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Actualités - CHRONOLOGIE

Le Parlement renvoie la lettre d’Émile Lahoud à son expéditeur (photo)

La séance parlementaire exceptionnelle d’hier a été consacrée à la lecture et à l’examen de la lettre adressée par le chef de l’État à la Chambre afin qu’elle adopte une loi électorale saine et représentative. Le fiasco, évidemment, a été total, aussi absolu que le camouflet infligé par les députés à Émile Lahoud : sa lettre lui a été renvoyée. La lettre présidentielle et l’article 145 du règlement intérieur de la Chambre ont été lus par le greffier vers 10h45, et puis une kyrielle de députés se sont exprimés jusqu’à 14h15 environ. La très grosse majorité d’entre eux a critiqué le timing de cette missive et tiré à boulets rouges sur Émile Lahoud en le disqualifiant totalement, tout en réclamant l’ouverture immédiate d’une réunion législative chargée de débattre et d’adopter une nouvelle loi électorale, et ce, quelle que soit la position de la Chambre concernant la lettre du locataire de Baabda. Nicolas Fattouche s’est demandé autour de quoi le Parlement pouvait bien débattre maintenant que le corps électoral a été convoqué. « Cette lettre est inconsistante, il n’y a rien à examiner, que l’on débatte plutôt de sujets importants », a-t-il dit. Issam Farès le contredit instantanément et rappelle que la lettre a été envoyée avant la convocation des collèges, qui s’est faite, a-t-il souligné, « sur base de la loi en vigueur et ses amendements ». Boutros Harb a assuré à son tour qu’il est « encore temps pour un débat sérieux, et si le Parlement occulte cela, il aura à assumer une responsabilité » énorme. « Nous sommes aux portes d’une nouvelle République, et cette loi 2000 n’assure pas une bonne représentativité, elle sape les principes démocratiques, elle générera un pouvoir au détriment de la volonté populaire », a-t-il ajouté, demandant à Nabih Berry de s’arrêter sur le fond de la lettre présidentielle, « malgré les exactions (du chef de l’État) qui contredisent ce fond », et de transformer cette séance de débat en une réunion législative de facto, afin d’aboutir à une loi électorale qui assure la réconciliation nationale et génère un hémicycle en harmonie avec la volonté du peuple. C’est ce moment que choisit le député Hezbollahi de Baabda Ali Ammar pour s’en prendre avec une véhémence aiguë à Boutros Harb, malgré les interdictions répétées et tout aussi virulentes que lui a assénées Nabih Berry. « C’est une chose à propos de laquelle on ne peut pas se taire : un jour on aime le chef de l’État, et l’autre on l’insulte ; et puis il y a le principe de séparation des pouvoirs... », a dit le député de Baabda, applaudi par Ghenwa Jalloul, avant de sortir « fumer une cigarette ». Le recours en invalidation contre une nouvelle loi ? Farès Boueiz a exprimé des réserves sur le timing de la lettre, mais a estimé qu’il fallait que ce Parlement finisse son mandat autrement, en adoptant une loi qui ne soit pas « douloureuse ». Idem pour Mikhaïl Daher qui a exhorté Nabih Berry de faire en sorte que la Chambre adopte une nouvelle loi électorale. Quant à Marwan Hamadé, il s’est déchaîné contre Émile Lahoud, l’accusant de multiplier ses leçons de démocratie alors qu’il ne cherche qu’à bloquer le processus électoral, l’accusant également d’être celui qui a mené le Liban à l’instabilité qui le secoue en protégeant des services qui ont corrompu le pays jusqu’à la moelle. « Cette lettre ne m’étonne pas, elle est catégoriquement inadmissible, et le Parlement doit assumer des responsabilités historiques en votant la loi d’amnistie générale ainsi qu’une loi électorale saine et représentative », a-t-il affirmé, interrompu par Nicolas Fattouche qui a relevé que le courrier adressé par le chef de l’État est une lettre « sous-marine ». Même salve de critiques de la part de Bassem Sabeh : « Comme si Émile Lahoud venait de remarquer, après sept ans, qu’il est le chef de l’État. Pourquoi n’a-t-il pas adressé cette lettre au gouvernement Karamé ? Ou il y a une semaine ? C’est comme s’il voulait balancer une boule de feu au visage de ses alliés politiques au Parlement. Il a voulu créer