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Actualités - OPINION

Réclame indigeste

«Chacun aura son quart d’heure de célébrité », avait prédit Andy Warhol. Les candidats aux prochaines élections parlementaires semblent bien décidés à profiter du leurre. À défaut de s’engager sur un programme électoral limpide qui reste notre droit d’électeur le plus élémentaire, un premier portrait géant sur la façade d’un immeuble de la Quarantaine semble annonciateur du pire. Cette paranoïa est le signe avant-coureur d’un phénomène désormais traditionnel. Notre environnement urbain, déjà largement pollué, s’apprête à être englouti sous une déferlante de photos dédiées à promouvoir les minois interloqués de prétendants rêveurs, obscurément charmeurs ou faussement absorbés. Un tsunami de bouilles ahuries et de slogans non moins ahurissants s’en va bientôt éclabousser le moindre recoin où se posera notre regard. Seulement les plus fortunés parmi ses aspirants narcissiques pourront s’offrir des panneaux à la taille de leur ego, ou inonder des surfaces à la mesure de leur mégalomanie. Devant cette orgie d’effigies assagies, posant pour la postérité, les mères orgueilleuses seront ravies de frimer en commentant les frimousses de leurs progénitures, tandis que les copains jaloux se suffiront de critiquer le choix de la cravate, ou de débattre de la couleur de la chemise. Quant à nous, dans cette fête, une fois de plus, on nous aura réservé le rôle affligeant d’électeurs «mateurs» de faits accomplis et de mines défaites. En effet, dans un contexte électoral en ébullition, c’est tout à la fois la piteuse loi de 2000 et les délais qui s’amenuisent qui semblent ne laisser aux citoyens que quelques jours pour vaguement confronter ces paons postulants au Parlement, dont la majorité est déjà nommée d’office. En bref et pour reprendre la chansonnette populaire de Pierre Perret, les Libanais auront juste le loisir d’affiner leurs préférences entre « le vrai, le faux, le laid, le beau, le dur, le mou, qui a grand cou, le gros touffu, le p’tit joufflu, le grand ridé, le mont pelé. » L’offensive de charme aura de la peine à masquer la triste vérité : l’absence douloureuse de toute ébauche d’un sérieux plan de travail. Les caricatures exhibées des candidats semblent vouloir se substituer au manque effarant de toute substance dans leur stratégie d’avenir. Sinistrement, la taille démesurée de certains portraits se révèle être inversement proportionnelle au programme politique de leurs modèles. L’attention déployée à soigner la forme cache bien mal l’assourdissante absence de fond. L’admirable vague de changement qui a ébranlé le pays dans les deniers mois exige une véritable stratégie à court, moyen et long terme de la part de tous les prétendants. La mobilisation sans précédent des électeurs mérite au moins cela. À ce jour, très peu de partis ou de courants peuvent se prévaloir d’avoir accompli cet exercice essentiel. Madame, Messieurs les candidats, de grâce, épargnez-nous la séduction ; affichez vos convictions. Celez vos sermons, dévoilez vos serments. Ziad F. KARKOUR

«Chacun aura son quart d’heure de célébrité », avait prédit Andy Warhol. Les candidats aux prochaines élections parlementaires semblent bien décidés à profiter du leurre. À défaut de s’engager sur un programme électoral limpide qui reste notre droit d’électeur le plus élémentaire, un premier portrait géant sur la façade d’un immeuble de la Quarantaine semble...