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Actualités - OPINION

Perspectives - Les attaques de Joumblatt contre Aoun incompatibles avec sa volonté affichée de renouveau Le CPL et les Forces libanaises, passage obligé de toute entreprise de salut national

Le nouveau ministre de l’Environnement, Tarek Mitri, soulignait hier matin, dans une interview accordée à la Voix du Liban, l’importance d’aboutir à une « réconciliation entre le citoyen et l’État ». Il a effectivement mis à cet égard le doigt sur la plaie, mais il aurait peut-être dû ajouter qu’il faudrait aussi que les Libanais se réconcilient avec leur classe politique. Ou plutôt, de préférence, qu’ils la remettent en question en s’engageant sur la voie d’un changement, fût-il partiel. Qui peut en effet avoir encore confiance en cette classe politique, et qui pourrait encore avoir un quelconque respect pour les institutions de l’État, lorsque le chef du Législatif exploite sa fonction de président de la Chambre pour se comporter en simple chef de faction communautaire ? En levant cavalièrement, et sans crier gare, la séance plénière de samedi dernier, place de l’Étoile, sans tenir le moindre compte de la position d’un large courant parlementaire qui réclamait l’ouverture d’une session législative, Nabih Berry a apporté la preuve (si tant est que cela était nécessaire) que pour lui, la présidence du Parlement n’est qu’un simple moyen de sauvegarder le clientélisme et les intérêts étroits du mouvement Amal. Nabih Berry réduit ainsi tout le système parlementaire, tout le fonctionnement du Législatif à son unique personne, à ses propres calculs politiciens et sectaires. Mais le leader d’Amal est-il réellement le seul responsable de la mascarade caractérisée à laquelle nous avons assisté lors de la séance plénière de samedi ? Il est permis d’en douter, à en juger par l’attitude adoptée par Walid Joumblatt et son bloc parlementaire. La séance en question devait en effet être consacrée principalement à l’examen du bien-fondé de la loi électorale de l’an 2000 en base de laquelle devraient se dérouler les prochaines élections législatives. Or, d’entrée de jeu, les députés joumblattistes, appuyés en cela par certains membres du groupe haririen, ont focalisé l’ensemble de leurs interventions sur des attaques tous azimuts (apparemment coordonnées) contre le président de la République. Du coup, le sujet central du débat – la loi électorale – a été occulté, sciemment marginalisé. Une manœuvre de diversion parfaite complétée par l’attitude de Nabih Berry qui s’est empressé de lever la séance dans la confusion générale, après avoir fait adopter à la va-vite une motion « rejetant » la lettre du président de la République réclamant un réexamen de la loi électorale. Cette habile manœuvre de diversion n’avait-elle pas pour but de torpiller le vote sur cet éternel sujet de discorde ? Car si un tel vote avait eu lieu, le bloc joumblattiste aurait été contraint d’appuyer l’option du caza puisqu’il s’était engagé publiquement – et par écrit – à avaliser un tel découpage électoral. Or le chef du PSP a explicitement reconnu samedi qu’il n’était pas favorable à ce découpage. Le meilleur moyen d’éviter de se prononcer sur cette option était donc, manifestement, de court-circuiter le vote. L’attitude de Walid Joumblatt s’explique sans doute par le fait que, les mêmes causes provoquant les mêmes effets, un retour à la loi de l’an 2000 ne peut aboutir – en théorie, du moins – qu’à un nouveau Parlement ayant une physionomie semblable à celle de la Chambre sortante, à savoir : la présence dans l’hémicycle de quatre grands blocs parlementaires (Amal, le Hezbollah, le bloc joumblattiste et le bloc Hariri) qui monopoliseraient pratiquement le partage effectif du pouvoir. Prenant la parole hier devant des délégations populaires, Joumblatt a émis l’espoir que le prochain scrutin débouchera sur un renouveau de la classe politique, et donc des pratiques politiques dans le pays. Comment peut-il concilier cette apparente volonté de changement exprimée hier avec sa propension évidente à redonner vie, avec quelques retouches, au Parlement de la loi 2000 ? Comment peut-il lancer cet appel au renouveau alors que, pas plus tard que samedi, il évoquait avec un déplorable mépris et dédain le retour du général Michel Aoun, qu’il qualifiait de « tsunami » politique ? N’est-ce pas ce même « tsunami » qui a constitué l’un des principaux acteurs de l’intifada de l’indépendance et de l’historique rassemblement du 14 mars que Walid Joumblatt évoquait, il n’y a pas longtemps, comme exemple de renouveau, en termes de participation des jeunes à la vie publique ? Alors que le Liban rentre de plein pied dans une nouvelle phase de son histoire, une réalité s’impose plus que jamais : si l’on désire véritablement – comme l’affirme le chef du PSP lui-même – engager le pays sur la voie de la réconciliation nationale réelle, du dialogue en profondeur afin de régler les problèmes litigieux, et mettre en place un système politique stable, équilibré, reflétant les spécificités du pluralisme libanais, il est impératif de veiller à ne pas marginaliser l’une quelconque des composantes sociocommunautaires du pays. Et dans le contexte présent, cette entreprise de sauvetage national ne saurait être envisagée sans une participation active des deux grandes formations qui possèdent une capacité de mobilisation indéniable et qui font aujourd’hui un retour remarqué sur l’échiquier local : le Courant patriotique libre et les Forces libanaises. L’opération de « réconciliation entre le citoyen et l’État » préconisée hier par le ministre Tarek Mitri passe obligatoirement, entre autres, par l’élimination de tous les sentiments de frustration politique. Elle nécessite que toutes les fractions, tous les grands courants d’opinion puissent avoir la réelle opportunité de faire entendre leur voix au sein des institutions constitutionnelles. La loi 2000, à l’évidence, ne permet pas d’atteindre cet objectif. Il reste toutefois possible de remédier à cette grave lacune par un jeu adéquat d’alliances à l’échelle de toutes les circonscriptions du pays. Telle est, au stade actuel, la responsabilité historique et nationale que se doivent d’assumer impérativement les ténors de l’opposition plurielle afin de ne pas trahir tous les espoirs nés en ce fameux 14 mars 2005. Michel TOUMA
Le nouveau ministre de l’Environnement, Tarek Mitri, soulignait hier matin, dans une interview accordée à la Voix du Liban, l’importance d’aboutir à une « réconciliation entre le citoyen et l’État ». Il a effectivement mis à cet égard le doigt sur la plaie, mais il aurait peut-être dû ajouter qu’il faudrait aussi que les Libanais se réconcilient avec leur classe politique....