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Actualités - CHRONOLOGIE

La foule des sympathisants se presse à Koraytem pour célébrer la victoire Pour Saad Hariri et ses proches, la joie reste teintée de tristesse(photos)

La victoire est au rendez-vous, mais Rafic Hariri n’est plus là. Malgré la foule des fidèles qui se presse à Koraytem depuis que la famille s’est lancée dans la campagne électorale, jamais l’absence de l’ancien Premier ministre n’a été aussi pesante, aussi palpable. Saad Hariri fait de son mieux et c’est surtout pour la mémoire de son père qu’il a accepté de se lancer dans la bataille, malgré le laps de temps très court et son manque de préparation, lui qui vivait en Arabie saoudite et qui s’occupait (avec succès) d’affaires et non de politique. Aujourd’hui, c’est sur ses épaules que repose l’avenir du Courant du futur et le jeune homme fait ses premières armes en politique, une politique qui n’est pas toujours, il faut le dire, basée sur des principes moraux ou des programmes clairs. Hier soir, à Koraytem, dans l’immense salle où, depuis un mois, il accueille régulièrement les familles de Beyrouth, Saad Hariri ne cachait pas une sorte de désenchantement, tout en ayant le sentiment d’avoir accompli son devoir. Il ne le dit pas clairement, mais il s’attendait à une plus grande participation des électeurs et il ne comprend pas vraiment la stratégie du général Aoun. « Il joue la carte confessionnelle et veut remettre en question la grande réalisation du 14 mars. Nous pensions pourtant pouvoir travailler tous ensemble pour le Liban de demain. » Saad Hariri refuse que le (relativement) faible taux de participation soit considéré comme la réponse des électeurs à l’appel de boycott. Pour lui, plusieurs facteurs ont provoqué un manque d’enthousiasme chez certains électeurs, notamment le fait qu’il y ait eu neuf députés élus d’office. Dans ces conditions, il lui paraît évident que les électeurs de ces communautés se sentent beaucoup moins motivés pour se rendre aux urnes. Mais il reste convaincu qu’en ce qui le concerne, il a tout fait pour préserver l’acquis du 14 mars. À mesure que les minutes passent, la salle se remplit de plus en plus, chacun venant aux nouvelles, sans grande inquiétude toutefois. À aucun moment, les partisans n’ont douté de la victoire, même si cette campagne rapide n’a pas vraiment permis de développer de grands thèmes. En jeans, Saad Hariri va de l’un à l’autre, courtois et calme à son accoutumée, peut-être un peu ému parfois, car la journée a été longue et éprouvante. « La différence, c’est l’absence de Rafic Hariri » Il s’était rendu à 7h à l’école secondaire de Ras-Beyrouth, avec ses frères Ayman et Fahd et son demi-frère Oudaï Cheikh pour voter. Et là, il avait répondu aux questions des journalistes, précisant que pour lui, la grande différence entre ces élections et les précédentes est l’absence de Rafic Hariri. Il avait aussi répété qu’il fallait que les électeurs remplissent leur devoir, pour dénoncer l’attentat contre son père et pour montrer que son projet, qui avait toujours tourné autour de l’unité du Liban, est encore vivant. « Alors que ceux qui se présentent aujourd’hui contre nous ne veulent pas d’un Liban uni. Aujourd’hui, c’est la journée de la fidélité à Rafic Hariri et la liste que nous avons formée est celle de l’unité nationale. » Il avait ensuite effectué, en compagnie de son oncle, Chafic, une tournée auprès des bureaux de vote, avec une attention marquée pour les quartiers de Tarik Jdidé que Rafic Hariri affectionnait particulièrement et où les habitants lui vouent une admiration sans bornes. La voiture du jeune homme avait d’ailleurs été, à plusieurs reprises, bloquée par le flot des partisans, voulant tous le saluer. Cheikh Saad, comme on dit désormais, s’est prêté avec gentillesse aux effusions, a serré des mains, embrassé et souri, sans jamais