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Actualités - OPINION

LE POINT Retour à Crawford

La petite phrase mériterait de figurer dans la prochaine édition de ces « bushisms » dont raffolent les Américains. Mardi dernier sur la chaîne de télévision CNBC, le président était interrogé par le journaliste Ron Insana sur sa rencontre de la semaine suivante avec le prince héritier Abdallah. Réponse :« Je vais lui expliquer que, vous savez, des cours du pétrole trop élevés pourraient nuire à l’économie mondiale. » Un temps, puis : « Nous devons obtenir une réponse claire sur leurs (les Saoudiens) véritables capacités de production de réserve ; je ne crois pas qu’elles soient à leur maximum. » La riposte n’avait pas tardé à venir, cinglante: « Le commentaire de M. Bush est malvenu ; il ne repose sur rien de concret », a aussitôt fait savoir Ryad. C’est dire si les retrouvailles d’hier - les secondes à ce niveau en trois ans – dans le décor bucolique du ranch de Crawford ne pouvaient se dérouler dans un climat idyllique. D’autant plus que le ciel, depuis un certain 11 septembre 2001, est loin de s’être éclairci, même si, pour reprendre la formule de David Mack, vice-président de l’Institut du Moyen-Orient, «nous avons besoin des Saoudiens tout autant qu’ils ont besoin de nous, quand bien même notre image à chacun est mauvaise aux yeux de l’autre ». Au premier plan des préoccupations des deux pays, iI y a, bien sûr, le sort de cette denrée rare, l’or noir, dont les prix s’envolent de manière inquiétante : 1,41 dollar le gallon à la pompe en 2002, 2,28 dollars ce mois-ci. Et les spécialistes parlent d’un baril à plus de 100 dollars dans un délai relativement court. Face à cette escalade, l’Administration républicaine affiche une peu rassurante impuissance : « Je n’ai pas de baguette magique », se désole George W. Bush. Un aveu qui alimente la grogne du consommateur, dans un pays qui bat tous les records de gloutonnerie pétrolière en raison des distances, du mode de vie et des modèles de voitures ; où le déficit de la balance commerciale atteint des proportions abyssales alors que les cassandres – Alan Greenspan, le tout-puissant patron de la Federal Reserve, en tête – agitent le spectre d’une aggravation de l’inflation. Parce qu’il ne peut faire autrement, le royaume wahhabite plie l’échine et s’apprête à accroître de 500 000 barils sa production quotidienne, laquelle atteindra le record, inégalé depuis 1980, de 10 millions de barils, tout en gardant une réserve de secours de 1,5 million de barils/jour. C’est précisément sur ce dernier chiffre qu’a porté l’essentiel des pourparlers de ce début de semaine entre les deux parties, le terrain ayant été partiellement déblayé à la faveur d’une rencontre avec le vice-président Dick Cheney, dans un hôtel de luxe à Dallas, puis à l’occasion d’un dîner avec Bush père, plus proche que son fils de la maison Saoud. Sans être désespérée, la conjoncture est d’autant plus grave que rien n’a été fait pour enrayer l’inexorable ascension de ces derniers mois, alors que lors de sa campagne électorale de l’an 2000, le candidat républicain s’était engagé, un peu inconsidérément, à négocier avec l’Opep une stabilisation des prix. Il est vrai qu’il y a eu, entre-temps l’attentat contre les Twin Towers, les expéditions afghane et irakienne, la campagne pour la réélection, enfin les conséquences du presque divorce avec la « vieille Europe »… Aujourd’hui encore, la Maison-Blanche donne l’impression que le pétrole ne figure pas parmi ses préoccupations majeures. Avec le prince Abdallah, hier, il a été plutôt question des rapports bilatéraux, du processus de démocratisation dans le royaume et du problème régional. Sur les deux premiers points, Washington s’en tient à un jugement mesuré, du style : « Peut faire mieux », tout en appréciant à leur juste valeur des initiatives comme la tenue des récentes élections municipales, les pressions exercées sur la Syrie pour la porter à retirer ses troupes du Liban et la lutte contre le terrorisme. En échange, les Saoudiens voudraient bien obtenir la promesse d’un soutien US à leur adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Les deux parties font preuve d’une égale prudence dès qu’est abordé le problème palestino-israélien, comme si le sujet était placé « on hold ». Ce qui est le cas, confirme-t-on de part et d’autre, en attendant l’issue du plan de désengagement de Gaza promis par Ariel Sharon et dont l’application risque de connaître un certain retard. Dans son discours sur l’état de l’Union, le 2 février dernier, le chef de l’Exécutif US avait consacré une ligne et demie à l’Arabie saoudite, l’invitant à « prouver son leadership régional en donnant à son peuple un rôle accru dans le choix de son avenir ». Peut-être qu’à leur tour cette fois-ci, les États-Unis pourraient faire mieux que cette invite. Christian MERVILLE

La petite phrase mériterait de figurer dans la prochaine édition de ces « bushisms » dont raffolent les Américains. Mardi dernier sur la chaîne de télévision CNBC, le président était interrogé par le journaliste Ron Insana sur sa rencontre de la semaine suivante avec le prince héritier Abdallah. Réponse :« Je vais lui expliquer que, vous savez, des cours du pétrole trop élevés...