une crise nationale et confessionnelle dans le pays, et il veut recourir à la Constitution alors que c’est lui qui l’a le plus violée, depuis qu’il était commandant en chef de l’armée », a martelé le député de Baabda. Se demandant également, alors qu’Émile Émile Lahoud multipliait visiblement les SMS, comment il était possible d’en finir avec un système sécuritaire alors que la tête de ce système est toujours au pouvoir, souhaitant l’adoption de la loi d’amnistie et d’une nouvelle loi électorale. Nassib Lahoud a demandé à son tour une réunion législative, parce que le timing de la lettre « nous impose une réponse adéquate ». Il a proposé la loi de 1960 ainsi que l’adoption de la loi d’amnistie. Jean Obeid a comparé cette lettre à « une analyse de journaliste faite au dernier moment », se demandant pourquoi Émile Lahoud, en 2000, n’avait pas renvoyé cette loi « puisqu’elle contredit les préceptes de l’entente nationale »... Hussein Husseini a indiqué que le Parlement ne peut pas débattre du droit du chef de l’État à lui adresser des lettres, soulignant qu’Émile Lahoud se devait, à la lumière de sa missive, de renvoyer en 2000 la loi qu’il critique aujourd’hui, et même auprès du Conseil constitutionnel, le cas échéant. L’ancien président de la Chambre a ensuite été le premier à parler de l’article 19 de la Constitution et à évoquer la possibilité d’un recours en invalidation auprès du Conseil constitutionnel dont écoperait une éventuelle nouvelle loi électorale. « Nous ne pouvons pas créer une nouvelle loi et occulter les délais », a-t-il résumé, soutenu en cela par Nabih Berry. Robert Ghanem a estimé qu’il serait hors de propos de disserter sur les desseins cachés ou pas de la lettre présidentielle. « C’est un moment historique. Notre devoir est de débattre du fond. Je souhaite que la présidence de la Chambre nous propose un mécanisme pour que l’on vote la loi d’amnistie, ainsi qu’une nouvelle loi électorale... C’est notre dernière séance, il faut que l’on tourne la page de la guerre », a-t-il dit fort à propos. « Il faut juger Émile Lahoud » Walid Eido n’a pas été, ensuite, avec le dos de la cuillère. « Cette lettre ne vient pas de sous l’eau, elle vient de sous les ruines. Elle critique la loi 2000 comme étant une violation de la coexistence, sauf que la loi 2000 a été pétrie et cuisinée à Baabda, en compagnie des SR, afin de détruire les ennemis de Baabda, dont le président Hariri. Cela fait cinq ans qu’Émile Lahoud est contre la coexistence et contre l’égalité entre les citoyens. Alors, pour préserver la présidence de la République, ce Parlement et la coexistence, je préconise que l’on renvoie cette lettre, dans la forme comme dans le fond, et que l’on juge le chef de l’État, sur base de sa lettre, pour violation de la Constitution », a-t-il souligné. Il a été naturellement applaudi par l’ensemble de son bloc, et la totalité des députés du bloc Joumblatt, ainsi que par d’autres parlementaires. Ammar Moussaoui, du bloc Hezbollah, a estimé qu’il était impossible d’élaborer une nouvelle loi en quinze minutes, et que la mouture de l’an 2000 est « moins inique » que celle de 1960. « Cette lettre est un point de vue, en retard, et le Parlement est incapable d’y répondre », a-t-il conclu. Saleh Kheir a estimé qu’il vaut mieux tard que jamais. Farid Khazen a demandé une réunion législative et l’adoption de la loi de 1960. Farès Souhaid a relevé la continuité entre l’explosion de l’église Notre-Dame de la Délivrance de Zouk en 1994 et celle de l’église Saint-Jean de Jounieh, avant-hier, vendredi, réclamant l’adoption d’une nouvelle loi électorale et le vote de la loi d’amnistie. Issam Farès a commencé par regretter le manque de respect à l’encontre de la présidence de la République. Michel Pharaon : « Nous respectons un président qui respecte le Parlement. » Saluant la lettre d’Émile Lahoud, l’ancien n°2 du gouvernement a de nouveau rejeté la loi 2000, appelant à l’adoption d’amendements qui satisferaient l’opinion publique. Chef du bloc Hezbollah, Mohammed Raad a émis la crainte que le débat autour de la lettre présidentielle ne dynamite et ne reporte les élections. « Nous ne voulons pas évoquer le timing et