envergure à avoir émergé sur la scène politique nationale depuis la fin de la guerre. Président de la municipalité de Jbeil, il a misé sur les jeunes et l’instruction. Ministre des Télécommunications, il a veillé à ce que la privatisation ne signifie pas le bradage. Au nom de l’intérêt général, il s’est opposé à la corruption et au clan des intérêts privés. Moderne et réformateur, Jean-Louis Cardahi n’a cessé de proclamer que la réforme est la condition du développement socio-économique nécessaire au pays et à sa jeunesse. Zeina EL-TIBI Journaliste (Paris) Nous continuerons sa lutte Qu’est-ce que je peux dire de cet homme, de ce révolutionnaire, de cet avant-gardiste dont les idées ont fait trembler tous ceux qui baignent toujours dans l’ignorance, le conservatisme et les mentalités verrouillées. Chaque cours était une dose d’énergie pour la lutte, une bouffée d’air qui nous rappelle que les gens comme lui existent toujours dans notre cher pays ! Des gens qui osent affronter une société victime de son passé, de ses préjugés et de la nature de sa structure. Des gens qui osent affronter ce régime politique pourri, englobant et autoritaire. Des gens qui osent affronter une foule et leur dire ce qu’ils ne veulent pas écouter. Ce que leurs sentimentalités et leurs affections ne les laissent pas digérer. Je lui suis reconnaissante, pour beaucoup de choses. Le remercier ne serait pas du tout suffisant… Je lui dis tout simplement que la lutte qu’il a débutée, depuis très longtemps, nous allons la continuer, munis par toutes les armes qu’ils nous a laissées. Joanna NASSAR La plume ne meurt pas Quand un journaliste s’exprime, c’est pour dire la vérité, dénoncer et même accuser, avec courage et objectivité. Dans un Liban martyrisé, Samir Kassir fut et demeurera le pionnier qui symbolisa l’aspiration d’un peuple en quête de liberté et d’indépendance. À travers ce lâche assassinat, on a voulu briser le rêve de tout un peuple. Ne nous décourageons pas. Prouvons au monde entier que nous, Libanais, n’abdiquerons plus jamais face à de tels actes barbares. Restons vigilants, car ce n’est pas en vain que nous avons déjà tracé la voie, certes semée d’embûches, qui nous conduira bientôt vers la libération totale de notre pays du joug de l’étranger. La plume de Samir leur faisait peur. Aujourd’hui, nous le pleurons et le regrettons. Mais nous devons savoir que malgré sa disparition, les valeurs qu’il défendait si courageusement pour la sauvegarde de notre pays resteront gravées dans nos pensées. Au stade où nous en sommes, il est demandé aux pays amis du Liban de réagir avec plus de fermeté et même d’imposer des sanctions à l’encontre des pays qui nous veulent du mal. Hilda DADOURIAN Maintenant on sait Maintenant on sait ce qu’ils n’aiment pas : Ceux qui pensent autrement, Ceux qui disent ce qu’ils veulent, Ceux qui écrivent ce qu’ils veulent, Ceux qui ont une grande culture, Ceux qui traversent les lignes de démarcation, Ceux qui veulent reconnaître l’autre, Ceux qui se remettent en question, Ceux qui souhaitent la paix, Ceux qui tutoient le pouvoir, Ceux qui connaissent trop de monde, Ceux qui veulent changer leur environnement, Ceux qui travaillent d’arrache-pied, Ceux qui ont du style, Ceux qui ont de l’assurance, Ceux qui rêvent le jour, Ceux qui ont les pieds sur terre, Ceux qui aiment la vie. François SALLOUM
Ce pays qui assassine ou exile ses fils…

Au-delà de l’assassinat de Samir Kassir, figure emblématique de la révolution en rouge et blanc, journaliste et historien émérite, opposant tous azimuts à la tutelle syrienne et le clamant haut et fort au prix de maintes « intimidations » qui n’ont jamais pu venir à bout de ses idées et de ses actions ; au-delà de toute cette horreur,...