montrer le moindre signe d’impatience. Il a aussi répondu aux questions des journalistes, refusant toutefois de donner des indications sur l’étape suivante. De retour à Koraytem, la foule est encore là, attendant ses commentaires. Sous les grands portraits de son père, Saad essaie d’assurer… et de rassurer. Car, pendant un très court laps de temps, le candidat Najah Wakim a donné des sueurs froides à certains, alors que d’autres ne cachent pas leur déception, face au faible taux de participation dans les quartiers chrétiens et notamment arméniens. Des partisans laissent entendre que, peut-être, il aurait fallu ne pas braquer le parti Tachnag et essayer de profiter de l’élan de solidarité après la mort de Rafic Hariri pour surmonter certaines animosités. D’autres ne se sont pas encore habitués à l’idée de voir Solange Gemayel sur la liste Hariri. Même si, selon un membre de « la machine électorale », Rafic Hariri pensait déjà à la prendre sur sa liste lorsqu’il préparait les élections, sur la base de la loi électorale du caza. « En fait, dit-il, Saad a repris la liste préparée par son père. Seul Bassem Chab a remplacé Bassel Fleyhane et il a été choisi car c’était un ami de ce dernier. » Il raconte aussi que lors de sa dernière réunion avec son équipe électorale, fin janvier, Rafic Hariri avait annoncé sa détermination à se présenter dans la seconde circonscription. Et lorsque ses partisans avaient protesté, estimant que c’était un défi difficile, Rafic Hariri avait souri, lançant : « Observez et vous verrez le résultat. » Deux semaines plus tard, il était assassiné. Aujourd’hui, son ombre est plus présente que jamais, puisque la victoire lui est dédiée. Sur les écrans géants, les résultats se précisent et les députés élus d’office congratulent ceux qui viennent de l’être. Michel Pharaon converse ainsi avec Walid Eido, qui garde un œil sur les écrans. Discret, le député grec-catholique, qui a déployé des efforts pour rapprocher les points de vue, estime que malgré un désenchantement au sein de certains groupes de la population, ces élections restent très importantes. « Ce sont les premières dans un Liban libre. Il ne faut pas non plus oublier que depuis deux ans, le pays n’est pas gouverné, en raison des dissensions entre les responsables, puis après l’assassinat de Rafic Hariri. Il faut un peu de temps pour que les Libanais réapprennent à gérer eux-mêmes leurs affaires. Il ne faut donc pas faire de bilan trop vite. Surtout que l’on ne peut pas encore demander des comptes, avec l’appareil judiciaire actuel. Donnons-nous un peu de temps. » Le temps, c’est justement ce qui a manqué à tout le monde dans ces élections. Selon les personnes présentes dans le grand salon, Saad Hariri travaille sans relâche et lit beaucoup, depuis qu’il a été désigné pour assurer la relève. Mais désormais, au Liban tout va trop vite. On dirait que la machine s’est emballée et que tout le monde semble un peu perdu. Les serveurs offrent en permanence des dattes, du thé et du café, et les conversations vont bon train. Les critiques contre le général Aoun sont à peine voilées. Le député élu d’office Ghazi Youssef bavarde avec Ammar Houri, Ghassan et Gebrane Tuéni font leur entrée, salués par les applaudissements. La victoire est désormais officielle. Dehors, la foule commence à exprimer sa joie. Les vainqueurs saluent les partisans enthousiastes. Et sous les feux d’artifice, les élus s’inclinent devant la tombe de Rafic Hariri. Cette victoire reste la sienne. Scarlett HADDAD

La victoire est au rendez-vous, mais Rafic Hariri n’est plus là. Malgré la foule des fidèles qui se presse à Koraytem depuis que la famille s’est lancée dans la campagne électorale, jamais l’absence de l’ancien Premier ministre n’a été aussi pesante, aussi palpable. Saad Hariri fait de son mieux et c’est surtout pour la mémoire de son père qu’il a accepté de se lancer...