la forme de la lettre, mais quelle constitutionnalité pour ce débat ? » s’est-il demandé. Akram Chehayeb a demandé une réunion législative pour voter la loi électorale de l’opposition, et, surtout, la loi d’amnistie. Georges Najm a estimé que la lettre est arrivée « un peu tard », soutenant que la loi de 1960 est « injuste » et dissertant ensuite sur le cas Jezzine. « Jezzine est prisonnière aujourd’hui et ne l’était pas hier ? » l’a tancé alors Nabih Berry. Hussein Hajj Hassan s’est étonné du fait que certains « appellent à la fois » au respect de l’accord de Taëf et à l’adoption de la loi de 1960... Béchara Merhej a également déploré le dernier quart d’heure ; de même qu’Ayoub Hmayed, qui a indiqué qu’« une nouvelle loi serait soumise au recours en invalidation ». Abbas Hachem a émis la même crainte, exhortant néanmoins Nabih Berry de faire en sorte qu’une nouvelle loi soit adoptée, après l’avoir assuré qu’avec le caza, il sera « un des grands gagnants ». « L’opposition a oublié que Lahoud est encore là... » Nayla Moawad a rappelé que la demande du retour à la loi de 1960 s’est basée sur l’esprit de Taëf « qui n’a pas été respecté, notamment en ce qui concerne la décentralisation administrative ». Elle a ensuite reconnu que l’opposition s’était trompée lorsqu’elle avait cru, après la réconciliation nationale autour du mausolée de Rafic Hariri, en avoir fini avec le pouvoir sécuritaire, celui des SR, et avec la tutelle syrienne. « Nous avons oublié qu’Émile Lahoud est encore là, à la tête du système ; nous avons oublié que les Syriens continuent d’officier via certains médias ; oublié que ce pouvoir anti-Taëf continue de miser sur les divisions confessionnelles ; oublié que la loi 2000 était un oukaze adressé de Anjar, mis en application à Baabda et livré à tous par Michel Murr », a-t-elle accusé, demandant une réunion législative pour l’adoption de la proposition Harb basée sur le caza, ainsi que de la loi d’amnistie. Antoine Haddad a défendu bec et ongles la prorogation du mandat Lahoud, ainsi que le locataire de Baabda lui-même. Ahmed Fatfat a rappelé clairement que le Parlement avait voté la prorogation « sous la contrainte. La Chambre n’était pas souveraine, nous étions tous menacés », a-t-il précisé, ajoutant qu’en 2000 l’opposition avait voté contre la loi électorale qu’avaient signée Lahoud, Hoss, Michel Murr ainsi que Georges Corm. « Émile Lahoud avait toutes les prérogatives pour renvoyer ce projet de loi ; il l’a bien fait pour le code de procédure pénale », a-t-il rappelé, applaudi par bon nombre de ses collègues. « La lettre présidentielle a été signée à la 25e heure », a asséné Ahmed Fatfat, se prononçant en faveur du caza sur l’ensemble du territoire libanais, et souhaitant lui aussi qu’Émile Lahoud soit jugé pour les violations de la Constitution « qu’il a confessées dans sa lettre ». Ghassan Moukheiber a souhaité que la séance parlementaire se transforme en réunion législative ; idem pour Nehmetallah Abi Nasr, Antoine Ghanem et Pierre Gemayel, qui ont insisté en faveur de la loi d’amnistie et de la proposition Harb, et pour Farid Makari, qui a accusé, comme Mohammed Hajjar un peu plus tard, Émile Lahoud d’avoir foulé aux pieds la Constitution et d’avoir sapé les institutions, en demandant que le chef de l’État soit jugé « pour ces crimes ». Même son de cloche pour Mohammed Kabbani qui a accusé le locataire de Baabda de vouloir provoquer un vide constitutionnel et dynamiter les élections. Sélim Saadé a trouvé « bien triste que tous aient été pour le caza pendant la tutelle syrienne, mais beaucoup moins nombreux désormais ». Quant à Nazem Khoury, il a appelé à une réunion parlementaire pour « en finir avec le confessionnalisme ». Michel Pharaon s’est demandé, comme beaucoup de ses collègues, quel piège cachait la lettre présidentielle, estimant qu’il fallait que le ministre de la Justice précise si l’on pouvait changer la loi sans retarder les élections et sans recours en invalidation. « Si l’on peut, il faudra le caza, et sinon, nous devons essayer de nous préoccuper de Bécharré, Jezzine et Denniyé entre autres », a-t-il dit. Même crainte d’un éventuel vide constitutionnel pour Ghenwa