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Actualités - OPINION

ÉCLaIRAGE - Berry risque de payer très cher son entêtement : retrouvera-t-il le perchoir le 15 juin ? Le réveil maronite de Lahoud, sept ans plus tard...

«Le président Lahoud a sans doute voulu partager ses craintes avec les députés. » C’est avec cet understatement éminemment élégant (et diplomatique, surtout) que Nagib Mikati a commenté pour L’Orient-Le Jour la lettre au Parlement adressée hier dans la nuit par le locataire de Baabda aux députés de la nation. Précisant que les concertations allaient bon train afin d’arriver à un quelconque résultat. Sauf que le Premier ministre n’a pas été parachuté sur la scène politique libanaise en ce mois d’avril 2005. Nagib Mikati était au gouvernement en l’an 2000, il sait pertinemment que c’est à cette époque qu’a été concoctée dans les cuisines de Baabda et de Anjar, et sous la haute bienveillance d’Émile Lahoud, cette loi hyperbâtarde et inique sur base de laquelle se tiendront sans doute les législatives 2005. Une loi que le même Émile Lahoud a fustigée hier, l’accusant de contribuer à « une situation d’instabilité politique dans le pays », à « la naissance d’une réalité discriminatoire entre les régions », ainsi qu’à une « possibilité d’influer sur une saine représentativité » au sein du futur hémicycle. Le n°1 de l’État a ainsi demandé aux députés de prendre en considération ces trois points et de faire en sorte d’organiser des législatives « à la date prévue et à l’ombre d’une loi qui assurerait la meilleure expression de la volonté du peuple – un peuple souverain, qui est la source des pouvoirs ». Véritable insulte à l’intelligence du Libanais – et à sa mémoire –, cette lettre présidentielle est ahurissante de culot, mais aussi particulièrement tardive puisqu’elle a été adressée à moins de 48 heures de la date butoir : le n° 1 de l’État est tenu de signer jeudi le décret de convocation du corps électoral. Même si, finalement, Émile Lahoud ne déroge pas à une règle quasi générale qui veut que chaque chef de l’État (ou presque) depuis l’indépendance ne se souvienne de son appartenance communautaire qu’au cours de la dernière tranche de son mandat. Sauf que là, Émile Lahoud bat tous les records. Puisqu’il est sans doute, parmi les présidents de la République successifs, celui qui a le plus contribué à la marginalisation, notamment politique, des chrétiens, non seulement par le biais de la loi 2000, mais aussi par un renforcement tous azimuts de l’embastillement de Samir Geagea et du bannissement de Michel Aoun. Sans oublier, évidemment, les ratonnades infligées aux opposants, notamment étudiants, à la présence syrienne, et dont l’ignoble summum avait été atteint les 7 et 9 août, devant le Palais de justice. À l’époque, Émile Lahoud n’avait même pas bronché. La démarche du locataire de Baabda, sa volonté de revoir à la hausse une impopularité abyssale, surtout au sein de sa communauté, sont évidemment de bonne guerre. Surtout quand l’opposition plurielle montre des petites fissures, certes extrêmement ponctuelles et passagères. Surtout quand il y a une rue – notamment chrétienne – qui gronde toutes ses frustrations et multiplie haut et fort ses appels en faveur d’une réelle représentativité, chrétienne toujours, au sein du prochain Parlement. Surtout quand cette rue, encouragée par les dérives perverses et criminelles des caciques prosyriens et par les campagnes effrénées de certains médias, oublie que la communauté internationale a parrainé le package-deal depuis l’entrée en fonctions de Nagib Mikati. Il n’en reste pas moins qu’Émile Lahoud, qu’on le veuille ou non, a coupé l’herbe sous le pied aux opposants. Ceux-là mêmes qui ont martelé hier – dans leur ensemble : Joumblatt de Bkerké, les haririens, Kornet Chehwane, etc. – leur attachement au caza. Et cette démarche présidentielle, relayée avec un zèle ahurissant par Michel Murr au Parlement et Élias Murr en Conseil des ministres (pour la nomination à la tête de la Sûreté), ne s’est pas limitée à la lettre d’hier. Il y a eu, dit-on, des pressions énormes sur le patriarche Sfeir pour qu’il annonce que ce sera soit le caza, soit le report, sans oublier, selon une source proche de l’opposition, « une réunion Lahoud-Murr-Sayyed à Baabda vendredi dernier pour coordonner la bataille confessionnelle visant à dynamiter l’opposition ». Que va-t-il se passer aujourd’hui ? Des sources parlementaires assurent que les pressions internationales en faveur du caza se sont multipliées hier dans la nuit, comme à quelques heures avant la nomination de Nagib Mikati. D’autres soutiennent qu’il n’en est rien et que la communauté internationale insiste juste sur les délais constitutionnels et refuse de se mêler de la loi électorale en remplaçant Rustom Ghazalé par Terjé Roed-Larsen. Que va faire Nabih Berry ? Là aussi, les hypothèses vont dans tous les sens. La Constitution, rappelle Jean Salem interrogé par L’Orient-Le Jour, impose au président de la Chambre de convoquer les députés. Ne serait-ce que pour leur lire la lettre présidentielle qui leur a été adressée par son truchement. D’autres certifient que non, mais que l’éthique l’y oblige. Des sources gouvernementales ont estimé que Nabih Berry ignorera la demande de Baabda. Surtout qu’il aurait menacé de dévoiler tous les détails de la « magouille » qui aurait conforté la loi 2000 au cas où on l’y forçait. Il n’empêche : même si tout cela n’est qu’une mise en scène faite en accord entre Baabda et Aïn el-Tiné, Nabih Berry risquera de payer très cher son entêtement, en ne retrouvant pas, le 15 juin prochain, son perchoir. Ziyad MAKHOUL
«Le président Lahoud a sans doute voulu partager ses craintes avec les députés. » C’est avec cet understatement éminemment élégant (et diplomatique, surtout) que Nagib Mikati a commenté pour L’Orient-Le Jour la lettre au Parlement adressée hier dans la nuit par le locataire de Baabda aux députés de la nation. Précisant que les concertations allaient bon train afin d’arriver à...