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Altercations en soirée à Rmeich entre les habitants et les partisans de Amal et du Hezbollah Dans le caza de Bint-Jbeil, les communistes et les chrétiens constituent la seule note dissonnante (Photo)

S’il l’on voulait mesurer la force du rouleau compresseur Hezbollah-Amal, il fallait être hier, peu après la fermeture des bureaux de vote au Liban-Sud, sur le chemin du retour Tyr-Beyrouth. Car il a fallu aux automobilistes environ trois heures pour franchir les 80 kilomètres reliant la ville la plus éloignée du Liban-Sud à la capitale. Comme prévu, le rouleau compresseur, incarné par la liste « de la résistance et du développement » n’a laissé aucune chance aux autres candidats. Dans le caza de Bint-Jbeil, zone évacuée par les Israéliens en mai 2000, représenté à la Chambre par trois députés chiites, il y avait certes les partisans de Amal et du Hezbollah, venus en masse de Beyrouth pour voter comme un seul homme. Mais il y avait aussi dans certains villages communistes et chrétiens des électeurs qui soutenaient la liste incomplète « du changement » formée de Riad el-Assaad, Naji Beydoun, Fawzi Abou Farhat (CPL) et Anouar Yassine (ancien prisonnier des geôles israéliennes). Les partisans de cette liste étaient tous conscients que « leur vote n’amènera pas leurs candidats au Parlement ». Que ce soit à Aïtaroun, village communiste surnommé avant la guerre la Léningrad de Bint-Jbeil, ou à Rmeich, localité chrétienne où l’on s’est présenté aux urnes pour « un éventuel changement dans l’avenir ». Aïtaroun. La cacophonie règne à l’entrée d’une école publique qui abrite les bureaux de vote. D’un côté, les communistes avec haut-parleurs, T-shirts rouges, et portraits d’Anouar Yassine, de l’autre, les supporters du Hezbollah avec leurs haut-parleurs, drapeaux jaunes, chants partisans… « Les communistes sont les premiers résistants, maintenant les forces sur le terrain veulent donner à la lutte contre Israël un cachet communautaire, sectaire », lance Abdallah, soulignant que son village a donné plus de 15 martyrs à « la résistance nationale et le Hezbollah veut nous annuler complètement ». Dans un bureau de vote, Najla, scrutatrice du militant communiste, raconte que « les gens du village ont de plus en plus peur, surtout ceux qui avaient travaillé avec les Israéliens. Ils cherchent la protection du Hezbollah. D’agents d’Israël, ils se sont transformés en agents du Hezbollah ». Mariam, dont deux des frères sont morts dans des opérations anti-israéliennes, s’emporte un peu : « C’est de l’ignorance. Si Anouar Yassine n’est pas un résistant qui peut l’être ? » Le Hezbollah fait la loi Les propos des deux femmes communistes, au visage et aux cheveux découverts, ne plaisent pas à une électrice voilée et tout habillée de noir. Elle s’écrit : « Que votre candidat n’oublie pas qui l’a libéré des geôles israéliennes. » Bint-Jbeil, chef-lieu du caza. Dans un bureau de vote, grouillant de femmes voilées et d’enfants qui courent, mangent et crient, Inaam, arborant un tchador noir et le foulard jaune du Hezbollah, parle avec un grand sourire d’Anouar Yassine, « un résistant qui a le droit d’arriver au Parlement ». Elle ne dira pas si elle votera pour lui. Dans la même localité, à la permanence de la liste « du changement », le candidat Naji Beydoun souligne à L’Orient-Le Jour « l’importance de participer aux élections et de faire acte de présence ». Même s’il sait qu’aucun membre de la liste qu’il représente n’arrivera place de l’Étoile, il indique : « Il faut montrer qu’il existe d’autres parties sur le terrain, prêtes à livrer bataille. C’est uniquement ainsi que l’on édifiera les bases du changement. » Nemr, présent également à la permanence de la liste du changement, se présente comme « un ancien résistant communiste ». Il se lamente sur la situation de sa ville. « En quatre ans, le Hezbollah a réussi à resserrer son étau sur le chef-lieu du caza, faisant sa propre loi. Nous sommes complètement exclus. Ils ne reconnaissent même pas notre résistance », dit-il, évoquant également la vie quotidienne dans la localité « La