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Actualités - OPINION

ANALYSE - La loi 2000 propose le changement dans la continuité L’aliénation de la volonté populaire se poursuit à la faveur de manœuvres politiciennes électorales

«J’ai dit dans une homélie précédente que je redoute que l’homme politique ne soit un extraordinaire acteur, guidé par ses seuls intérêts qui le conduisent d’un côté à un autre. (...) Je ne veux pas pousser les gens au désespoir, mais je sens une désintégration et un effondrement de l’éthique politique. (...) Nous avons bien vu comment un responsable politique retourne chaque jour sa veste. Peut-on construire une maison sur des sables mouvants ? Ne pensez surtout pas que quelqu’un renoncera à son poste ou à son leadership. Qu’ils ne se moquent pas de nous, car leur discours n’est que de la poudre aux yeux. » Dans son homélie pascale, dimanche, le métropolite Élias Audeh a exprimé tout haut ce qu’un grand nombre de Libanais ressent et redoute depuis quelque temps, plus exactement depuis que le discours national a commencé à changer au fur et à mesure que le retrait syrien touchait à sa fin et que l’accent était mis sur l’organisation des législatives, pour finalement céder la place à un verbe conditionné par les considérations électorales politiciennes. Il faut dire que les slogans pompeux n’ont pas été pour autant abandonnés : on rend toujours hommage aux jeunes qui ont donné une impulsion formidable au processus de changement initié après l’assassinat de Rafic Hariri, on vante toujours l’unité retrouvée, on plaide toujours pour la réconciliation et l’entente nationales, on promet toujours la réédification de l’État sur des bases démocratiques, après le démantèlement de la structure sécuritaire mise en place par Damas, on milite pour l’organisation des législatives dans les délais constitutionnels et on souligne la nécessité de l’émergence d’une nouvelle élite. Mais avec le départ du dernier soldat syrien, les Libanais qui, toutes appartenances confondues, ont soutenu l’opposition plurielle dans sa lutte contre un statu quo qui a pendant des années hypothéqué et aliéné leur volonté et tous les fondements de l’État, s’attendaient au lancement d’un processus de désyrianisation du pays, indispensable à la réédification d’une nation libre et démocratique. L’alliance entre les différentes composantes de l’opposition plurielle n’est pas éternelle. On le savait dès le départ, mais on espérait que l’impulsion donnée au mouvement de rétablissement de l’indépendance et de la démocratie libanaises se prolongerait jusqu’aux élections, afin que cette opposition, forte du soutien des centaines de milliers de Libanais qui ont fait entendre leur voix le 14 mars, puisse hisser à la Chambre, des figures capables de veiller à l’application d’un projet d’État. « Notre peuple a besoin de quelqu’un qui pourra lui rétablir ses droits, sa dignité, qui respectera son être et son intelligence dans le cadre d’un système libre démocratique et indépendant », a déclaré Mgr Audeh. Apparemment, le peuple devra encore attendre avant que le vœu exprimé par le métropolite de Beyrouth ne se réalise, car les priorités des Libanais ne correspondent toujours pas à celles de la classe politique. Les manœuvres politiciennes des derniers jours montrent à l’évidence que ce qui préoccupe pour l’heure aussi bien les loyalistes qu’un certain nombre d’opposants – maintenant que l’organisation des législatives est acquise – c’est d’asseoir leur force sur le terrain et d’accéder au Parlement avec le maximum de candidats. De ce fait, l’aliénation de la volonté populaire se poursuit. L’organisation des législatives sur base de la loi – d’inspiration syrienne – de 2000 n’a pour autre but que de préserver les grands blocs parlementaires traditionnels, les courants marginalisés, notamment chrétiens, ne pouvant se tailler une place au soleil, qu’à la faveur d’alliances avec ces mêmes grands blocs, du moment que la loi de 2000 ne leur donne presque aucune chance. À l’heure où les Libanais aspirent à un changement, un vrai, susceptible de mettre le pays sur la voie de la démocratie, de remplacer la coexistence (exister l’un à côté de l’autre) par la convivialité (vivre ensemble), la classe politique leur offre, à travers la loi 2000, un changement dans la continuité. Une continuité qui recèle cependant plusieurs pièges : elle maintient le peuple libanais en otage, mais aux mains d’une classe politique qui, sur le plan pratique, lui renie tout droit sauf celui d’agréer ses propres choix, elle barre la route à l’élite nouvelle, chère au chef du PSP, et, plus grave encore, elle maintient en place les instruments de la politique syrienne, au moment où une désyrianisation du pays s’impose. Nabih Berry et le Hezbollah sont incontournables ? Peut-être, mais laissons le peuple le décider à la faveur d’une loi susceptible de donner à chaque voix déposée dans l’urne une valeur certaine. Laissons le peuple décider du poids politique de chacun. Le respect de la volonté populaire exige avant tout l’élaboration d’une loi électorale qui serait le reflet de cette volonté et qui permettra au peuple libanais, dans toutes ses composantes, de faire ses propres choix, quels qu’ils soient. L’homélie pascale du métropolite Audeh était l’expression d’un ras-le-bol que beaucoup partagent avec lui. Tilda ABOU RIZK
«J’ai dit dans une homélie précédente que je redoute que l’homme politique ne soit un extraordinaire acteur, guidé par ses seuls intérêts qui le conduisent d’un côté à un autre. (...) Je ne veux pas pousser les gens au désespoir, mais je sens une désintégration et un effondrement de l’éthique politique. (...) Nous avons bien vu comment un responsable politique retourne...