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Actualités - CHRONOLOGIE

ÉDITION - Deux ouvrages éclairent sous un jour différent le psychiatre autrichien et l’analyste français Un Freud très humain, un Lacan... très lacanien (photos)

Un Freud très humain, qui parle de la météo ou de son goût pour le raisin, et un Lacan... très lacanien, inventeur d’une langue hermétique, voire délirante: deux ouvrages éclairent sous un jour différent le psychiatre autrichien et l’analyste français qui a rapproché psychanalyse et linguistique. La quarantaine venue, Sigmund Freud (1856-1939) découvre le plaisir du voyage. Chaque année, lorsque sa femme et ses six enfants ont pris leurs quartiers d’été, il part quelques semaines à l’étranger. «Notre cœur tend vers le Sud», écrit-il dans sa correspondance de voyage (1895/1923), parue chez Fayard (420 pages). Cette phrase donne son titre au livre qui comprend 189 cartes postales et 56 lettres adressées à sa femme ou à l’un de ses enfants. Son guide Baedeker en poche, souvent accompagné de sa belle-sœur Minna, qui n’est pas pour lui «une femme désirable», il succombe à «l’harmonie grandiose» d’une Italie de rêve, traversée de part en part. Puis il va en Grèce («J’ai mis ma plus belle chemise pour visiter l’Acropole»), en Angleterre («La connaissance que j’ai acquise des ouvrages scientifiques anglais aura pour effet de me tenir toujours du côté des Anglais pour mes études») et aux États-Unis. «Si son cœur tend vers le Sud, sa raison le ramène inexorablement vers le Nord», rappelle en préface la psychanalyste Élisabeth Roudinesco. Le livre s’achève par un voyage à Rome (le 7e), cette fois avec sa fille Anna. Mais, souffrant déjà de son cancer de la mâchoire, il ne reviendra plus dans la ville, si présente dans ses songes. Cette correspondance montre un Freud «avant la pulsion de mort» et le désastre mondial à venir, un homme simple et enthousiaste qui «jouit seul de tout», loin de l’image que le public peut avoir de l’austère fondateur de la psychanalyse. Génie ou pitre? Simultanément, vient de paraître le livre XXIII du Séminaire de Jacques Lacan (1901-1981), figure controversée de la psychanalyse car le débat demeure vif entre ceux qui le considèrent comme un génie et ceux qui le traitent de pitre. Toujours est-il que ses jeux de mots ou ses expressions n’ont cessé d’irriguer le langage courant, preuve d’une influence qui a dépassé le cercle des initiés. Quand on disait, à la fin du XXe siècle, «ça m’interpelle très fort quelque part», c’était un peu du Lacan, même simpliste... Ses séminaires (à l’hôpital Sainte-Anne, à Normale Sup, à la faculté de droit du Panthéon) ont fait courir dans les années 60 et 70 le Tout-Paris qui se pressait pour écouter ses discours, apparemment décousus, entrecoupés de longs silences. Il y a forgé sa légende, avec ses chemises de clergyman, son nœud papillon, son gros cigare «culebra», les grappes de micros, la foule qui frémissait d’aise à la moindre saillie. Ce livre XXIII (Le Seuil, 251 pages, 25 euros) s’intitule Le sinthome, jeu de mots autour de «saint homme» et de «symptôme», en référence au romancier irlandais James Joyce, objet du séminaire 1975-76. Comme l’a écrit, encore, Élisabeth Roudinesco, on y retrouve davantage «l’invention verbale » de Lacan qu’«une approche cohérente» de l’auteur d’Ulysse. C’est Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan et son exécuteur testamentaire, qui est chargé de la version écrite de cet enseignement. Onze livres (sur 25) sont déjà parus. Mais son travail est critiqué (et, par là même, son droit moral contesté) par l’Association des amis de Jacques Lacan. Elle juge «scandaleux» que ces séminaires «souffrent d’une publication parcimonieuse, sans ordre chronologique, ni appareil critique». Résultat, selon elle, Lacan est toujours «le grand absent» des rayons des librairies alors que l’enseignement parlé de Barthes, Lévi-Strauss, Jakobson, Foucault ou Derrida fait l’objet de publications complètes et critiques.

Un Freud très humain, qui parle de la météo ou de son goût pour le raisin, et un Lacan... très lacanien, inventeur d’une langue hermétique, voire délirante: deux ouvrages éclairent sous un jour différent le psychiatre autrichien et l’analyste français qui a rapproché psychanalyse et linguistique.
La quarantaine venue, Sigmund Freud (1856-1939) découvre le plaisir du voyage....