vente d’alcool a été interdite, les mariages où l’on fait vraiment la fête aussi. Ceux qui avaient travaillé avec Israël ont prêté aveuglément allégeance au Hezbollah », souligne-t-il. Debl, Aïn Ebel et Rmeich. Villages chrétiens de Bint-Jbeil, situés à la frontière avec Israël. Le taux de participation y était faible : 10 % à Debl et Aïn Ebel et 18 % à Rmeich. À Debl, plus de 350 personnes du village ne sont pas rentrées d’Israël et plus de 200 autres ont perdu leurs droits civiques après avoir séjourné à Roumié. Un scrutateur de Fawzi Farhat (CPL) indique : « Lors des législatives de 2000, tous les habitants qui étaient là avaient voté. Ce n’est pas le cas actuellement. » Un homme venu voter pour la liste du changement indique : « Nous manquons de pain. Aucun projet n’a été effectué. Ceux qui travaillaient auprès des FSI et de l’armée ont été mis à la porte et les jeunes qui ont effectué leur service militaire n’ont pas eu le droit d’entrer à l’école militaire… » Un scrutateur de la liste Amal-Hezbollah, arborant une grosse croix autour du cou, l’invite au silence, voulant probablement le protéger. Il indique : « Nous avons trouvé des emplois et tout va bien pour nous. » Se retournant vers l’homme qui vient de donner son avis, il lance : « Tais-toi ! Tu ne comprends pas qu’ils peuvent t’amener en prison ? » « L’État ne veut pas de nous » À Aïn Ebel, une centaine de jeunes du village, partisans des Kataëb et des FL, se sont retrouvés devant le bureau de vote arborant un T-shirt blanc, où l’on pouvait lire : « Boycottez ». Philippe, qui a quitté son village pour Beyrouth, explique : « Je ne voterai que quand les habitants – 46 familles – de Aïn Ebel rentreront d’Israël. » Beaucoup sont de son avis. Antoine, la cinquantaine, fait son mea culpa : « En 2000, tous les habitants qui étaient restés sur place avaient voté, parce qu’ils étaient effrayés. Nous nous étions présentés aux urnes pour changer les choses, mais en quatre ans, la situation s’est encore dégradée », raconte-t-il. Moussa, lui, aurait aimé voter « contre le Hezbollah, contre les gens qui nous marginalisent, juste pour faire acte de présence », dit-il. Mais Moussa a perdu ses droits civiques, après avoir séjourné un an et huit mois en Israël. À Rmeich, deux facteurs ont joué hier. Dans ce village majoritairement FL, beaucoup de jeunes ont décidé de soutenir le candidat aouniste de la liste « du changement ». Les plus vieux voulaient voter pour le rouleau compresseur d’Amal-Hezbollah, « une manière de rester en bons termes avec nos voisins », explique un homme qui ne veut pas dévoiler son identité, mais la rixe de la veille a eu raison de leurs résolutions : ainsi, samedi, vers 20 heures, Joseph Abou Azzi, 24 ans, a été agressé par « neuf inconnus, à bord de deux voitures arborant les portraits du chef du Parlement Nabih Berry », raconte Joseph. « Ils m’ont insulté, usé de termes profanant la Sainte Vierge et Jésus-Christ », dit-il. La maison du jeune homme grouille de monde. Deux députés Amal, Ali Bazzi et Ayoub Hmayed, lui ont même rendu visite. Mais cette visite n’a pas pour autant calmé les esprits. Les habitants de Rmeich en veulent aux gendarmes qui n’ont recueilli le témoignage du jeune homme, blessé de plusieurs coups de couteau, que quatre heures après l’incident. Un homme présent au domicile de Joseph indique : « Avec toute la bonne volonté du monde, nous avons voulu appartenir à l’État libanais, mais c’est l’État qui ne veut pas de nous. » Hier, en soirée, plusieurs altercations ont éclaté entre les habitants de Rmeich et des militants des villages voisins, qui ont sillonné la localité chrétienne avec des drapeaux Amal et Hezbollah pour célébrer la victoire du rouleau compresseur. Patricia KHODER
S’il l’on voulait mesurer la force du rouleau compresseur Hezbollah-Amal, il fallait être hier, peu après la fermeture des bureaux de vote au Liban-Sud, sur le chemin du retour Tyr-Beyrouth. Car il a fallu aux automobilistes environ trois heures pour franchir les 80 kilomètres reliant la ville la plus éloignée du Liban-Sud à la capitale. Comme prévu, le rouleau compresseur, incarné...