Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Eclairage - « Nous étions même prêts à sacrifier Salah Honein pour éviter les tensions confessionnelles », explique Joumblatt Pas encore né, le Parlement 2005 sait qu’il ne peut être que transitoire

Pauvre Liban – malheureux Libanais, surtout. Même les accords de Yalta et de Camp David réunis n’auront pas pris autant de temps, brûlé autant de calories, ou dépassé les meilleurs Hitchcock en autant de péripéties ou de rebondissements. Les aounistes, les haririens, les joumblattistes et Kornet Chehwane arriveront-ils, au lendemain du dernier dimanche de scrutin, à transformer la place de l’Étoile et son hémicycle en une miniplace des Martyrs ? Ou bien Michel Aoun fera-t-il cavalier seul, choisira-t-il de pérenniser ce qu’il estime lui aller comme un gant et servir royalement sa politique depuis 15 ans : la marge plutôt que la masse, les grandes banquises plutôt que la promiscuité, le « moi, je… » plutôt que le « nous, nous… » ? Il est clair que sans bataille, les élections perdent beaucoup de leur potentiel démocratique. Il n’en reste pas moins que la quasi-totalité des Libanais qui avaient fait le 14 mars continuaient, envers et contre tout, de souhaiter que l’opposition plurielle s’entende, du Nord au Sud, sur des listes communes. Et cela, malgré une loi électorale perverse et pervertie jusque dans ses moindres virgules. Bataille ou pas bataille ? Sans doute bataille, assurément bataille, même si seul le général retourné d’exil pourrait inverser la tendance. Et accepter de partager. De construire, de l’intérieur, sa vision, ses rêves, en se confrontant à cette réalité libano-libanaise du dedans qui n’a rien de la vie parisienne mais tout du parcours du damné. De comprendre que même Camille Chamoun n’est pas né Camille Chamoun, qu’il a fallu à Camille Chamoun-le chrétien des années d’immersion jusqu’aux yeux dans le bourbier politique libanais avant de devenir Camille Chamoun-le leader national. Les idées aouniennes sont belles, fortes, porteuses ; beaucoup d’hommes politiques et pas des moindres les partagent, comme tous les Libanais ou presque. Mais l’opposition plurielle du 14 mars, c’est une table ronde, pas celle, rectangulaire, où siège un conseil d’administration avec, à sa tête, un PDG. Il y aura bataille, c’est démocratique, c’est déjà ça, chacun sera fixé sur son poids, même si la loi 2000, c’est évident, fausse tout le jeu. Mais justement, ce sera une fausse bataille, une prébataille. Le Parlement 2005 a toutes les chances, avant de naître, d’être absolument transitoire, de ne durer que le temps qu’il faut pour qu’un hémicycle crée une loi. La vraie bataille se fera dès la rentrée parlementaire : les députés devront impérativement élaborer puis voter une nouvelle loi électorale avant que de s’autodissoudre. La loi 2000 mourra, et le Parlement qu’elle aura engendré mourra aussi. Sans doute y aura-t-il un nouveau président de la République, et tout cela grâce à la loi 2000 elle-même. Walid Joumblatt, interrogé hier par L’Orient-Le Jour : « Il y a un paradoxe énorme entre la révolution du Cèdre, le 1,5 million et cet ancien régime, hier incarné par la loi de 1960, aujourd’hui par la loi 2000. Il faudra montrer à l’opinion publique occidentale que ce système électoral ne peut aboutir qu’à des négoces pires que ceux qui se tiennent à souk el-Hamidiyé. Nous étions même prêts à sacrifier, bêtement, l’un des meilleurs députés, Salah Honein, pour éviter la bataille, les tensions confessionnelles : ils voulaient deux députés à Baabda. Mais ensuite, ils ont demandé Issam Abou-Jamra à la place d’Antoine Andraos, le représentant du Courant du futur… L’opposition est en train de se grignoter elle-même. » Le constat est sans appel ; l’euphémisme, à juste titre, est doux. Seule consolation : une fusion, le 20 juin, n’est pas impossible. Puisque toutes les composantes estampillées Bristol, sans exception, veulent la même chose, sans nécessairement privilégier les mêmes chemins. Ce n’est pas mauvais. Juste un peu frustrant. Beaucoup, puisque la sensation de s’être trompé de bataille est en train de laisser le plus amer des arrière-goûts. Reste à savoir s’épargner, de part et d’autre, les regrets, et, surtout, les remords. Ziyad MAKHOUL

Pauvre Liban – malheureux Libanais, surtout. Même les accords de Yalta et de Camp David réunis n’auront pas pris autant de temps, brûlé autant de calories, ou dépassé les meilleurs Hitchcock en autant de péripéties ou de rebondissements. Les aounistes, les haririens, les joumblattistes et Kornet Chehwane arriveront-ils, au lendemain du dernier dimanche de scrutin, à transformer la...