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Actualités - OPINION

Un sérieux casse-tête : l’abolition du confessionnalisme politique

En principe, l’abolition du confessionnalisme politique prescrite dans Taëf devrait être au menu du prochain gouvernement issu des présentes législatives pour aboutir, toujours en application de Taëf, à l’élection en 2009 d’une Chambre des députés sur des bases nationales, non confessionnelles. Une Chambre flanquée d’un Sénat au sein duquel les communautés religieuses continueraient à être représentées. Mais l’objectif n’est pas facile à atteindre. Il faut en effet s’entendre d’abord sur la composition, complexe, du comité national chargé de préparer la mutation. Cette instance, présidée par le chef de l’État, comprendra également les deux autres présidents, ainsi que des personnalités politiques, intellectuelles et sociales dont la sélection pourrait donner lieu à bien des tiraillements. L’annonce de la formation du comité serait dès lors une première victoire civique. Cependant, ses membres devront ensuite se mettre d’accord sur un statut intérieur, des mécanismes et un rythme de fonctionnement pour que l’on sache si les résolutions devraient être prises à la majorité absolue ou à la majorité des deux tiers. Puis il leur faudra s’entendre sur un ordre du jour de base qui peut prêter à bien des disputes. Comme par exemple, lorsqu’il s’agira de réviser, pour les unifier, les programmes pédagogiques, tant pour les manuels d’histoire du Liban que pour les ouvrages d’éducation civique. Il y a de forts risques de confrontation à caractère culturel, le débat devant tendre à une solution commune visant à promouvoir l’allégeance nationale, le brassage et l’ouverture. Les partis Parallèlement, il faudra, autre difficulté, traiter de la loi des partis afin de favoriser l’émergence marquée de formations à caractère national mélangé, de préférence aux organisations confessionnalisées qui tiennent toujours le devant de la scène. Si l’on devait réussir à créer un système de partis, la concurrence électorale deviendrait différente. Les listes ne seraient plus formées comme maintenant en base d’alliances de courants confessionnels qui, finalement, consacrent la prédominance dite démocratique de la majorité numérique confessionnelle, tandis que la minorité confessionnelle reste lésée dans ses droits. Ce qui est contraire au principe même de la coexistence consensuelle sur lequel se fonde ce pays composite. Dans un système laïcisé, la majorité deviendrait à caractère uniquement politique et pourrait alterner, changer de camp, suivant les circonstances. Ce qui donnerait une vie institutionnelle, démocratique, normale. Chamseddine Le regretté imam Mohammed Mehdi Chamseddine, président du Conseil supérieur chiite, soulignait que le Liban ne pouvait se passer ni du consensus ni du pluralisme. Tout en plaidant pour un État civil, il mettait en garde contre une abolition du confessionnalisme mal conçue ou préparée, déclarant que cela pourrait mettre en danger la stabilité, voire le sort du Liban, en poussant des parties locales à demander des renforts à l’étranger. Dès lors l’imam Chamseddine appelait les Libanais, musulmans et chrétiens, à laisser de côté le projet de l’abolition. Sans y renoncer, mais en le considérant comme un objectif lointain pour l’avenir. « Car, disait-il, il faudra probablement des dizaines d’années avant que ce projet ne mûrisse à la faveur de l’évolution de la société libanaise comme de l’environnement arabe. » Le dignitaire religieux ajoutait que les recommandations de Taëf étaient théoriques, exemplaires. Mais qu’à tout prendre, le système libanais en place était sain, à l’exception de failles qu’on pouvait relever dans les textes ou dans la pratique. Pour lui, le Liban, par sa formule de coexistence restait un phare, un modèle pour les autres collectivités. Il rejoignait ainsi le point de vue du pape Jean-Paul II. Michel Eddé De son côté, le président de la Ligue maronite, l’ancien ministre Michel Eddé, approuve les propos de cheikh Chamseddine en estimant que l’expérience libanaise a permis aux familles spirituelles du pays de vivre politiquement ensemble, d’établir par consensus les bases et les lois organisant la vie de tous les citoyens. Il ajoute que ces familles spirituelles sont censées être représentées d’une manière équilibrée au sein du pouvoir législatif sans qu’une majorité n’écrase une minorité, ou plusieurs. Il rappelle que c’est là le commandement donné par la Constitution qui édicte que l’Assemblée nationale doit se composer à parité égale entre chrétiens et musulmans. Michel Eddé cite le penseur Michel Chiha, qui avait élaboré une bonne partie de la Constitution fondatrice de 1926 et qui jugeait qu’en portant atteinte au principe de la représentation politique sur base communautaire on provoquerait l’émergence de groupes d’action politique revendicatrice à caractère confessionnel aigu. Dès lors, la représentation des familles spirituelles est un pare-feu contre l’exploitation de la religion à des fins politiques particulières. La suppression de cette représentation peut allumer les instincts d’un fanatisme sectaire exacerbé. Le Parlement doit être la clef de voûte de la démocratie. Il doit cristalliser la volonté de vivre en commun des Libanais. Le lieu de rencontre de toutes leurs compositions de participation de tous à l’État, à la gestion des affaires publiques. Or quand les familles spirituelles ne sont pas politiquement représentées, alors, selon l’avertissement lancé jadis par Michel Chiha, on verrait l’église et la mosquée prendre la place du Parlement. Michel Eddé note qu’on réclame périodiquement l’abolition du confessionnalisme politique, présenté comme la tare des tares, la source de toute crise, un barrage devant l’unification et l’évolution du Liban. En réalité, souligne l’ancien ministre, le Liban avec sa formule fondée sur la représentation des familles spirituelles, avec son histoire, acquiert une dimension qui en fait plus qu’un État. Un message au monde, selon l’expression de Jean-Paul II. Il est déraisonnable, poursuit l’ancien ministre, d’abroger la représentation des familles spirituelles à un moment où nombre d’autres pays composites étudient avec intérêt la formule libanaise pour tenter de s’en inspirer dans la solution de leurs crises ou de leurs conflits. Il n’est pas raisonnable non plus, ajoute Eddé, de faire le jeu d’Israël qui cherche toujours à disloquer le Liban en cantons sectaires hostiles, en profitant de la mobilisation idéologique organisée qui a suivi le 11 septembre pour propager ce que l’on appelle le choc des cultures. C’est-à-dire la guerre des religions. Eddé souligne que la réalité libanaise, fondée sur la pluralité religieuse dans un cadre d’unité de la société comme du pays, a contribué à forger une expérience démocratique issue du principe du consensus et non de la loi du nombre, en consacrant le pluralisme et le droit à la différence, facteurs mutuellement enrichissants. Il conclut en prévenant qu’il ne faut pas confondre entre la représentation des familles spirituelles et ce « confessionnalisme politique » dont les véritables objectifs sont le copartage et le clientélisme, ces antonymes de l’État de droit. Émile KHOURY

En principe, l’abolition du confessionnalisme politique prescrite dans Taëf devrait être au menu du prochain gouvernement issu des présentes législatives pour aboutir, toujours en application de Taëf, à l’élection en 2009 d’une Chambre des députés sur des bases nationales, non confessionnelles. Une Chambre flanquée d’un Sénat au sein duquel les communautés religieuses...