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Actualités - ENTRETIEN

Entretien - Ibrahim Mohammed Mehdi Chamseddine, candidat indépendant face au hezbollahi Amine Cherry de la liste Hariri Essayer de se forger un prénom, seul, à Beyrouth II (photo)

Ibrahim Chamseddine, seul, vs Amine Cherry, le hezbollahi, membre à part entière, cette année, de la gigaliste Hariri. Cela ressemble vraiment à l’impossible bataille… « Au contraire. C’est difficile, très. Mais pas impossible. » Assis au-dessous d’un imposant portrait de son père, l’essentiel cheikh Mohammed Mehdi, Ibrahim Chamseddine sourit. « Je suis orgueilleux, oui, je sais ce que je vaux, mais je ne suis pas prétentieux. Pas prétentieux… » Orgueilleux et calme. Le contrôle de soi, la confiance en soi, « les gens veulent que l’on soit sûrs de nous », la maîtrise des mots qu’il prononce clairement, les recommandations paternelles, le métissage culturel, la conviction d’être un fédérateur, le candidat indépendant au siège chiite de la deuxième circonscription de Beyrouth semble avoir appris tout cela jusqu’au bout des ongles. Ce qu’il lui reste à apprendre ? À se faire un prénom. Il a les bagages. Il ne comprend pas qu’on lui demande, chaque jour qui passe, pourquoi ce pari fou. « Avec une loi aussi nulle, une situation aussi délicate, ne pas me présenter aurait été une marque d’irrespect. » La chose publique, il la conçoit comme un travail à faire avec les autres pour corriger de graves erreurs, œuvrer en faveur d’un système politique juste et stable, et, surtout, de la coexistence et de la réconciliation nationale. « Je souhaite un partenariat total entre les deux communautés, indépendamment du nombre de chrétiens et de musulmans. Le Liban est une patrie définitive ; encore une fois, le nombre n’a aucune espèce d’importance. » Il affiche un indiscutable respect pour Taëf, « avant, la justice politique était bancale ». Il souligne que Taëf « n’est pas un contrat avec une clause de pénalité », mais il reconnaît que Taëf a des lacunes. Il déplore qu’aucun Conseil des ministres n’ait été d’union nationale, il regrette « profondément la gêne, la tristesse même, que ressentent les chrétiens », il estime que cela ne peut qu’avoir un impact négatif sur tout le Liban, et il est farouchement convaincu que ce sont désormais les musulmans qui sont « responsables » du succès ou de l’échec de Taëf. Ce qui le rend malade, en un mot comme en cent : la primauté, depuis 12 ans, du « projet de pouvoir sur le projet d’État ». Ibrahim Chamseddine rappelle que le Liban est une démocratie parlementaire. « Seul problème : on nous demande de voter, pas de choisir. Moi je dis aux Libanais : choisissez ! » Le fait qu’un député soit élu d’office le rend fou, il croit dans les vertus démocratiques de la bataille électorale. Il veut une réforme du système politique, et il ne croit plus, n’a jamais cru, à la division entre opposants et loyalistes. « Des deux rives, ils se sont lancé des accusations insensées puis certains d’entre eux se sont alliés pour conforter une formule politique. » Si j’étais comme les autres… Lui, il propose un autre choix. Il représente une école, une pensée : celle de cheikh Mohammed Mehdi Chamseddine, qui défendait, au départ, le concept du one man one vote, mais qui s’en est vite débarrassé, « pour pérenniser la stabilité de la communauté chrétienne ». Il est contre la démocratie du nombre, contre l’abolition du confessionnalisme politique. « Le Liban, nous le créons ensemble, nous le protégeons ensemble, nous le choisissons ensemble, et le chrétien est un partenaire à part entière dans la création de l’histoire de ce pays. » Il dit : la communauté chrétienne n’est pas, ne peut pas être et ne sera pas une maîtresse que l’on console en lui achetant une nouvelle paire d’escarpins, une belle robe rouge… « Récemment, il y a une colère chez les chrétiens, je la comprends. » Pourquoi cette insistance à s’adresser spécifiquement aux seuls chrétiens ? Certains pourraient y voir sujet à malice. « Absolument pas. » Il s’explique en citant le père, en 1992 puis en 1996, qui disait : « Mon cauchemar pour ces élections, c’est comment seront représentés les chrétiens. Pas les musulmans. » Le père, le cheikh, l’interlocuteur intime, ultime, de