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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE - Une semaine après son retour, le général n’a pas encore annoncé ses alliances électorales Michel Aoun écoute, réfléchit et propose un projet pour l’avenir

De jour en jour, le discours de politique devient de plus en plus confessionnel. Comme si plus que jamais, le Liban s’installait dans une situation de polarisation communautaire. Au point que certains jeunes qui sont descendus dans la rue, lors de la fameuse intifada de l’indépendance, se demandent aujourd’hui si le bel élan nationaliste et l’unité tant chantée dans les manifestations se sont envolés. Chaque groupe semble se replier sur sa confession ou sa communauté et les frontières semblent se multiplier à l’intérieur du pays. Dans un climat peut-être prévisible à la veille d’élections législatives cruciales et alors que le Liban sort de près de trente ans de « tutelle » syrienne, le général Michel Aoun tient un discours différent, d’autant plus important qu’il est rare. Au cours de ses années d’exil, le général a visiblement beaucoup réfléchi à l’avenir du Liban et des Libanais et il revient aujourd’hui avec un projet moderne en mesure de séduire des jeunes avides d’idéalisme. Débarrassé de son souci de libérer le pays, qui a longtemps été sa seule priorité, le général veut désormais offrir aux nouvelles générations un pays où elles peuvent s’épanouir dans le respect de leur dignité, sans craindre périodiquement de nouvelles secousses ou sans devoir subir une sorte de dictature de la démographie. Un pays moderne en somme, où chaque citoyen pourrait vivre libre, sans être à la merci de sa communauté ou de ses leaders traditionnels. À tous ses visiteurs, le général tient d’ailleurs le même langage, convaincu qu’en descendant dans la rue comme ils l’ont fait depuis le 14 février, les Libanais ont montré qu’ils aspiraient au changement et à la modernité. Le 14 mars notamment, ils ont montré qu’ils étaient en mesure de surmonter les peurs nourries par des années de conflits et d’aller les uns vers les autres, à la recherche d’une coexistence choisie par conviction. Dans la fièvre électorale actuelle, le général tient un langage unioniste, loin de toute surenchère confessionnelle. À ses visiteurs, il affirme qu’il aspire à un Liban pour tous, où le citoyen peut montrer sa valeur, indépendamment des considérations confessionnelles, un Liban sans corruption et sans féodalisme. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la villa où il réside désormais grouille de jeunes enthousiastes et dévoués. Ils font d’ailleurs des prouesses dans leurs universités ou leurs emplois pour pouvoir se relayer et assurer des permanences chez le général. Ces jeunes croient dur comme fer que le discours du général ne peut que trouver des échos favorables chez la majorité des Libanais. Ils ne se font certes pas beaucoup d’illusions sur la sincérité d’une partie des visiteursdu général, notamment les personnalités politiques, mais ils pensent que ce dernier a réussi à susciter un nouvel espoir chez la population, qui ne peut que rejaillir sur la classe politique. Même si pour l’instant, et une semaine seulement après son retour triomphal, le général Aoun a visiblement inquiété plusieurs parties politiques. « Ne pas perdre de vue l’essentiel » « Le tsunami » annoncé par Walid Joumblatt est en train de supplanter, du moins médiatiquement pour le moment, des figures qui ont occupé la scène pendant des mois. D’ailleurs, ces personnalités sont prises à leur propre jeu. Pendant des années, elles ont limité leur programme à réclamer le retour du général Aoun et la libération du Dr Samir Geagea. Comme si, en quelque sorte, elles n’étaient là que pour assurer « l’intérim ». Le général, lui, se veut porteur d’un projet. Il ne veut surtout pas décevoir les jeunes qui ont cru en lui, alors que d’autres, beaucoup d’autres, ont préféré s’intégrer au système et s’y adapter. À ses visiteurs, il rappelle d’ailleurs qu’il n’a jamais voulu que ses partisans fassent de son retour une cause à défendre. Il leur avait enjoint de réclamer l’indépendance et la souveraineté du Liban, et non de se contenter de vouloir son propre retour. Aujourd’hui, il ne veut pas non plus que dans cette période pré-électorale, les jeunes perdent de vue l’essentiel, qui reste, à ses yeux, l’édification d’un Liban moderne. À ses visiteurs, le général refuse encore d’annoncer sa couleur électorale, tout comme il ne veut pas entrer dans le bazar des listes ou des alliances. Il affirme qu’il ne se perdra pas dans les sables mouvants de la petite politique libanaise. Il se veut visionnaire et il affirme que son Liban, c’est dans les yeux des jeunes qu’il le voit. D’ailleurs, lorsqu’on lui demande sur qui il compte pour pouvoir réaliser son programme, il sourit et répond : « Mais sur vous, les représentants de la société civile, les citoyens anonymes, les Libanais qui rêvent d’une patrie digne de ce nom. » Son discours actuel est un discours d’ouverture. Ce chef militaire qui ne peut pas cacher son émotion en évoquant ses compagnons d’armesmorts dans les combats, quelle que soit leur confession, se déclare prêt à dialoguer avec tout le monde. Il ne veut pas d’exclus, ni d’ostracisés. Il souhaite seulement que les Libanais fixent des critères bien définis et tiennent un langage clair. Dans un monde politique où le double langage est devenu un signe d’intelligence, le général Michel Aoun a introduit un souffle d’air frais. Cette part de rêve, à laquelle beaucoup de Libanais croient encore. Scarlett HADDAD

De jour en jour, le discours de politique devient de plus en plus confessionnel. Comme si plus que jamais, le Liban s’installait dans une situation de polarisation communautaire. Au point que certains jeunes qui sont descendus dans la rue, lors de la fameuse intifada de l’indépendance, se demandent aujourd’hui si le bel élan nationaliste et l’unité tant chantée dans les...