Jalloul, qui a renvoyé dos à dos la loi 2000, « celle de Ghazi Kanaan », et le projet Frangié, « celui de Rustom Ghazalé ». Élie Ferzli a été très loin dans son pamphlet contre Émile Lahoud, proposant que le Parlement vote l’envoi d’une délégation de députés à Baabda, afin de demander au chef de l’État de démissionner. Bassem Sabeh a surenchéri : « Il y a une unanimité autour des pièges que recèle cette lettre, c’est une canaillerie (razélé) politique », a-t-il dit, s’attirant un « Ta gueule », retentissant et inélégant en diable d’Antoine Haddad. Les FSI interviennent pour séparer des députés... Enfin, une intervention magistrale de Ghazi Aridi qui, quelles que soient les diverses appréciations à propos de son objectivité ou de ses intentions, reste sans aucun doute l’un des meilleurs tribuns des trente dernières années. Une mouche voletant dans l’hémicycle aurait fait un boucan d’enfer pendant qu’il se déchaînait, le plus calmement et le plus fermement du monde, contre Émile Lahoud, sous l’œil noirissime d’Élias Murr, assis dans le fauteuil du Premier ministre puisque Nagib Mikati est à New York. « Quel lien y a-t-il entre ce président de la République et le respect de la Constitution ? Aucun. Si seulement ce Parlement s’était réuni depuis longtemps pour débattre de la vraie lettre d’Émile Lahoud, pour laquelle il est toujours resté ultrafidèle et qu’il s’est employé à appliquer avec génie. C’est-à-dire en gérant, avec ses partenaires, le pays comme un casino, en dynamitant les institutions constitutionnelles, juridiques, médiatiques, en contrôlant le tout afin d’imposer sa politique terroriste, oppressive et revancharde... Lui qui s’est toujours vanté d’avoir emprisonné Geagea, il est devenu le Messie prochrétien... Comme si sa politique avait pu assurer la moindre stabilité au pays ; comme si le patriarche avait béni ceux qui s’opposaient à la réconciliation de la Montagne, ceux qui ont tabassé les jeunes, ceux qui ont fermé la MTV... Il ne veut rien pour lui ? Il n’est pas confessionnel ? Alors pourquoi exige-t-il médiatiquement un chrétien à la tête de la Sûreté générale ? Il faudrait que la présidence de la Chambre envoie un procès-verbal de cette séance à Baabda, peut-être le chef de l’État pourrait-il avoir ne serait-ce qu’une infime idée de ce qui se passe dans le pays. Que cesse cette mascarade... » Et après que le ministre de la Justice eut expliqué ce qui pourrait se passer au cas où la Chambre voterait une nouvelle loi après la convocation du corps électoral, Nabih Berry a soumis au vote la proposition Hamadé de renvoyer au chef de l’État sa lettre. Boutros Harb dit que la Chambre n’a pas le droit de la renvoyer. Nabih Berry assure que si et les députés votent le renvoi à une écrasante majorité. Immédiatement après, les députés Amal et Hezbollah se sont levés comme un seul homme pour quitter l’hémicycle. Nehmetallah Abi Nasr hurle qu’il faut impérativement une réunion législative et un vote de la loi d’amnistie. Nabih Berry se fâche tout rouge, lève la séance et commence à quitter l’hémicycle sous les cris des députés de l’opposition en faveur d’une réunion législative. Farès Boueiz sort un mot de trop contre le n° 2 de l’État une fois ce dernier sorti, ce qui provoque la rage des députés Amal, Ali Khreiss et Ali Hassan Khalil, pendant que Ali Bazzi et Nehmetallah Abi Nasr, comme le trio Khalil-Khreiss-Boueiz, sont sur le point d’en arriver aux mains. Les FSI au sein de l’hémicycle interviennent pour les séparer. Les blocs Joumblatt et Hariri, les députés de Kornet Chehwane et bien d’autres restent dans l’hémicycle. Essaient de comprendre. Même Walid Joumblatt et Michel Murr échangent quelques propos pour trouver une solution, essayer de rappeler Nabih Berry. Peine perdue. L’homme du perchoir a déjà quitté la place de l’Étoile. Z.M.

La séance parlementaire exceptionnelle d’hier a été consacrée à la lecture et à l’examen de la lettre adressée par le chef de l’État à la Chambre afin qu’elle adopte une loi électorale saine et représentative. Le fiasco, évidemment, a été total, aussi absolu que le camouflet infligé par les députés à Émile Lahoud : sa lettre lui a été renvoyée.
La lettre...