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Frères ennemis

« L’opposition plurielle » se disperse ? C’est peut-être tant mieux pour le pluralisme politique et la démocratie. Ouf ! Un rouleau compresseur en moins ! Car ça finissait par être ridicule ce bazar électoral, cette cooptation qui dessinait à l’avance la physionomie de la prochaine Chambre. En fait, il fallait peut-être cette démonstration de platitude annoncée, pour révéler à l’opinion à quel point la loi électorale 2000 est antidémocratique. Voilà l’une des bonnes leçons de la négociation Joumblatt-Aoun. Ce que ces négociations révèlent aussi, c’est que si tout le monde puise au 14 mars, ce capital ne commande pas une uniformité politique, à condition bien entendu que l’acquis du 14 mars, l’union des volontés d’émancipation définitive de la tutelle syrienne ouverte ou cryptique, soit préservé. Cela dit, il est évident que les tempéraments de Michel Aoun et de Walid Joumblatt ont quelque chose à voir dans l’affaire. Et à travers ces tempéraments, une lutte pour l’indépendance qui se manifeste différemment. Il faut se montrer patient avec le général Aoun, qui n’a pas vécu l’incroyable soulèvement qui s’est produit après le 14 février, l’extraordinaire réveil de la rue sunnite, l’extraordinaire bonheur de se retrouver enfin unis dans une même volonté d’indépendance, le rêve impossible qui, soudain, devenait réalité. Cette unité si précieuse, les Libanais la doivent aussi au sens de la justice et au courage de Walid Joumblatt qui, au plus fort de la tragédie, a ramassé le flambeau de la lutte contre la terreur sur la scène même où brûlait encore le cadavre calciné de Rafic Hariri. Il y a là un moment inoubliable, un moment fondateur, qui a revêtu Walid Joumblatt d’une aura héroïque et l’a projeté au premier plan de cette lutte, et nous lui en sommes reconnaissants. De ce moment périlleux et magique à la fois, le général Aoun n’a pas eu en bouche le goût fort. Lui, c’est un autre genre de risques qu’il a pris, d’autres épreuves qu’il a souffert. Tout aussi méritoires, mais plus lointaines dans le temps. Car lui aussi a risqué sa vie – et les nôtres –, dans un combat inégal, qu’il a perdu sur le terrain militaire mais a fini par gagner sur le terrain diplomatique. Les deux hommes vont-ils donc se disputer le mérite d’avoir affranchi le Liban de sa tutelle ? Ce serait ridicule. Ne vaudrait-il pas mieux, au contraire, que chacun accorde à l’autre le mérite qui lui revient, au lieu d’en minimiser le rôle ? Est-il donc normal que Walid Joumblatt n’ait pas eu un mot de bienvenue pour Michel Aoun, au terme de ses années d’exil éprouvantes ? En échange, dans la bouche du général Aoun, il est des phrases qui laissent songeur. On l’a entendu dire, hier, que Walid Joumblatt et Rafic Hariri sont des « symboles syriens ». La pire erreur, pour un stratège, et le militaire devrait y être encore plus sensible que tout autre, c’est de confondre l’ami, fut-il d’abord revêche, pour l’adversaire. Le général Aoun devrait apprécier mieux que quiconque le risque énorme pris par Rafic Hariri, et savoir que ce n’est pas pour rire ou par erreur qu’il a été assassiné. Que son combat ait obéi à d’autres règles que les siennes n’en fait pas un adversaire, loin de là. Et la même chose s’applique à Walid Joumblatt. Le pays est donc devant un cas classique dont l’histoire a donné tant d’exemples, de forces objectivement alliées qui doivent apprendre à gérer ensemble leur victoire, plutôt que de s’exclure les unes les autres. (D’où l’injustice, soit dit en passant, de l’élimination de Dory Chamoun du paysage parlementaire). Ce serait trahir le 14 mars, que de rabaisser ces élections à un combat de chefs. Redisons-le donc : bienvenue à l’émulation démocratique, loin des rouleaux compresseurs à la syrienne, à condition que l’on ne dénature pas les buts pour lesquels une population entière a envahi la place des Martyrs et que l’on ne compromette ni les capacités de changement de la future Chambre ni la représentativité des différents courants de l’opposition qui ont recréé l’indépendance. Fady NOUN
« L’opposition plurielle » se disperse ? C’est peut-être tant mieux pour le pluralisme politique et la démocratie. Ouf ! Un rouleau compresseur en moins ! Car ça finissait par être ridicule ce bazar électoral, cette cooptation qui dessinait à l’avance la physionomie de la prochaine Chambre. En fait, il fallait peut-être cette démonstration de platitude annoncée, pour révéler à...