Rechercher
Rechercher

Actualités

Une foule incrédule et en liesse accueille enfin son général Une émotion jusqu’aux larmes, après 15 ans d’attente(photos)

Des femmes émues jusqu’aux larmes. Des hommes incrédules qui sanglotaient de joie, eux aussi, pour la seconde fois seulement, après avoir pleuré leur tristesse le 13 octobre 1990, jour de la chute du général Aoun. Et puis une foule de partisans en liesse, une véritable marée orange, revêtue des couleurs du CPL et arborant des drapeaux libanais, qui ont hurlé leur bonheur, d’une seule voix, pour souhaiter la bienvenue à leur leader tant attendu, de retour d’exil après 15 ans d’absence. Combien étaient-ils ? Selon les organisateurs, 300 000 à 400 000 personnes, venues de toutes les régions du Liban, de Beyrouth ou du Akkar, de Hasbaya ou de Miziara, de Haret Hreik ou de Chebaa, avaient envahi la place des Martyrs, mais aussi les toits des immeubles, la statue des Martyrs et les grillages du terrain de sport avoisinant. Dont certains étaient postés là depuis l’aube, pour ne rien rater de l’événement. Sur un fond de chants patriotiques, de dabkés traditionnelles et de slogans aounistes. Hier, c’était jour de fête dans tout le périmètre de la place des Martyrs, et dans toutes les artères de la capitale qui y aboutissaient. Jour de fête pour une importante tranche de la rue chrétienne, certes, partisane de Michel Aoun, mais aussi pour un millier de notables druzes de Hasbaya, dont l’émir Fayçal Arslane, pour de nombreux mahométans qui n’ont pas hésité à se déplacer en famille, et pour les jeunes des Forces libanaises, qui portaient fièrement leur drapeau, accueillant avec espoir celui qui fut leur ancien ennemi. Les routes menant au centre-ville de Beyrouth regorgeaient de voitures et de bus portant les photos de Michel Aoun, arborant drapeaux libanais et du CPL, et diffusant des chants patriotiques. Partout, on entendait la même musique rythmée des klaxons, en cadence, ce célèbre « taratatata... général ! » qui avait été interdit après la chute de Michel Aoun. Alors que l’accès à la place des Martyrs était carrément bloqué, forçant les manifestants à joindre à pied les lieux du meeting. Solidarité des FL L’attente, c’est aux terrasses des cafés du centre-ville adjacents à la municipalité de Beyrouth que nombre de manifestants, arborant casquettes, foulards, cravates, ceintures et tee-shirts orange, ou drapeaux des Forces libanaises, se sont efforcés de la tuer, dans une ambiance bon enfant, au son des chants patriotiques. Jeunes et moins jeunes sifflaient, chantaient, applaudissaient, criant « général » en chœur, à tout bout de champ, tout en sirotant un café, en fumant un narguilé ou en prenant une collation sur le pouce, avant de s’en aller grossir les rangs d’une foule surexcitée. Une attente longue, dans la bonne humeur certes, dans l’incrédulité parfois et si pleine d’impatience. « Je n’arrive toujours pas à réaliser que Michel Aoun sera là dans moins d’une heure », observe une jeune femme, attablée devant un coca. À quel parti appartient-elle ? « Je suis simplement libanaise et heureuse de vivre ce moment », précise-t-elle. À la même table, une autre jeune femme espère aussi que la libération de Geagea sera proche. Attablés non loin de là, un groupe de jeunes des FL arborent fièrement le drapeau de leur parti. « Nous sommes aujourd’hui solidaires des aounistes, indique Tony Chamoun. Nous attendons aussi d’eux qu’ils se solidarisent avec nous pour la libération de Samir Geagea. » Et son camarade, Alain Rizk, d’ajouter : « Notre vœu le plus cher est que les deux partis et plus précisément les deux leaders s’entendent. » Au fur et à mesure que l’heure passait, la foule se faisait plus dense. Chacun voulait se rapprocher le plus possible de l’estrade qui devait accueillir le général Michel Aoun, déjà occupée par l’orchestre de Abdo Fakhr, qui s’efforçait de faire patienter la marée orange piaffant