Nasrallah Sfeir, déjà visionnaire au-dessus des visionnaires. Il propose autre chose, mais il est fils de, comme beaucoup au Liban… Chamseddine Jr est catégorique : « Si j’étais comme les autres, je serais entré en politique depuis longtemps. Sauf qu’avant, il n’y avait pas beaucoup de places pour les gens bien. » Il martèle : sa candidature n’est contre personne. « Ce n’est pas une bataille, c’est un choix. » C’est son credo. Alors pourquoi pas une alliance ? « Mon père et feu Rafic Hariri avaient d’excellentes relations. Je me suis réuni avec Saad, je lui ai dit que nous sommes la deuxième génération, que c’était idéal de travailler positivement pour le pays. Mais il a des nécessités techniques, je le comprends. » Saad Hariri est aussi un bon neveu… Ibrahim Chamseddine redit, encore et encore : « Je propose un choix. » Il n’est pas l’alternative à la liste, mais « avec » la liste. Il a refusé de participer, justement, à une liste opposée ; on le lui a proposé. Et techniquement il n’y a aucune alliance « technique » avec Najah Wakim. Il n’y a même pas eu contact. Le désarmement du Hezbollah Et le Hezbollah ? Ah, le Hezbollah !… « Je les avertis, par courtoisie. Nabih Berry aussi. Je ne veux pas qu’ils voient cela comme une agression. Mes relations avec le Hezb sont bonnes. » Sauf que le parti de Dieu, selon lui, propage chaque jour la rumeur de son désistement. « Apparemment, ils ont peur. » Mais Chamseddine Jr n’a aucun complexe. « Je suis au cœur du chiisme, ni périphérique ni parachuté. Je suis d’eux, ni à moitié ni à trois quart. Je porte une cravate sans être un agent stipendié américain, et je connais le Coran. Mais je ne suis absolument pas Hezbollah. Je suis un Libanais qui soutient la Résistance, mais il faut que le Hezb s’intègre au système politique en accord avec les règles libanaises et pas sous leurs conditions. » Il est pour, mille fois pour, le désarmement du Hezb par un dialogue libano-libanais. Il dit, et il a sans doute raison, qu’il est bien plus utile au Hezbollah que s’il avait été hezbollahi. « Il y a une unité nationale autour d’eux, mais ils ne résument pas, tout comme Amal, la communauté chiite. Ceux qui ne sont ni Hezb ni Amal représentent la majorité des chiites d’ailleurs. Sauf que les circonstances n’ont pas encore permis que ceux-là émergent… » Il n’appartient pas pour autant à la troisième voie créée par cheikh el-Amine, la Rencontre chiite, mais il la soutient. Il peut gagner ? « Mes chances dépendent de la participation. Mais même si je n’avais pas été candidat, j’aurais appelé à un vote massif. Il y a des mentalités qu’il faut impérativement changer, j’ai dit à mes amis du Tachnag que leur décision de boycotter est inefficace. » Il dit qu’il reçoit de très nombreux courriers et appels téléphoniques de gens qu’il ne connaît pas. Ils l’encouragent. S’il remporte le siège, ce sera un tremblement de terre politique, un tsunami. « Non. C’est un terme péjoratif. » Il y a des tsunamis bénéfiques. « Si je gagne, ce sera un changement positif. Chaque partie doit se renouveler. Il faut du sang neuf. » Ibrahim Chamseddine est convaincu de sa légitimité et de sa crédibilité chiites. Ses seuls mots aux électeurs de Beyrouth II : « Venez et choisissez. N’attendez plus sur le trottoir, participez ! » Même s’il y a ceux qui doutent, estimant que les belles paroles ont rarement été transformées en actes, même s’il y a ceux qui mettent en cause le passé du fils du cheikh au CDR, évoquant des magouilles financières, nombreux, très nombreux sont ceux, inscrits sur les listes électorales de Beyrouth II, qui ont d’ores et déjà décidé de glisser dans l’urne la liste Hariri telle qu’elle, en barrant Amine Cherry et en écrivant Ibrahim Chamseddine. Reste à savoir si cela suffira pour que Bassem Sabeh, seul député chiite non Amal et non Hezb aura, en cas de réélection, un camarade d’hémicycle. Ziyad MAKHOUL

Ibrahim Chamseddine, seul, vs Amine Cherry, le hezbollahi, membre à part entière, cette année, de la gigaliste Hariri. Cela ressemble vraiment à l’impossible bataille… « Au contraire. C’est difficile, très. Mais pas impossible. » Assis au-dessous d’un imposant portrait de son père, l’essentiel cheikh Mohammed Mehdi, Ibrahim Chamseddine sourit. « Je suis orgueilleux, oui, je...