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SCULPTURE Randa Nehmé, la grâce et la gravité de la pierre…(photos)

a«J’ai toujours travaillé dans la grâce et la gravité des choses », affirme Randa Nehmé, sculptrice, longtemps installée en France, revenue il y a quelques mois au Liban. Son propos s’accorde parfaitement avec ses œuvres: des formes qui conjuguent étonnamment l’ascétique et l’éthéré avec une pléthore de lignes et de volumes. Des œuvres abstraites, mais aux facettes multiples qui offrent selon l’angle du regard de multiples «images». Frêle, toute frêle, longue chevelure de sirène brune, allure soignée, attaches fines… Tant de délicatesse chez une femme qui s’adonne à la sculpture étonne de prime abord. Car sans vouloir taxer les «sculptrices» de rudesse, il y a chez Randa Nehmé une certaine sophistication et une gracilité peu communes pour quelqu’un qui passe ses journées à lutter avec des blocs de pierre. Sauf qu’on perçoit dans le regard de cette artiste une détermination à toute épreuve, faite – paradoxalement – de détachement et de passion. Une exigence sous-tendue d’une spiritualité intense qui la pousse à se confronter avec la pierre. D’ailleurs, elle affirme avoir fait siens ces deux postulats: «Ne rien posséder et n’être possédé de rien» et «Deviens ce que tu es». Du nerf et de la retenue C’est dans la taille directe des blocs de roc, de marbre, de grès ou d’albâtre, dans ce corps-à-corps fougueux avec la pierre, que l’artiste exprime son intransigeante quête d’harmonie. En fait, tout son travail consiste à essayer de dégager l’« essence » de la pierre. «J’essaye de sortir l’énergie du bloc que j’ai en face de moi. J’ai essayé de travailler le bois, mais j’ai senti que je le violais, que je l’abîmais plus que je ne le sublimais. Sculpter le bois est quelque chose de très mélodieux, de très romantique, mais qui ne me correspond pas. J’aime que l’on me résiste.» Et d’ajouter : «Il y a quelque chose qui passe entre la pierre et moi. Pour moi, ce n’est pas un élément mort, mais un matériau plein d’énergie avec lequel un échange se fait et qui vous rend ce que vous lui donnez.» Cette femme a du nerf et de la… retenue. Cela ressort aussi bien dans ses compositions, où l’on perçoit toute la vigueur et la maîtrise qu’elle peut avoir, que dans son environnement, où il règne une impression de rigueur, de netteté et d’ordre peu communs chez un artiste qui manie le burin et la scie électrique. À Gemmayzé, dans la rue qui longe «Ahwet el-Ezez», l’enseigne de son atelier peinte en bleu surplombe un très beau portail en fer forgé. Passé la porte, on entre de plain-pied dans l’univers de cette artiste au raffinement subtil. Une esthétique du moindre détail dont son atelier-showroom est l’illustration parfaite: un rez-de-chaussée où carrelage ancien et niveaux successifs mettent en valeur les œuvres exposées et un étage supérieur où d’autres œuvres finies trônent sur des socles hauts, jouxtant une belle table Art déco par-ci, des étagères de livres par-là ou encore des canapés formés de simples matelas sur caisses en bois. Dans un coin en renfoncement dans le mur : l’atelier à proprement parler est fermé par des battants en verre, pour protéger la salle de la poussière. Élévation symbolique Méticuleuse, certes, Randa Nehmé, dont beaucoup d’œuvres ont ce mouvement ascendant, cette élévation symbolique, reconnaît tendre «vers la perfection, même si je sais qu’on n’y arrive jamais. Pour moi la sculpture est une transmission entre le ciel et la terre». La nature est donc tout naturellement sa source d’inspiration. Avec une prédilection pour l’arbre. Normal pour quelqu’un qui a travaillé quinze ans dans un atelier à Versailles donnant sur la forêt. Des sortes de bouquets de silhouettes émergeant d’un tronc commun reviennent, en effet, assez souvent dans des compositions baptisées Réunion d’anges ou Dortoir des anges… « J’aimerais me sentir comme un arbre: les racines bien ancrées dans la terre et le vent qui bouge les feuilles », dit-elle. Encore un propos qui cadre parfaitement avec son travail ! Adepte surtout des pierres pures, « pas forcément le marbre, ni non plus les précieuses comme l’albâtre ou l’onyx», Randa Nehmé affirme «vivre l’instant dans la pierre. Avec joie et confiance». C’est dans cet esprit qu’elle «sent» le titre de la pièce arriver en même temps que son élaboration. Et qu’une fois l’œuvre terminée, elle la regarde comme n’importe quel spectateur. « Mais, en réalité, une sculpture ne se termine jamais. Il arrive un moment où il faut décider d’arrêter…», conclut cette exigeante à qui la sculpture a appris le détachement. Pour mieux devenir ce qu’elle est! Zéna ZALZAL

a«J’ai toujours travaillé dans la grâce et la gravité des choses », affirme Randa Nehmé, sculptrice, longtemps installée en France, revenue il y a quelques mois au Liban.
Son propos s’accorde parfaitement avec ses œuvres: des formes qui conjuguent étonnamment l’ascétique et l’éthéré avec une pléthore de lignes et de volumes. Des œuvres abstraites, mais aux facettes...