Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Colloque - Psychanalyse dans le monde arabe et islamique La vérité peut également guérir un peuple

En quoi la richesse de la langue arabe et les formations de l’inconscient qu’elle génère permettent-elles de favoriser l’émergence de la psychanalyse dans la culture arabe ? En quoi la philosophie interroge-t-elle les refoulements qui peuvent naître de la religion comme telle ? Quels types de discours d’autorité et de liberté peut-on repérer dans les cultures arabe et islamique ? Ou encore, quels espoirs peut-on fonder sur le mouvement arabe et islamique de libération des femmes ? Le colloque intitulé « La psychanalyse dans le monde arabe et islamique » réunit du 6 au 8 mai, au palais de l’Unesco, philosophes, psychiatres, psychanalystes, ethnologues, politologues et journalistes libanais et étrangers pour débattre de ces sujets et apporter des éléments de réponse à de multiples questions. L’événement est organisé par Chawki Azoury, président de la société libanaise de psychanalyse, et Élisabeth Roudinesco, grande historienne de psychanalyse, directrice de recherche au département d’histoire de l’Université Paris 7 et auteur de plusieurs ouvrages, avec le soutien du ministère français des Affaires étrangères, de la Mission culturelle de l’ambassade de France, de l’Alternative des associations de psychiatrie (ALFAPSY) et des quotidiens an-Nahar et L’Orient-Le Jour. Ont pris la parole à la séance inaugurale l’ambassadeur Bernard Émié, M. Ghassan Tuéni, le RP Jean Ducruet, Chawki Azouri et Mme Élisabeth Roudinesco, qui a mis l’accent sur la démocratie, « déterminant majeur » pour l’implantation de la psychanalyse dans un pays. Mieux encore, pour Chawki Azouri, « la psychanalyse est une leçon de démocratie » puisqu’elle permet de « dire tout ce qui vous passe par la tête » et d’« accéder à la vérité ». Or, si la vérité guérit un sujet, « elle peut également guérir un peuple », a dit en substance le psychanalyste, soulignant, dans ce cadre, l’importance du rapport Fitzgerald et de la commission d’enquête internationale qui permettront de clore un chapitre douloureux en levant le voile sur l’assassinat de Rafic Hariri. De même, à l’instar du psychanalyste qui remplit sa fonction avant de disparaître et de devenir « désêtre », c’est-à-dire « réduit au rang d’un signifiant quelconque », les hommes politiques devraient aussi accepter l’affranchissement du peuple et renoncer à son allégeance. Car, contrairement à ce que pensent les régimes totalitaires, militaires, intégristes ou néoconservateurs, « la psychanalyse n’est pas une anarchie. Si elle permet au sujet de se libérer de son allégeance au maître, elle ne le pousse à aucun déni ou rejet de sa dette vis-à-vis de l’autre », a ajouté Azouri, avant de conclure sur une phrase de Nietzsche : « On ne rend jamais son dû à un maître quand on en reste toujours et seulement l’élève. » Se collant toujours à l’actualité, le rédacteur en chef du quotidien an Nahar, Ghassan Tuéni, a fait observer que le Liban a été souvent décrit comme « malade de la guerre » et qu’il a fallu le cataclysme du 14 février pour que le pays se décide à suivre « par chocs successifs le processus de guérison (...) que certains seraient tentés de décrire comme une véritable thérapie de groupe, une volonté collective de sortir de la léthargie hypnotique dans laquelle le Liban était plongé depuis près d’un demi-siècle ». Mais selon l’ancien ambassadeur du Liban auprès de l’Onu, la guérison totale n’interviendra que lorsque les événements seront interprétés à « l’aune de l’expérience et de la maturité acquise par un devoir de mémoire (...). Les leçons apprises et les réflexions futures doivent toutes rester, comme en veilleuse dans notre mémoire collective pour que plus jamais cela ne se reproduise ». Ghassan Tuéni a également soulevé une série de questions relatives au développement d’une modernité arabe « où les chrétiens d’Orient retrouveront leur destin », et au dialogue entre islam et chrétienté, qui tout en partageant une même culture (arabe) et les mêmes racines « trouvent encore des difficultés à accepter l’autre, à s’associer à lui sans considérer l’altérité comme une forme d’agression ». Prenant à son tour la parole, le RP Jean Ducruet, recteur émérite de l’Université Saint-Joseph et vice-président du Comité national libanais d’éthique, a évoqué les considérations existantes entre l’Église et la psychanalyse, signalant à titre d’exemple que, dans les années 60, Dom Grégoire Lemercier, prieur d’un monastère bénédictin au Mexique, avait engagé les moines de son couvent qui souffraient de blessures ou de déviations psychologiques à entrer librement en psychanalyse après s’y être soumis lui-même. Le père Ducruet a aussi rappelé qu’en 1953, le pape Pie XII avait déclaré à un groupe de psychothérapeutes qu’il recevait: « Votre activité peut enregistrer de précieux résultats pour la médecine, pour la connaissance de l’âme en général, pour les dispositions religieuses de l’homme et leur épanouissement. » Soulignant pour sa part la contribution française au corpus psychanalytique, particulièrement grâce à l’œuvre de Jacques Lacan, l’ambassadeur Bernard Émié a mis l’accent sur la vocation de son pays à promouvoir à l’étranger « les développements contemporains de la pensée française, dans le cadre du dialogue des civilisations ». Planchant toutefois dans une réflexion sur l’utilisation de la psychanalyse pour obtenir une guérison plus sûre, l’ambassadeur de France s’est demandé quelle voix faut-il emprunter si nous transposons cette question au cas du patient libanais ? La communauté internationale ne prétend pas avoir la réponse. « C’est au peuple libanais et à leurs dirigeants d’en débattre et de trouver les solutions (...). Nous savons que le progrès est possible, nous voyons bien, pour reprendre les leçons d’Ernest Renan, que si une nation est une âme, une nation est aussi une solidarité qui suppose trois éléments rassemblés : le désir pleinement exprimé de vivre ensemble, la volonté de définir un projet commun d’avenir et, enfin, une capacité à intégrer son passé tout en sachant en oublier certaines pages », a conclu M. Émié. May MAKAREM

En quoi la richesse de la langue arabe et les formations de l’inconscient qu’elle génère permettent-elles de favoriser l’émergence de la psychanalyse dans la culture arabe ? En quoi la philosophie interroge-t-elle les refoulements qui peuvent naître de la religion comme telle ? Quels types de discours d’autorité et de liberté peut-on repérer dans les cultures arabe et islamique ?...