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Actualités - CHRONOLOGIE

Pourquoi des candidats ont-ils choisi de se lancer dans une bataille quasi désespérée ? La Liste du changement au Liban-Sud, entre le donquichottisme et la foi dans l’avenir (Photo)

Il y a quelque chose de donquichottesque dans la bataille menée par la Liste du changement dans les cazas de Saïda, Tyr, Zahrani et Bint-Jbeil. Fruit d’une alliance entre Riad el-Assaad, le Courant aouniste et le PCL, cette liste a très peu de chances de l’emporter et ses membres le savent pertinemment. Mais ils ont quand même voulu tenter le coup, par principe d’une part, et pour montrer que le rouleau compresseur Amal-Hezbollah n’occupe pas, seul, la scène chiite, d’autre part.D’ailleurs, il fallait une bonne dose de courage, certains diront de folie, pour se lancer dans une telle aventure, dans une région presque totalement verrouillée par les deux grandes formations. De plus, si cette coalition a été la seule à pouvoir former une liste, même incomplète, dans la première circonscription du Sud, quelques candidats indépendants ont aussi défié l’autorité en place qui tient le Sud depuis des années. On peut ainsi citer Iyad Ali el-Khalil le fils du député mort dans un accident de voiture, qui bénéficie à Tyr d’un grand élan de sympathie, d’autant que Nabih Berry n’a pas voulu le prendre sur sa liste, comme il le faisait avec son père. Il y a aussi l’avocate Bouchra el-Khalil, le membre du PCL, qui n’a pas rallié la Liste du changement, Hussein Safieddine, et le fils de Kamel el-Assaad, Ahmed, qui, tout au long de la journée, n’a cessé d’appeler les électeurs à se rendre aux urnes. Sans grand succès apparemment. Le phénomène mérite en tout cas qu’on s’y arrête, car participer à la bataille, dans de telles circonstances, est presque une absence du sens des réalités. Riad el-Assaad, en casquette et polo orange, n’est pas tout à fait du même avis. Entre deux coups de fil et en pleine tournée électorale, il résume ainsi la situation : après la tragédie du 14 février, la communauté chiite s’est sentie visée et c’est ce qui a soudé Amal et le Hezbollah. Dans d’autres circonstances, il aurait misé sur une alliance avec le Hezbollah, dont il est assez proche, au moins sur le plan des principes, mais le contexte général en a décidé autrement. De son côté, le candidat du Courant aouniste, le dynamique général à la retraite, Fawzi Abou Farhat, affirme avoir hésité jusqu’à la dernière minute. Et c’est quelques heures avant la fermeture du dépôt des candidatures que le général Michel Aoun lui a demandé de présenter la sienne. « Dans ces élections, nous n’avons pas eu le temps de faire une véritable campagne et de mobiliser les gens, dit-il. Mais à peine notre décision (de participer aux élections) connue, nous avons reçu de nombreux messages d’encouragement de la part des chrétiens et des chiites et même dans les milieux sunnites. » C’est peut-être ce qui a dérangé la liste d’Amal-Hezbollah, puisque selon leurs rivaux, les incidents se sont multipliés ces derniers jours : menaces contre leurs délégués, convocation des chefs de municipalité, provocation de rixes et agressions à l’arme blanche (notamment à Rmeich, où un habitant a dû subir seize points de suture) pour décourager les électeurs. Riad el-Assaad déclare à ce sujet qu’avec sa liste, il a réussi à briser le mur de peur qui entoure le Sud et l’empêche de s’exprimer. « Dans les circonstances actuelles, si nous parvenons à obtenir 20 % des voix c’est déjà un succès. » Convaincu et déterminé, le jeune entrepreneur de 46 ans estime que se présenter aux élections est un acte de foi dans le Sud, mais aussi dans la démocratie. « Si ce ne sera pas pour cette fois, ce sera pour 2007, affirme Riad el-Assaad, mais nous sommes déterminés à poursuivre la lutte et maintenant, notre couleur (l’orange) est entrée dans le paysage du Sud ». Qu’est-ce qui unit Riad el-Assaad le libéral, au PCL, qui a deux candidats sur la liste, Anouar Yassine et Naji Baydoun, et au courant aouniste ? « Beaucoup de choses. Certainement plus que ce qui unit Amal au Hezbollah. Nous avons en commun une même volonté de changement, le fait de ne pas avoir été mêlés à la corruption et à la dilapidation des fonds publics et la détermination à construire une véritable citoyenneté libanaise, dans le cadre de la laïcité. » Tous les membres de cette liste sont d’accord pour attribuer au mouvement Amal toutes les exactions contre eux et leurs partisans. « Le Hezbollah est très correct, mais je ne sais pas dans quelle mesure son alliance avec Amal ne nuit pas à son image. Et puis on verra demain quelle sera l’attitude du mouvement lorsque la question des armes du Hezbollah sera évoquée. » Riad el-Assaad ne nie pas le fait que son père, Assaad el-Assaad ait été élu en 1992 sur la liste de Berry. « Mais lors du massacre de Cana en 1996, mon père qui était médecin avait constaté la disparition des aides destinées aux victimes. Cela avait déplu à M. Berry. » Pourquoi le vent du changement qui souffle sur le Liban n’atteint-il pas le Sud ? « Vous croyez vraiment qu’il y a un vent de changement ? Avec qui ? Walid Joumblatt est-il un symbole du changement ? Soyons sérieux. Le changement viendra mais grâce à nous. Quant à l’élaboration d’une nouvelle loi électorale, on peut toujours rêver… » Foulard orange et casquette blanche, le général Abou Farhat tient pratiquement un langage similaire. Il raconte avoir reçu un coup de fil d’un inconnu qui le sommait de ne pas biffer le nom de Michel Moussa (son rival). « Vous savez à qui vous parlez ? » a-t-il rétorqué. Et son interlocuteur s’est confondu en excuses. Voilà, dit-il, un exemple de l’attitude de la liste rivale. Foulard rouge, Anouar Yassine affiche très vite ses couleurs. Après avoir passé 17 ans dans les geôles israéliennes, le jeune homme, très populaire, a voulu couronner son militantisme par l’action politique. Il affirme ne pas être contre le Hezbollah mais revendique pour lui et ses compagnons une partie de la résistance. Ces trois candidats mènent la bataille pour l’honneur, mais constatent que la situation est intenable pour les indépendants au Sud. « Il y a aussi un phénomène dont personne ne parle : ce sont les armes entre les mains d’Amal. Les militants du mouvement circulent en exhibant leurs revolvers. Et cela suffit à effrayer les gens. Pourquoi ces armes-là sont-elles tolérées ? Jusqu’à quand le Sud devra-t-il rester un îlot sécuritaire sous le contrôle d’Amal ? » disent les candidats. Une question à laquelle nul ne répond pour l’instant. Les outsiders ne sont pas encore très entendus au Sud. Peut-être un jour… Scarlett HADDAD
Il y a quelque chose de donquichottesque dans la bataille menée par la Liste du changement dans les cazas de Saïda, Tyr, Zahrani et Bint-Jbeil. Fruit d’une alliance entre Riad el-Assaad, le Courant aouniste et le PCL, cette liste a très peu de chances de l’emporter et ses membres le savent pertinemment. Mais ils ont quand même voulu tenter le coup, par principe d’une part, et pour...