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Actualités - interview

Interview - Le secrétaire général de la Gauche démocratique ne cache pas son amertume Élias Atallah : L’opposition a raté le coche (photo)

Les Libanais l’ont découvert en harangueur de foules, entre le 14 février et le 14 mars, place de la Liberté. Mais Élias Atallah, secrétaire général de la Gauche démocratique, a d’autres talents, d’autres qualités, dont l’une est d’ailleurs bien rare dans les milieux politiques libanais : celle d’être cohérent, conséquent avec lui-même, jusqu’au bout. Originaire du Chouf (plus précisément de Rmeilé), ce maronite atypique, ancien camarade de Kamal Joumblatt au sein du Mouvement national, pourrait être l’allié de Walid Joumblatt, son « compañero » de longue date, tout comme il pourrait être celui de Michel Aoun, dont il partage aujourd’hui un discours non confessionnel, malgré les réserves qu’il formule à l’égard du général. Pourtant, il n’en sera rien. Dégoûté par les différentes attitudes au sein de l’opposition qui ont suivi le phénomène fondateur du 14 mars, Élias Atallah a décidé de se porter candidat seul, sans bénéficier de l’appui de telle ou telle liste. S’expliquant sur les motifs de sa candidature, M. Atallah affirme qu’il « croit représenter ainsi une certaine continuité vis-à-vis du phénomène citoyen du 14 mars », qui a débouché sur l’indépendance du pays. « Il s’agit d’un grand exploit qui semblait impossible il y a quelques mois et qui s’est réalisé en deux mois. Or, nous avons tous dit, au sein de l’opposition, que les deux batailles pour le changement et l’indépendance étaient concomitantes. Le 14 mars, la société a transmis un message clair au monde entier, affirmant qu’elle aspirait à un État moderne. Le 14 mars, les Libanais ont montré qu’ils n’étaient pas des sujets, mais de véritables citoyens », dit-il. « Si je me porte aujourd’hui candidat, c’est pour montrer que cette voie doit être suivie, et que les élections peuvent constituer une charnière vers le changement, qu’elles ne sont pas une fin en soi, que la lutte se poursuit », poursuit l’ancien chef du Front national de la Résistance libanaise à Israël. L’impression d’avoir été floué Deux mois après le 14 mars, Élias Atallah a l’impression d’avoir été floué. Certes pas à son insu, dans la mesure où il a commencé à dénoncer les dérives dès qu’elles ont commencé à apparaître. « Ce n’est pas une impression personnelle. C’est le peuple qui est déçu du comportement de l’opposition. Il pensait que celle-ci prendrait soin de réaliser son aspiration à la modernité et à la citoyenneté, de confirmer sa volonté de sortir du sectarisme et de voir enfin l’État de droit édifié », indique-t-il. Élias Atallah précise que son problème n’est pas personnel, qu’« il ne s’en prend pas à des individus, mais à la logique avec laquelle l’opposition a agi dans le cadre des élections ». Il dénonce pêle-mêle l’attitude de l’opposition en ce qui concerne l’adoption de la loi électorale inique, l’impossibilité d’aboutir à un partenariat loin des intérêts privés et la résurgence des combinaisons sectaires. Et, dans ce cadre, le secrétaire général de la Gauche démocratique refuse de se cacher derrière son petit doigt : « Celui qui a réussi à défier le danger des attentats tous les jours aurait pu avoir le courage de dire que la loi de 2000 a été imposée de l’extérieur. Ils disaient tous qu’ils voulaient faire face à l’ingérence externe, qu’en est-il maintenant ? Nous voulons que le Liban fasse partie d’une communauté internationale, sans qu’aucune décision allant à l’encontre de ses intérêts ne lui soit imposée. Près de 95 % du Parlement refuse la loi électorale actuelle et dégage sa responsabilité de cette sournoiserie qui a conduit à son adoption. Pourquoi aucun des députés n’ose la défendre ? Qui est responsable de cet acte qui ressemble à la prorogation du mandat Lahoud ? Derrière tout cela, il existe une volonté de perpétuer le sous-développement de l’État libanais.» Réconciliation au Chouf ? Élias Atallah est sceptique quant à la liste de la réconciliation au Chouf avec les FL : « La réconciliation ne commence pas avec cette liste. L’événement était la visite du patriarche en 2001. Mais je ne peux constater aussi qu’à Rmeïlé, il n’y a jamais eu le moindre problème. Quoi qu’il en soit, ma candidature n’est dirigée contre personne. Je pense juste qu’il s’agit d’un mauvais partage du gâteau, et que l’opposition aurait pu offrir l’image d’un partenariat. Ce n’est pas une réconciliation. C’est une tromperie. La vraie réconciliation, c’est le 14 mars, et l’émergence d’une opinion publique. » Selon lui, l’opposition aurait dû envisager un accord global, dans une logique différente, celle de la participation de toutes les composantes de l’opposition dans le cadre de listes unifiées, pour garantir le changement. Quitte à pouvoir ensuite dialoguer avec le Hezbollah et les autres pour pouvoir résoudre la problématique qui oppose encore la logique de la Résistance à celle de la fondation de l’État de droit, sans oublier l’élaboration d’une loi électorale équitable. « Pourquoi ont-ils courbé l’échine et se sont-ils défilés en coulisse ? » s’interroge-t-il. Et de poursuivre : « Ce Parlement sera jugé, parce que les Libanais sont horrifiés par ces marchés bilatéraux et multilatéraux. Derrière cela, il y a des intérêts clientélistes et sectaires qui cherchent à se trouver un marché au niveau des citoyens », ce qu’il trouve indigne des Libanais. Le secrétaire général de la Gauche démocratique n’épargne pas non plus le CPL et s’étonne des bruits qui courent concernant des alliances éventuelles avec des symboles de l’ère syrienne au Liban. « Ce serait dépasser les lignes rouges. Pourquoi le CPL ne le dément pas ?» s’interroge-t-il, en accusant Michel Aoun d’avoir profité de la polarisation confessionnelle dans le pays. Pour Élias Atallah, « l’opinion publique est la véritable force de l’opposition, qui ne doit pas perdre sa pureté. Mettre les Libanais de côté, c’est participer à un complot contre la société, qui a toujours été à l’avant-garde de la défense et de la préservation du Liban ». Et il ne cache pas l’ampleur de sa déception : « Nous savons ce qui se passe sur le terrain. Nous savons que l’avenir du pays et la symbolique de l’“intifada de l’indépendance” sont totalement absents des débats internes. Ce Parlement n’est pas la fin du monde, c’est même le début de la bataille pour la réforme. Une intifada ne se termine qu’en prenant la forme d’un courant réformateur. Il faut qu’ils sachent, tous, que la société n’est pas celle à laquelle ils sont habitués. Le peuple libanais est indépendant, et il a le pouvoir de sanctionner. J’en suis persuadé. » Michel HAJJI GEORGIOU

Les Libanais l’ont découvert en harangueur de foules, entre le 14 février et le 14 mars, place de la Liberté. Mais Élias Atallah, secrétaire général de la Gauche démocratique, a d’autres talents, d’autres qualités, dont l’une est d’ailleurs bien rare dans les milieux politiques libanais : celle d’être cohérent, conséquent avec lui-même, jusqu’au bout. Originaire du...