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Actualités - OPINION

En Dents De Scie Dents de lait, dents de loup

Vingt et unième semaine de 2005 (J+104). « Le changement va arriver dans un délai proche. » Voilà sans doute la chose la plus intéressante, sinon la seule, qu’il ait pu dire depuis ce jour de novembre 98 qui l’a vu succéder à Élias Hraoui à Baabda. On peut avoir totalement raté un mandat présidentiel et s’être essuyé les pieds sur des principes élémentaires, absolument nécessaires pour la pérennité d’un État et la survie d’un peuple ; on peut avoir imposé aux Libanais une reconduction mortifère, hypothéquant tout un pays pour asseoir ses intérêts personnels ; on peut avoir tenté de duper des millions de citoyens en exhibant à qui veut les voir des gènes saint Maron AOC… Sauf que toutes ces tares, qui pourtant ne pardonnent pas, pourraient être compensées, rattrapées par cette prédiction médiumnique éblouissante. À condition, certes, que ce locataire, hier indélogeable, ait enfin compris que sans son départ, sans son divorce définitif d’avec cette chose publique qu’il a fortement contribué à vandaliser pendant sept ans, aucun véritable changement ne peut s’instaurer, prospérer, perdurer. Parce que, quels que soient les progrès déjà faits, et ils sont parfois impressionnants, c’est un vértitable déracinement qu’il faudrait, un tsunami qui viendrait balayer à l’eau de Javel les conceptions et les mentalités sclérosées par trente ans de tutelle syrienne. Il faut détruire les symboles, étêter les résidus, mais aussi convaincre la communauté chrétienne qu’elle n’est pas maudite ; que, comme les autres, elle a pleinement le droit d’être sainement représentée au sein d’une troïka dédiée, enfin, au beau et au bon. Il faut achever cette réconciliation nationale qui, tellement prostituée, n’est plus désormais qu’une énième publicité mensongère. « Le changement va arriver dans un délai proche. » S’il veut dire par là que le perchoir cesserait enfin, au bout de treize indécentes années, d’être le rocking-chair personnel de Nabih Berry ; s’il veut dire par là qu’il ferait ses bagages et quitterait Baabda dès la fin juin, tout seul, digne comme un général et en souhaitant la bonne chance à son successeur, Émile Lahoud ne se serait pas seulement découvert une vocation de voyant visionnaire, il aurait enfin été, pour la première fois, au diapason de tout son peuple. Vingt et unième semaine de 2005 (J+104). Ce changement qui va arriver, l’autre général, rentré d’exil celui-là, aurait pu en être l’un des principaux moteurs. Porteur d’idées souvent urgentes, dont une, certaine, de ce Liban qu’il a rêvé pendant quinze longues et injustes années, propre comme rares le sont ici, il avait tout pour plaire aux quatre coins du pays. Et s’il est tout à fait compréhensible de voir un homme qui a perdu tout ce temps à se reconstruire loin de sa terre s’empresser de vouloir dompter le temps qu’on lui a volé en brûlant les étapes, toutes les étapes, il est particulièrement frustrant de voir son impatience le transformer, jour après jour, en un père Ubu déconnecté des réalités, des vérités, confondu par une science qu’il estime infuse et qui risque de provoquer, par ses fiançailles électorales contre nature, un nouvel affaiblissement de sa communauté. Particulièrement frustrant de le voir refuser sa condition de leader chrétien, incontournable tremplin pourtant pour des prétentions nationales légitimes. Particulièrement étonnant de le voir confondre serviettes et torchons, perles et pourceaux. Particulièrement rageant, surtout, de voir l’incrédulité dévaster cette ahurissante et formidable jeunesse prête à tout pour lui, lorsqu’il annonce ou laisse entrevoir des alliances avec des Arslane, des Frangié, des Murr. Michel Aoun a certes balancé un sacré coup de pied dans la fourmilière somnolente et un peu soporifique de l’après-14 mars. Sauf qu’au lieu de réveiller, de redynamiser, il fracture, il anesthésie. Il est vrai que ses ex-partenaires du Bristol l’y ont un peu poussé. Ziyad MAKHOUL

Vingt et unième semaine de 2005 (J+104).
« Le changement va arriver dans un délai proche. » Voilà sans doute la chose la plus intéressante, sinon la seule, qu’il ait pu dire depuis ce jour de novembre 98 qui l’a vu succéder à Élias Hraoui à Baabda. On peut avoir totalement raté un mandat présidentiel et s’être essuyé les pieds sur des principes élémentaires, absolument...