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À la montagne du Mazar, la Syrie a grignoté 21 kilomètres carrés de territoire libanais Un campement militaire syrien maintenu dans quatre hameaux de Kfarkouk, non loin de Deir el-Achaer (Photo)

Ils ont attendu jusqu’au 26 avril le retrait total des troupes syriennes de tout leur village. Ils ont ensuite guetté l’arrivée de l’équipe des Nations unies chargée de la vérification du retrait syrien. En vain. Hier après midi, les habitants de Kfarkouk, localité du caza de Rachaya, située à une dizaine de kilomètres de Deir el-Achaer, préparaient des dossiers, appuyés de témoignages, pour informer dans les jours à venir les autorités libanaises et les Nations unies que « la Syrie a grignoté environ 21 kilomètres carrés du territoire libanais ». Tôt dans la matinée d’hier, des officiers de l’armée libanaise, munis de cartes, étaient arrivés sur les hauteurs du village, non loin de l’endroit où les Syriens maintiennent une immense position militaire, dans la montagne du Mazar. C’est cette montagne qui marque, que ce soit à Deir el-Achaer ou à Kfarkouk, la frontière entre le Liban et la Syrie. Et le campement syrien controversé de Deir el-Achaer n’est autre que le prolongement de celui qui se trouve à Kfarkouk. Cette position militaire syrienne avait été installée en 1986, juste après le départ des troupes israéliennes du caza de Rachaya, sur le versant libanais de la montagne du Mazar. Les Israéliens étaient arrivés au caza de Rachaya lors de l’invasion de 1982. Les habitants de Kfarkouk soulignent que le tracé des frontières existe mais qu’il n’a jamais été officialisé entre le Liban et la Syrie. Il n’y a jamais eu, par exemple, de ce côté de la montagne des barbelés ou des gardes-frontières. Et tout le village se souvient de trois pierres blanches sculptées de croix, des sortes de bornes, placées dans la montagne qui surplombe la localité pour marquer la frontière entre le Liban et la Syrie. « Notre histoire est celle des fermes de Chebaa, mais à l’envers. Ce contentieux est récent. Ici tout le monde se souvient où le Liban s’arrêtait et où la Syrie commençait », indique cheikh Nassereddine Saraya, le moukhtar de Kfarkouk, regardant de sa terrasse le mont Hermon. « Chebaa se trouve à 30 minutes en voiture de Kfarkouk. Il faut que cette affaire de frontière soit réglée une fois pour toutes », soupire-t-il. Kfarkouk est un important village de Rachaya, il compte 2 500 habitants. Seul un millier vit encore sur place, le reste a émigré depuis longtemps au Canada et au Brésil. Contrairement à un certain nombre de localités limitrophes d’Israël ou de la Syrie, au sud, au nord ou à l’est du Liban, Kfarkouk comprend des terrains municipaux à sa frontière avec le voisin syrien, cela sans compter les terrains privés appartenant à des Libanais originaires du village et utilisés uniquement pour l’agriculture et l’élevage. « Il nous fallait deux heures de marche dans la montagne pour parvenir à l’autre versant et arriver à Rakhlé, premier village syrien situé face à Kfarkouk », se souvient cheikh Nassereddine, indiquant que « la frontière se trouvait à Mankaa el-Tafaha, le Liban se trouvant au nord de ces marais et la Syrie au sud. Mais en se retirant le mois dernier, les militaires syriens ont gardé cette zone ainsi que quatre autres hameaux, Wadi Aoussaji, Hakl el-Chéti, Chaab el-Kabou, et Mazalat el-Khaizarane. Ces quatre zones appartiennent soit à la municipalité de Kfarkouk, soit aux familles Reidane, Khodr, Naïm, Abou Darhmane, Khoury, Andari et Abdel Khalek, toutes originaires du village », ajoute-t-il. Un comité pour revendiquer la libanité du territoire Avant le retrait syrien, Kfarkouk abritait un peu plus d’un millier de soldats de Damas dans sa plaine. Le campement syrien situé sur le flanc libanais de la montagne Mazar est inaccessible aux habitants, qui estiment le nombre de soldats syriens présents dans cette région à plusieurs centaines et qui soulignent que cette position comprend des camps d’entraînement ainsi que de l’artillerie de léger et de moyen calibre. Contrairement aux habitants de Deir el-Achaer, les habitants originaires de Kfarkouk n’ont pas appelé la presse au secours. Ils ont attendu l’armée libanaise qui a déjà effectué deux patrouilles sur place. Ils ont aussi attendu une déclaration du gouvernement libanais, qui n’est jamais venue, ainsi que l’arrivée de l’équipe des Nations unies chargée de la vérification du retrait, qui s’est uniquement arrêtée à Deir el-Achaer. Lundi, le moukhtar a chargé son fils, Haïdar Saraya, de suivre l’affaire. Hier, Haïdar a encore une fois été dans la montagne. Il s’est rendu auprès des plus âgés des villages et des propriétaires des terrains. Mais là aussi, un problème se pose. Tous les terrains de la localité ne disposent pas de titre de propriété. Haïdar explique : « Seuls ceux qui ont acheté des terrains possèdent des titres de propriété officiels. Ceux qui ont hérité des parcelles de terre de leurs parents ne détiennent pas ce genre de documents. Mais nous possédons dans ce cadre un cahier où nous enregistrons l’appartenance des terrains qui ont été passés de père en fils, au fil des ans. Les documents existent. » Haïdar est en train de recueillir les témoignages des personnes âgées du village. Beaucoup de bergers et d’agriculteurs de Kfarkouk se souviennent s’être disputés des dizaines et des dizaines de fois avec leurs confrères syriens, qui venaient du côté libanais à Mankaa el-Tafaha, afin d’utiliser l’eau pour le breuvage des animaux et l’arrosage des céréales. Plus encore. Ces personnes âgées se rappellent qu’une route menant de Kfarkouk à Deir el-Achaer, franchissant le versant libanais de la montagne Mazar, avait été construite en 1948 par les autorités libanaises. Depuis l’installation du campement des soldats syriens en 1986, l’accès à cette route est bloqué. Et c’est un chemin étroit presque impraticable, tracé en 1968, qui relie actuellement les deux localités. « Cette affaire est très importante. Si le territoire n’était pas initialement libanais, la route sur le flanc de la montagne n’aurait jamais pu être construite en 1948 », souligne Haïdar. Dans les prochains jours, les habitants de Kfarkouk auront entièrement préparé leur dossier. Ils savent déjà que les Syriens ont grignoté exactement 2 800 mètres en profondeur et 7 600 mètres en largeur dans leur village, situé entièrement en territoire libanais. Ils formeront un comité pour revendiquer auprès du gouvernement libanais et des Nations unies à Beyrouth les terrains libanais d’où les troupes de Damas ne se sont pas encore retirées. Il y a une dizaine de jours, le même problème s’est posé à Deir el-Achaer. Maintenant les habitants de ce village menacent de porter plainte contre le gouvernement libanais qui n’a pas voulu écouter leurs revendications... Patricia KHODER
Ils ont attendu jusqu’au 26 avril le retrait total des troupes syriennes de tout leur village. Ils ont ensuite guetté l’arrivée de l’équipe des Nations unies chargée de la vérification du retrait syrien. En vain. Hier après midi, les habitants de Kfarkouk, localité du caza de Rachaya, située à une dizaine de kilomètres de Deir el-Achaer, préparaient des dossiers, appuyés de...