d’impatience. Mais des barrières empêchaient la foule de s’approcher à moins d’une centaine de mètres de la tribune. Sécurité oblige. Au premier rang, tenant bien haut calicots et slogans, les manifestants étaient serrés comme des sardines, malmenés par une foule indisciplinée. De nombreux cas d’évanouissement ont même dû être évacués par la Croix-Rouge libanaise. Fort heureusement, les enfants avaient été installés par terre, devant la barrière. La tête protégée par des écharpes aux couleurs du CPL, ils dégustaient tranquillement des fruits, tout en scandant en chœur, avec leurs parents, des slogans patriotiques. Quant aux handicapés, et aux familles des détenus libanais en Syrie, c’est aux premières lignes qu’ils ont été installés, pour leur éviter souffrances et bousculades. Il en était de même pour certains partisans du général, de retour eux aussi d’exil, des États-Unis, de France, d’Australie même, dont un grand nombre avait fait le déplacement, rien que pour vivre ces moments de bonheur en direct, notamment Joseph Hitti, Ziad el-Khoury, Cyrine Nehmé, ainsi que les anciens combattants de Dany Chamoun et bien d’autres. Embrassades et congratulations Et puis, à l’annonce de l’arrivée du général Aoun à l’aéroport de Beyrouth, aux alentours de 17 heures, ce fut le délire. La foule, dont les cris étaient ponctués de sifflets ou de coups de tambours, ne retenait plus son impatience, malgré la voix de velours de Wadih es-Safi qui, du haut de l’estrade, entonnait un des célèbres refrains libanais, « Tallou Hbabna ». Les hommes de la sécurité étaient aux abois, se démenant pour empêcher les resquilleurs d’enjamber les barrières. Sur le coup de 18 heures, après l’arrivée de plusieurs personnalités de Kornet Chehwane, notamment Gebrane Tuéni, Gabriel Murr, Élie Karamé, Chakib Cortbawi et Farid el-Khazen, Michel Aoun a finalement fait son apparition, sous les « général ! » d’une foule en délire et les « Ahlan wa sahlan » de Wadih es-Safi et de nombreux chanteurs présents pour la circonstance, alors que des colombes blanches étaient lâchées. Avant de gagner la tribune, le général Aoun s’est recueilli devant la tombe de Rafic Hariri, déposant une gerbe de fleurs sur le mausolée. Les jeunes hurlaient, sautaient de joie, les gens s’embrassaient, se congratulaient, pleuraient même, sans retenue. « De bonheur, disaient-ils, après avoir tant pleuré de tristesse. » Et puis se sont dépêchés de se dresser sur la pointe des pieds pour voir leur général, debout derrière une large vitre blindée. Même les jeunes militants, chargés de la sécurité, ne pouvaient se retenir de pleurer, desserrant, l’espace d’un instant, l’étau pour exprimer leur bonheur. « J’ai eu la chair de poule. Je n’en crois pas mes yeux. Il est bel et bien rentré au pays. Les choses vont enfin changer », lançait un jeune militant membre de la sécurité, vêtu d’un tee-shirt rouge, à l’instar de ses compagnons. La traditionnelle minute de silence passée, c’est une foule émue et recueillie qui a entonné avec ferveur l’hymne national, le bras levé en signe de victoire. Et puis, les premières paroles du général tant attendues : « Grand peuple du Liban... Grand peuple du Liban », saluées d’applaudissements à tout rompre d’un peuple fier d’être désormais libre. Paroles ponctuées de hurlements et de « général ». Et puis ce discours, dont les premières phrases, déjà prononcées à Baabda par le général avant son exil, étaient récitées simultanément par les militants et les partisans, qui les connaissaient par cœur. Un discours qui, ce jour-là, prenait la forme d’une véritable profession de foi : « C’est une fierté pour le Liban et une gloire pour le peuple libanais qu’un général en treillis se dresse pour proclamer devant le monde que toute existence dépourvue de liberté est une forme d’anéantissement, alors que le monde entier craint les militaires... » et qui a rendu à la rue chrétienne ainsi qu’à ses sympathisants