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Actualités - CHRONOLOGIE

CIMAISES Soulages: «L’Amérique croit que je suis un peintre des années 50!» (photos)

«Ici, on croit que je suis un peintre des années 50 ! » Pierre Soulages, l’un des plus grands artistes français vivants, savoure ses retrouvailles avec les États-Unis, où il expose jusqu’en juin après quasiment 30 ans d’absence. À 85 ans, il promène, toujours curieux et enthousiaste, sa haute silhouette vêtue de noir dans Chelsea, le quartier des galeries de New York, où la Robert Miller Gallery présente pour un mois une quinzaine de ses immenses toiles en acrylique noire. La dernière, achevée le 5 avril, sèche encore. Ce travail est une redécouverte pour les Américains, qui avaient très vite salué le peintre, avec une première exposition new-yorkaise en 1949, alors qu’il n’avait pas 30 ans. À cette époque, le jeune artiste de Rodez remarqué par Picabia est ami avec les légendes de l’art américain, un peu plus âgées que lui, Mark Rothko, Willem de Kooning. « Les Américains m’ont alors catalogué avec mes œuvres de jeunesse. Ici je suis considéré comme un peintre des années 50, ils ne se rendent pas compte que je suis toujours là ! » Pendant ce temps pourtant, il ne cesse d’exposer et faire l’objet de rétrospectives, de la Suisse à la Chine, de Montréal à Séoul, de São Paulo à Saint-Pétersbourg, au musée de l’Hermitage où il est le seul artiste vivant à trouver sa place dans la collection permanente. « Si un galeriste américain avait tenu à m’exposer, j’aurais accepté, mais cela n’a pas été le cas. Je suis très content de voir que maintenant ce que je fais intéresse les Américains », dit-il. « J’ai toujours beaucoup aimé New York et une certaine Amérique en laquelle j’ai toujours confiance, l’Amérique de la recherche, de l’art. C’est un pays phare, même si on aime moins certains de ses engagements.» Dans la Robert Miller Gallery, de vastes toiles sont accrochées, recouvertes d’une masse épaisse de peinture noire, avec parfois un trait de blanc ou de bleu nuit, et dont l’intensité change avec la lumière, virant au bleu ou au gris. Plusieurs ont déjà trouvé preneur (pour des prix allant de 88000 à 325000 dollars). « Le peintre du noir », comme on l’a souvent appelé, raconte sa révélation de la lumière. « En fait je suis un peintre de la lumière », insiste-t-il. D’abord « j’ai utilisé le noir pour ses possibilités de contraste, la puissance qu’il porte en lui. Et ce depuis mes peintures d’enfant. Puis en 1979 j’ai découvert une autre manière de voir: le noir réfléchit les couleurs de la lumière naturelle, la matière joue avec la lumière ». C’est ce que le musée d’Art moderne de la ville de Paris a appelé le « noir lumière » dans une rétrospective de 1996, ce qu’il appelle lui « l’outre-noir », ce pays au-delà du noir. « Le but est, comme toujours, de provoquer une émotion esthétique », explique Pierre Soulages, qui a mis sa théorie en application avec les vitraux de l’abbaye romane de Conques (Aveyron), un projet de sept ans. Aujourd’hui il peint comme jamais, « par crises », dans ses deux studios du 5e arrondissement de Paris. Dans ces moments, « je reste à l’atelier nuit et jour. On vient me nourrir!». Face à la toile, ce qui se passe « est indépendant de moi, je suis plus curieux de ce qui peut arriver qu’organisé ». « Je peins pour moi, mais ce que je fais est destiné au regard de l’autre, dit-il. Suffisamment de gens aujourd’hui s’intéressent à mon travail pour que j’aie envie de continuer.»

«Ici, on croit que je suis un peintre des années 50 ! » Pierre Soulages, l’un des plus grands artistes français vivants, savoure ses retrouvailles avec les États-Unis, où il expose jusqu’en juin après quasiment 30 ans d’absence.
À 85 ans, il promène, toujours curieux et enthousiaste, sa haute silhouette vêtue de noir dans Chelsea, le quartier des galeries de New York, où la...