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interview - Le nouveau ministre de l’Information croit à la persuasion et non à la coercition Charles Rizk : « J’ai établi un code de bonne conduite pour la période électorale, mais je ne l’appliquerai pas de force » (Photo)

Le Dr Charles Rizk est un homme pressé. Il parle par rafales, montrant à son interlocuteur qu’il a mille choses bien plus intéressantes (à ses yeux) à faire que de parler de lui-même. Pourtant, ce qu’il a à dire mérite réflexion, surtout venant d’un ministre de l’Information, censé défendre les médias publics et le principe d’une information officielle. Mais Charles Rizk n’est pas un ministre comme les autres. On peut même dire qu’il n’est pas un homme comme les autres, disant ce qu’il pense, sans la moindre fioriture, avec une liberté de ton rare au sein de la classe politique. Mais justement, Charles Rizk, qui a été sous le général Fouad Chéhab le plus jeune directeur général de l’Administration libanaise, ne veut pas faire partie de la classe politique libanaise. Intellectuel, représentant du chef de l’État au sein du Conseil de la francophonie, il a des idées bien arrêtées sur l’information, misant clairement sur le secteur privé et optant pour la persuasion, au lieu de la coercition. Il l’a nettement dit à L’Orient-Le Jour, ce n’est pas lui qui demandera l’application de l’article 68 de la loi électorale contre un média privé, quel qu’il soit, en période électorale. Or cet article – qui figure dans la loi électorale de 2000 sur base de laquelle se dérouleront les législatives de 2005 – avait été utilisé par la justice pour obtenir la fermeture de la chaîne MTV. Bien entendu, le ministre de l’Information n’est pas seul à décider dans ce genre de situation. Mais Charles Rizk ne fera rien dans ce sens. Installé depuis près de deux semaines au ministère qu’il préfère appeler de la Communication (parce que dire l’Information, selon lui, est dépassé dans le monde d’aujourd’hui), il est très heureux de s’être réuni avec les PDG des chaînes de télévision locales, en vue de préparer les élections. « Je ne crois pas à la méthode autoritaire avec le secteur privé, je préfère une approche consensuelle. Nous avons ainsi formé une commission officieuse qui doit se réunir une fois par semaine. Cette commission a pour mission d’établir une sorte de code de bonne conduite des télévisions en période de campagne électorale. Il s’agit notamment d’accorder un temps d’antenne égal aux différentes parties en campagne et d’éviter de faire de la polémique confessionnelle. Pour le suivi de cette démarche, j’ai mobilisé une partie des fonctionnaires du ministère, qui sont chargés de faire le monitoring des chaînes de télé et de signaler le non-respect de ce code de bonne conduite. Mais je compte aussi beaucoup sur les médias eux-mêmes, qui se surveillent en quelque sorte les uns les autres. » Le ministre est satisfait de la réponse des PDG des chaînes. « Je pense que la persuasion est une bien meilleure méthode que la force. À mon avis, moins on est brutal, plus on est efficace. Les PDG des chaînes ont aussi un sens national suffisant pour veiller à la ligne éditoriale de leur chaîne et pour appliquer volontairement le code de bonne conduite. De toute façon, si cela ne marche pas avec eux, cela ne marche pas non plus par la force. » « Être ministre, ce n’est pas une carrière » Charles Rizk affirme avoir accepté le portefeuille ministériel car la vie de ce gouvernement est en principe courte. « Être ministre, dit-il, ce n’est pas une carrière. Je pense seulement que dans cette période, je peux être utile. D’autant qu’il y a au gouvernement des personnalités très compétentes. C’est vrai qu’il n’y a pas de personnalités politiques dans ce gouvernement, mais il est très politique. Le pays traverse une période de transition pendant laquelle, après des années de fermeture sur une partie de lui-même et de la région, il est en train de s’ouvrir. De plus, le gouvernement doit organiser des élections législatives décentes. Je trouve tout cela très intéressant. » Charles Rizk est un ami personnel du président Émile Lahoud. « Depuis l’enfance, précise-t-il. Mais ce n’est pas pour cela que je suis devenu ministre. J’étais aussi très proche du président Élias Sarkis. On disait aussi que Fouad Chéhab était mon père spirituel. Mais mon amitié avec le président Lahoud me permet d’être très libre avec lui. » Mais n’a-t-il pas été choisi au portefeuille de l’Information pour améliorer l’image du président dans les médias ? « Il ne faut pas compter sur moi pour museler la presse ou exercer un pouvoir de coercition. De plus, si cela ne tenait qu’à moi, j’aurais éliminé le ministère de l’Information. J’ai la chance de prendre en charge ce portefeuille à un moment où les médias publics sont au plus bas. La radio officielle n’émet pas, la télé publique a une audience limitée. Je suis donc plus libre face à l’information privée avec laquelle je n’ai d’autre choix que de travailler. Évidemment, j’aimerais qu’un jour les médias publics cessent aussi de coûter de l’argent au contribuable. Mais en attendant, je considère que c’est un avantage pour moi de ne pas avoir de média officiel. » L’Ani fonctionne pourtant ? « C’est même le seul département de mon ministère qui fonctionne. La plupart des informations qui paraissent dans la presse proviennent de l’Ani. Je n’interviens pas dans ce département et je laisse ceux qui y travaillent traiter les informations en journalistes. De plus, j’apprécie que les médias privés les modifient selon leurs lignes éditoriales. Car ce n’est quand même pas la Pravda ! » Libéral, respectueux de la liberté d’expression, Charles Rizk se veut un ministre de l’Information, pardon : de la Communication, différent de ses prédécesseurs. « Les médias doivent lutter contre les tentations perverses. Mais je préfère qu’ils le fassent spontanément. » Ne compte-t-il pas activer le Conseil national de l’audiovisuel ? « Il est actuellement paralysé par des considérations confessionnelles dans lesquelles je ne veux pas entrer. Et j’ai suppléé par la commission officieuse regroupant les PDG des chaînes de télévision locales. » Dans un pays en pleine période transitoire, où la mobilisation se fait de plus en plus autour des confessions, l’État ne devrait-il pas être doté de médias puissants et efficaces ? « Le Liban est une société libérale par définition, à cause même de sa diversité. Les communautés existent. Elles ont même des structures et des institutions. À mon avis, on ne supprime pas le confessionnalisme, on le transcende. Il est une donnée fondamentale de notre société, mais il ne doit pas être la seule. Le mieux est donc, à mes yeux, de respecter les données confessionnelles tout en engageant le pays dans la modernité. Et si je peux faire de mon passage au ministère un moment de libéralisme et d’approche consensuelle, je serai un homme heureux... » Scarlett HADDAD
Le Dr Charles Rizk est un homme pressé. Il parle par rafales, montrant à son interlocuteur qu’il a mille choses bien plus intéressantes (à ses yeux) à faire que de parler de lui-même. Pourtant, ce qu’il a à dire mérite réflexion, surtout venant d’un ministre de l’Information, censé défendre les médias publics et le principe d’une information officielle. Mais Charles Rizk...