mahométans et druzes un de ses chefs les plus attendus. Michel Aoun s’est rapidement retiré à la fin de son discours, laissant la place à la fête qui s’est prolongée durant toute la soirée. Les Libanais ont vécu hier un grand moment de bonheur. Mais ils sont conscients que ce moment espéré depuis 15 ans n’est que le début d’un long chemin ardu et semé d’embûches vers la réconciliation nationale. Anne-Marie EL-HAGE À l’AIB, Aoun affirme qu’il ne rencontrera pas Lahoud Le général Michel Aoun a annoncé hier qu’il ne cherchera pas à rencontrer le président Lahoud. « Le président de la République symbolise l’État qui m’a persécuté quinze années durant. Et si je pardonne, aujourd’hui, à cet État, je n’ai pas à le remercier », a déclaré l’ancien commandant en chef de l’armée, au cours d’une brève conférence de presse tenue, dans une ambiance crispée et un brouhaha indescriptible, au salon d’honneur de l’AIB. Le général Aoun a également laissé pointer sa déception de n’avoir pas été accueilli par un représentant du patriarche maronite. « Je reviens au terme de quinze années d’exil. Je rendrais visite à ceux qui auront accompli leur devoir en m’accueillant », a-t-il déclaré. Par contre, le général Aoun a affirmé qu’il souhaite rencontrer, au moment opportun, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. Répondant à Walid Joumblatt, qui l’avait comparé à un « tsunami », le général Aoun a affirmé : « Vous les journalistes et le peuple libanais savez qui a fait son profit de quinze ans de régime sécuritaire et qui a résisté jusqu’à la libération. Que tout le monde se souvienne que c’est la résolution 1559 qui a aidé à la libération du Liban, même avant la prorogation du mandat du président Lahoud. « Le sang du président Hariri a accéléré le processus de libération du Liban, mais le processus de libération était enclenché, a-t-il encore dit. Le président Hariri agissait dans cette direction et il est possible qu’il ait été tué pour cette raison même, mais le processus de libération a commencé en 2003 » ( sous-entendu, avec le Syria Accountability Act). Le général Aoun a précisé avoir présenté à l’AIB son passeport d’ancien Premier ministre, qu’il a renouvelé tout au long de son séjour en France. « C’est aujourd’hui un jour de liesse, avait-il commencé par dire. Reconstruisons le Liban, je souhaite que tous les Libanais aient aujourd’hui ce sentiment, loin des calculs étroits et des petites intrigues électorales. » Arrestation de trois personnes lors des festivités Lors des festivités qui se déroulaient au centre-ville, trois hommes ont été arrêtés. Selon des sources policières, un homme, portant un revolver, a été arrêté à Gemmayzé, deux autres arborant des vestes qui ressemblent à des tenues militaires ont été arrêtés non loin de la sépulture de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri. Des sources aounistes ont donné une autre version des choses. Elles ont indiqué que des jeunes hommes du CPL qui assuraient la sécurité non loin de la mosquée Mohammed el-Amine ont remis aux forces de l’ordre trois individus, l’un deux avait un revolver et deux autres portaient des uniformes de l’armée alors qu’ils n’étaient pas des soldats. Selon certains médias, notamment la VDL, l’armée libanaise a arrêté trois personnes qui ont planifié l’assassinat du général Aoun. Ces trois individus ont été arrêtés place des Martyrs, alors que l’un d’eux, Mohammed Jammal, s’apprêtait à tirer sur le général Aoun. Mohammed Rifaï et Chadi Jastoun accompagnaient Mohammed Jammal, a rapporté la VDL.

Des femmes émues jusqu’aux larmes. Des hommes incrédules qui sanglotaient de joie, eux aussi, pour la seconde fois seulement, après avoir pleuré leur tristesse le 13 octobre 1990, jour de la chute du général Aoun. Et puis une foule de partisans en liesse, une véritable marée orange, revêtue des couleurs du CPL et arborant des drapeaux libanais, qui ont hurlé leur bonheur, d’une...