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Actualités - OPINION

Pas de lahoudiste dans le prochain cabinet

L’opposition continue à danser une valse-hésitation au sujet du régime. C’est au moins la deuxième fois que les ultras groupés autour de Walid Joumblatt, partisan de l’éviction dès le premier jour de la prorogation, renoncent à leur exigence. Ou, plutôt, acceptent de l’ajourner, pour répondre au conseil du patriarche Sfeir. Qui, dimanche, a relevé qu’après avoir attendu trente ans le changement de système, on peut bien se donner encore trente jours. Pour que la procédure se déroule d’une manière légale, à travers les institutions constitutionnelles. C’est-à-dire par le truchement d’un contre-amendement abrégeant le mandat présidentiel et abrogeant la prorogation. D’autant, devait souligner le cardinal dans son sermon, qu’on peut se demander si renverser la présidence par la force n’irait pas sans désordres dangereux sur la scène locale. Mgr Sfeir s’est en outre inquiété des machinations de parties occultes, qui cherchent toujours à montrer au monde que le Liban n’est pas capable de s’autogouverner. Donc la « révolution des couronnes de fleurs », qu’on devait poser hier, en hommage à Samir Kassir, sur la grand-route (de Damas !) bordant l’allée du pouvoir, a été annulée par le comité de suivi de la Rencontre du Bristol. Mais ce n’est évidemment que partie remise. Walid Joumblatt, entre autres, ne baissera certainement pas les bras. Dès l’assassinat de Samir Kassir, il en avait imputé la responsabilité au président de la République, accusé de protéger, de couvrir le système sécuritaro-politique des SR, exigeant sa démission immédiate. Le leader progressiste a été suivi par nombre d’opposants, notamment par des piliers de la Rencontre de Kornet Chehwane. Mais d’autres pôles ont indiqué qu’ils ne sont pas de cet avis. Qu’à leur sens, il vaut bien mieux attendre la fin des élections pour que la question soit réglée, en toute légalité, par le nouveau pouvoir, Parlement et gouvernement confondus. Cela afin qu’il n’y ait aucune vacance au niveau des institutions, alors que l’on est encore en pleines élections législatives. Étant entendu, ajoutent-ils, que la Chambre sortante n’est pas qualifiée pour élire maintenant un nouveau président. Quoi qu’il en soit, l’opposition, Joumblatt en tête, s’est inclinée devant les desiderata pondérateurs de Bkerké. Cependant, elle reste déterminée. Et même, certains des pôles de Kornet Chehwane affirment regretter aujourd’hui de n’avoir pas marché dès le début avec Joumblatt, après l’assassinat du président Rafic Hariri. À l’époque, ils pensaient qu’une élimination du président Émile Lahoud n’aurait pour résultat que de le faire remplacer par un homme lige de la Syrie, qui contrôle la législature actuelle, issue des élections parachutées de l’an 2000. Cette même Chambre qui, du reste, avait voté la prorogation dès que le bouton de commande du « remote control » avait été poussé à Damas. Avec le recul, ces cadres estiment que, dans la foulée de la vague de colère provoquée par l’assassinat du président Hariri, et à l’ombre de fortes pressions internationales, les Syriens, qui étaient déjà en partance, n’auraient pas pu imposer le choix d’un homme bien à eux. Il y aurait eu probablement un président de compromis. Avec, peut-être, une autre évolution de la situation politique. Sans les attentats à la bombe ni, peut-être, l’assassinat de Samir Kassir. D’où les regrets qu’expriment ces personnalités pour leur attitude initiale. Aujourd’hui, ces professionnels militent pour un plan visant à pousser le président Lahoud par les épaules vers la sortie. En l’isolant, en lui retirant de facto l’exercice de ses prérogatives. Cela commence par la mise à l’écart de son staff, dont les éléments moteurs se trouvent forcés à se mettre en congé. Cela se poursuit par une mise en quarantaine politique, une privation de toute couverture locale ou extérieure. L’opposition prévoit dans cette optique de former après les élections, qu’elle est sûre de remporter haut la main, un gouvernement ne comprenant aucun ministre proche du régime. Obstination Cependant, la partie n’est pas facile à jouer. Constitutionnellement, en effet, un président du Conseil désigné doit former son équipe en accord avec le président de la République. Il faut donc envisager une crise de pouvoir, un blocage. Et il n’est pas du tout certain que le président Lahoud plie, et plie bagage. Car pour l’heure, comme il l’a proclamé dimanche, il n’a qu’une idée en tête : s’accrocher. Coûte que coûte, sans même sacrifier les services. Au contraire même. Car le président raconte à ses visiteurs qu’il ne permettra pas une réédition de l’épisode 1970. Cette année-là, le président Frangié, après son élection, avait balayé le fameux Deuxième Bureau. Le chef du gouvernement, Saëb Salam, avait effectué une descente spectaculaire au siège de la Poste dans les locaux du service des écoutes et avait de ses propres mains arraché les connexions. Des officiers des SR avaient même été incarcérés et jugés. Selon le président Lahoud, cette décapitation avait ouvert le pays à tous les vents. Notamment devant les Palestiniens, qui avaient afflué en armes, créant le Fathland dans le Arkoub. Ce qui devait aboutir à l’enfer d’une guerre intestine de quinze ans. Le président Lahoud affirme donc aujourd’hui qu’il ne permettra pas que l’on touche aux services. Si leurs cadres supérieurs doivent être changés, leurs capacités et leur rôle doivent rester les mêmes. Selon les lahoudistes, la tactique de l’opposition consiste à isoler le président en le privant du concours majeur des services et il n’entend pas se laisser faire. Ils ajoutent qu’on ne peut le forcer à démissionner. Le Parlement ne peut le révoquer, et réduire son mandat n’est pas prévu dans le texte de la Loi fondamentale. Ces loyalistes oublient un peu vite que la prorogation non plus n’était pas prévue dans la Constitution. Toujours est-il qu’en pratique, l’opposition pourrait bien ne pas recourir à un amendement constitutionnel. En forçant le président à une inactivité totale. Et cela sans soutien. Car les opposants sont convaincus que les deux principales formations chiites, Amal et le Hezbollah, tout en ne réclamant pas la démission, n’exigeront pas le maintien. À l’heure où elles ont leurs propres soucis, qui les forcent à composer avec les tenants du nouveau pouvoir. On parle ainsi dans les coulisses d’une relance des contacts entre la Résistance et Bkerké. Philippe ABI-AKL
L’opposition continue à danser une valse-hésitation au sujet du régime. C’est au moins la deuxième fois que les ultras groupés autour de Walid Joumblatt, partisan de l’éviction dès le premier jour de la prorogation, renoncent à leur exigence. Ou, plutôt, acceptent de l’ajourner, pour répondre au conseil du patriarche Sfeir. Qui, dimanche, a relevé qu’après avoir attendu...