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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE Tsunami démocratique, le 12 juin, à Baabda-Aley

«Baabda-Aley ? Ce sera la mère des batailles. » La formule, depuis toujours, est d’une banalité confondante. Sauf qu’en l’occurrence, on n’a pas fait mieux. Ainsi, et à moins que la main d’un dieu d’ici ou de là-bas n’effleure les frères ennemis d’ici à une vingtaine de jours, la troisième circonscription du Mont-Liban sera effectivement le théâtre, le 12 juin prochain, d’un combat fratricide certes sans pitié, mais d’une confondante démocratie. Malgré une loi électorale souillée jusqu’à la moelle. La bataille de l’an 2000 Un rappel, d’abord, sur ce qui s’était passé le 27 août, il y a cinq ans. Le pouvoir et son tuteur syrien, qui avaient préparé la loi 2000 pour blinder leur main de fer sur le pays, soutenaient à l’époque une liste, absolument fourre-tout, face à celle, quasi-complète également et beaucoup plus homogène politiquement, parrainée par Walid Joumblatt. C’est cette liste qui avait raflé la mise à Baabda-Aley : 8 députés sur 11, sachant que des sièges vides avaient été laissés au druze Talal Arslane à Aley et au hezbollahi Ali Ammar à Baabda. Seul le très fédérateur Pierre Hélou avait pu percer la liste victorieuse. Il y a donc 11 sièges dans la circonscription de Baabda-Aley, et les électeurs de l’un ou l’autre des deux cazas votent naturellement aussi bien pour les candidats de Baabda (3 sièges maronites, 2 chiites et 1 druze) que ceux de Aley (2 sièges druzes, 2 sièges maronites et 1 siège grec-orthodoxe). À Baabda, les législatives 2000 avaient consacré la victoire des maronites Salah Honein (48 082 voix), Antoine Ghanem (46 580 voix) et Abdallah Farhat (44 485 voix). Leurs concurrents directs malheureux étaient Pierre Daccache, Élie Hobeika (hors liste) et Jean Ghanem ; ils avaient respectivement récolté 44 379, 34 993 et 32 913 voix). Victoire également pour les chiites Bassem Sabeh (46 428 voix) et Ali Ammar (38 337 voix), qui avaient battu Salah Haraké (36 042 voix) et Saad Slim (21 669 voix). Victoire enfin du druze Ayman Choucair (43 370 voix) contre Ghaleb Aawar (39 573 voix), un autre Aawar, Souheil, récoltant 5 616 voix. À Aley, ce dimanche d’août 2000 avait mené au Parlement les druzes Akram Chehayeb (48 866 voix) et Talal Arslane (46 796 voix), Mahmoud Abdel-Khalek, ministre d’État dans le dernier gouvernement Karamé, recueillant 34 680 voix. Victoire pour les maronites Fouad el-Saad (48 952 voix) et Pierre Hélou (40 480 voix), ce dernier ayant été remplacé par son fils Henri Hélou, lors de la partielle de 2003 qui l’avait opposé à Hikmat Dib. Abdo Bejjani (39 399 voix) et Antoine Khalil (30 613 voix) avaient échoué. Victoire enfin pour le grec-orthodoxe Antoine Andraos (41 539 voix) face à Marwan Abou-Fadel (38 748 voix). Inscrits et votants d’il y a 5 ans Les chiffres sont imparables. Dans la plupart des cas, l’écart des voix entre le dernier élu et le premier recalé a varié, en 2000, entre 106 voix (Farhat/Daccache) et 3 797 voix (Choucair/Aowar), en passant par 1 081 bulletins (P. Hélou/Bejjani), 2 791 (Andraos/Abou-Fadel), les 12 186 voix (Arslane/Abdel-Khalek) n’étant pas entre concurrents de deux listes rivales. Ce qui donne à comprendre qu’il suffit d’un presque rien (deal de coulisses, sautes d’humeur de l’électeur, mauvais choix d’un candidat) pour que tout bascule. En 2000, sur les 65 210 druzes inscrits dans les deux cazas, 38 635 avaient voté, soit 59,25 %. Sur les 64 401 maronites inscrits, 26 636 avaient voté, soit 41,36 %. Sur les 29 115 chiites inscrits, 14 390 avaient voté, soit 49,43 %. Sur les 15 175 grecs-orthodoxes et grecs-catholiques inscrits, seuls 5 307 s’étaient prononcés, soit 34,97 %. Enfin, sur les 29 203 divers, 9 241 avaient voté, soit 31,64 %. Le taux de participation général était, il y a cinq ans, de 46,38 %. En 2005 La configuration, aujourd’hui, est évidemment toute autre. La liste parrainée par Walid Joumblatt, et qui pourrait être dévoilée de chez Fouad el-Saad, à Aïn el-Trez, sera presque inchangée, à l’exception d’Edmond Naïm à Baabda à la place de Abdallah Farhat, et du deuxième siège druze de Aley, qui ne restera plus libre pour Arslane : c’est Fayçal Sayegh qui y prétendra. Par contre, il n’y aura pas de candidat pour le deuxième siège chiite de Baabda, qui restera réservé au hezbollahi Ali Ammar. Ainsi, on retrouvera