Rechercher
Rechercher

Actualités

EXPOSITION - Six artistes installés en Allemagne à l’Espace SD jusqu’au 30 mai « La ville entière » : état des lieux de la photographie dans l’espace urbain (Photo)

Les points communs de la Suisse Eva Bertram, des Allemands Zoltán Jókay, Andreas Rost, Maria Sewcz, Ulrich Wüst et de la Japonaise Tomo Yamaguchi sont de résider en Allemagne et d’en avoir photographié ses villes. Leurs travaux ont fait l’objet d’une exposition collective, « La ville entière », organisée en 2003 par l’Institut Für Auslandsbeziehungen de Stuttgart. Celle-ci est sur les cimaises de l’Espace SD jusqu’au 30 mai. Neuf tirages de différents formats constituent la magnifique thématique de « Barricades » (2002) signée Eva Bertram. Les photos en couleurs, contrecollées sur du Forex et recouvertes d’un transparent de protection contre les ultraviolets, s’articulent autour de la sécurité dans les villes des pays ultradéveloppés. Outre les barrières en métal, les grillages et autres portes automatiques, Eva Bertram montre comment les arbres, taillés d’une certaine manière, les chiens, cachant leurs têtes dans un trou, ou les hommes, le crâne couvert d’une serviette jaune, peuvent, eux aussi, exprimer, plus fortement que n’importe quel objet posé entre deux vies privées, le droit à l’anonymat, le droit de se cacher aux yeux du public. Une sorte d’envers à la téléréalité. Treize portraits en couleurs, de 40x50 cm chacun et réalisés par Zoltán Jókay, portent le titre «Devenir adulte» (2000-2002). Dans cette étude délicate, ce qui saute aux yeux, c’est que l’artiste cherche à expliquer qu’être adulte ne fait aucune référence à l’âge. Avoir 50, 60 ou 70 ans ne signifie pas automatiquement qu’on est parvenu à ce statut défini par le dictionnaire comme étant celui de « la fin de l’adolescence au commencement de la vieillesse », ni même, dans son sens figuré, de « parvenu à son plein développement » (Petit Robert). L’artiste allemand donne ici une délicate définition de l’homme face à ses responsabilités personnelles. « Disparaître », d’Andreas Rost (1998-2000), composé de douze tirages argentiques, s’intéresse à l’individu dans l’espace public. Concerts, matchs de football, salons, bref, des groupes épars ou organisés, qui s’approprient la ville (presque) sans s’en rendre compte. Des photos de reportage, où la logique de l’instantané domine, sans grande innovation esthétique – ce n’est d’ailleurs pas l’enjeu. Poésie, fardeau et espace privé Quatorze tirages oblongs (30,5x58 cm) en couleurs de Maria Sewcz, chacun composé de deux clichés collés l’un à côté de l’autre dans un esprit de continuité : c’est le beau projet de «La course des jours ». Ces «cycles », réalisés entre 1996 et 1997, puis entre 1999 et 2000, sont autant d’histoires dont seules des bribes sont livrées au regard. Ou comment suggérer le fil invisible qui lie deux clichés apparemment distants l’un de l’autre comme l’aile du papillon à un bout du monde et le déclenchement d’un volcan à son extrême opposé. Un beau travail de suggestion, où la poésie domine. «Berlin Mitte», d’Ulrich Wüst – 17 tirages argentiques réalisés entre 1995 et 1997 –, est dédié à la réflexion sur le sens de l’architecture, encore hantée, quelques années à peine après la chute du Mur, par le clivage Est-Ouest. Entre la démolition d’un hôtel, les vues d’une cathédrale ou d’un ancien poste frontière, se place tout l’antagonisme allemand, douloureux à force d’être morne. Une vraie prise de conscience, un vrai fardeau pour tout autochtone. Poignant et muet. Enfin, la Japonaise Tomo Yamaguchi, avec les sept admirables tirages couleurs, réalisés en 2002, de la série « Domicilié à Berlin », s’est littéralement invitée chez des particuliers pour y prendre des vues de leur quotidien. Salon léché, pièce outrageusement désordonnée, living-room kitsch, néo baba cool, cuisine chaleureuse : autant d’espaces privés qui font sourire, rêver ou lever un sourcil médusé. Seule caractéristique : les occupants des lieux ne figurent pas sur la photo. C’est encore mieux : la curiosité de les imaginer selon leur intérieur fait de ces œuvres un prétexte talentueux à la rêverie. « La ville entière » est un bel état des lieux de la photographie dans l’espace urbain. La fascination exercée par la cité sur l’artiste trouve ici un prétexte de qualité, et les questions inhérentes à chaque projet multiplient ce magnétisme, tantôt dense comme la vie elle-même, tantôt proche du cauchemar. À ne pas manquer. Diala GEMAYEL
Les points communs de la Suisse Eva Bertram, des Allemands Zoltán Jókay, Andreas Rost, Maria Sewcz, Ulrich Wüst et de la Japonaise Tomo Yamaguchi sont de résider en Allemagne et d’en avoir photographié ses villes. Leurs travaux ont fait l’objet d’une exposition collective, « La ville entière », organisée en 2003 par l’Institut Für Auslandsbeziehungen de Stuttgart. Celle-ci est...