dans la liste « opposition 1 » le PSP (les druzes Choucair, Chehayeb et Sayegh), Kornet Chehwane (les maronites Honein, proche du patriarche et bénéficiant de la confiance du Hezbollah, et Ghanem, membre des Kataëb d’Amine Gemayel), les FL (le maronite Naïm), le Courant du futur (le grec-orthodoxe Andraos), et les « indépendants » maronites Saad et Hélou et chiite Sabeh. Il apparaît ainsi que sur les 10 députés précités, seuls les 3 druzes du PSP sont joumblattistes pure souche, tous les autres appartenant aux diverses forces qui avaient fait le 14 mars. Face à cette liste, les élus de Michel Aoun, c’est-à-dire la liste « opposition 2 ». Le général rentré d’exil compte également la rendre publique dans les jours qui suivent, mais pour l’instant, il travaille sur ses (indispensables) alliances, et il ne lui (un des symboles de la tutelle syrienne), reste, logiquement, que Dory Chamoun, Talal Arslane, et le PSNS. Ainsi, pour les sièges maronites de Baabda, il présentera certainement Hikmat Dib et Nagi Gharios. Le troisième est en cours d’étude, on évoquait hier dans la journée Pierre Daccache, entre autres. Pour le siège druze de Baabda, Michel Aoun entend choisir un membre de la famille Aawar, et pour l’un des sièges chiites, Ramzi Kanj (le second étant réservé au Hezb). Ce qui fait que 5 des 6 députés de Baabda seront aounistes. L’ancien PM présenterait sur sa liste le PSNS Antoine Khalil pour l’un des deux sièges maronites du caza, et Dory Chamoun choisirait le second. Les deux sièges druzes seront occupés par des yazbackis, dont Talal Arslane lui-même ; quant au siège grec-orthodoxe, il est réservé à Issam Abou-Jamra, originaire pourtant du caza de Hasbaya. Sur le terrain Première question : la mère des batailles boostera-t-elle, dans un sens comme dans l’autre, le taux de participation ? Sans doute, bien plus cependant pour les maronites en particulier que pour les autres. Ainsi, de 46,38 %, le taux pourrait facilement passer à 50, voire 55 %. Même plus. Comment se divisent les voix druzes ? Si l’on se base sur les chiffres de l’an 2000, Talal Arslane et le PSNS peuvent disposer d’un réservoir de voix maximal de 11 000 (8 000 pour Arslane) sur les 38 635. Le reste, soit 28 000 voix environ, est acquis à Walid Joumblatt. Et là, le transfert des voix sur les colistiers se fait généralement à de bonnes proportions. Les maronites voteraient à 55 % au moins (c’est déjà énorme) en faveur des candidats de Michel Aoun. Sauf que, naturellement moins disciplinés que les druzes et certainement moins que les électeurs du Hezbollah, ils seront particulièrement tentés par le panachage en faveur de candidats de la liste « opposition 1 » qui les ont accompagnés jusqu’au 14 mars et dont ils ont déjà pu tester le talent et la représentativité place de l’Étoile : Honein, Ghanem, Saad, Hélou, sans compter le FL Naïm, mais dont l’intégrité est reconnue par tous. Même chose pour les chrétiens non maronites, certes à un moindre degré. Ni les divers, dont les sunnites, qui sont fort nombreux. Reste une inconnue : le Hezbollah. Généralement ultradiscipliné, panachera-t-il le 12 juin, distribuera-t-il ses voix aux candidats des deux listes ? Le Parti de Dieu dispose généralement de 10 000 voix chiites, et 5 000 ou 5 500 sont transférées pour les colistiers. Si le Hezb n’est pas fidèle à l’engagement qu’il prendra, il faudra donc diviser ce chiffre par deux. Résultat des courses, et les observateurs sont quasi unanimes : avec la loi 2000 et les répercussions du 14 mars, Michel Aoun pourra au maximum gagner deux, voire trois sièges. Mais peu importe. La décision de la bataille, aussi regrettable soit-elle, aura au moins l’avantage de créer le 12 juin une onde de choc démocratique par excellence. Surtout si la participation sera massive, et il faut qu’elle le soit, dans un sens comme dans l’autre. La bataille de Baabda-Aley servira ainsi de repère, de baromètre, à celles, éventuelles encore, du Metn, du Nord, de la Békaa… Chacun sera fixé sur ses prétentions, même si c’est à l’aune d’une loi cancérigène. Z.M.

«Baabda-Aley ? Ce sera la mère des batailles. » La formule, depuis toujours, est d’une banalité confondante. Sauf qu’en l’occurrence, on n’a pas fait mieux. Ainsi, et à moins que la main d’un dieu d’ici ou de là-bas n’effleure les frères ennemis d’ici à une vingtaine de jours, la troisième circonscription du Mont-Liban sera effectivement le théâtre, le 12 juin...