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Une logique économique insuffisante, car centrée sur le démantèlement tarifaire industriel

Pendant longtemps, en raison de la jeunesse du processus de Barcelone, il était difficile d’en dresser un bilan, notamment sur le plan économique. Le dixième anniversaire du processus euro-méditerranéen offre enfin cette possibilité. Le travail a été réalisé par le Femise, réseau européen des instituts euro-méditerranéens de recherche en économie, dont le rapport* publié en février a largement alimenté les discussions de la conférence sur la transition économique organisée à Bruxelles les 11 et 12 avril. Intitulé « Acquis et les perspectives du partenariat euro-méditerranéen, 10 ans après Barcelone », le rapport réalisé par l’Institut de la Méditerranée (France) et le Economic Research Forum (Égypte) explique, chiffres à l’appui, pourquoi la logique économique du partenariat, fondée essentiellement sur le démantèlement des protections tarifaires, surtout pour les biens industriels, n’a pas permis d’atteindre les objectifs fixés à Barcelone en ce qui concerne le « rattrapage » des pays du sud et de l’est de la Méditerranée. Pas encore de convergence Première constatation, en termes de revenus, la situation des pays méditerranéens a peu évolué en dix ans. Avant le lancement du processus, leur revenu par tête d’habitant était, à l’exception d’Israël, en moyenne légèrement au-dessus de la tranche inférieure des pays à revenus intermédiaires. Aujourd’hui, le revenu par tête d’habitant est en moyenne de 4 780 dollars, contre 5 800 dollars pour la moyenne des pays à revenus intermédiaires. Alors que la déclaration de Barcelone avait pour objectif de consolider une zone de stabilité et de prospérité, cet objectif ambitieux n’est pas en voie de réalisation, car le fossé continue de se creuser entre les deux rives. « Le processus de divergence s’est régulièrement accru depuis le début des années 1980 », écrit le Femise, qui, sans imputer cet échec au partenariat lui-même, estime que celui-ci est directement concerné, compte tenu des objectifs qu’il s’était fixés. La convergence Nord-Sud impliquerait que les pays méditerranéens dans leur ensemble prennent le train des économies émergentes dynamiques, avec des taux de croissance voisins de 7 %, disent les auteurs du rapport. « L’enjeu du partenariat était d’aider les pays méditerranéens à s’engager dans les étapes de la transition économique qui suivent l’étape de la stabilisation financière et macroéconomique. » Ces étapes sont la libéralisation des échanges de biens et services ; la modification des lois et des cadres réglementaires pour créer un climat favorable à l’investissement ; la dynamisation de la compétitivité et de l’attraction des investissements de portefeuille. Or, selon les experts, si l’étape de la stabilisation macroéconomique est « un acquis indiscutable qu’il ne faut pas sous-estimer », le problème porte sur la difficulté d’enclencher les étapes suivantes. Le pari inabouti de la baisse tarifaire La logique économique dessinée à Barcelone s’est appuyée principalement sur la libéralisation des échanges à travers, principalement, le démantèlement tarifaire industriel, explique le Femise. De ce point de vue, les efforts réalisés sont indéniables. Entre 1992 et 2003, la moyenne simple des droits de douane dans l’industrie a baissé de 11 points de pourcentage pour l’ensemble des pays méditerranéens. Mais cette évolution doit se lire à l’aune des évolutions mondiales en termes de libéralisation. Il en ressort que les pays méditerranéens restent l’une des zones les plus protégées du monde. En 2003, la moyenne simple des droits de douane appliqués dans l’industrie est de 17 % pour l’ensemble des pays méditerranéens, contre 10,8 % pour l’Asie, 9,5 % pour l’Amérique latine et 5,2 % pour les nouveaux membres de l’Union européenne. Si la situation n’est pas homogène entre tous les pays méditerranéens, certains pays (comme le Liban) étant plus ouverts que d’autres, l’impact du processus euro-méditerranéen en matière de libéralisation a été dilué par les évolutions du reste du monde, notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce. Par ailleurs, la baisse tarifaire s’est accompagnée d’une diminution de l’importance de l’élément tarifaire en tant que tel, la question de l’accès aux marchés, notamment européen, s’étant déplacée des tarifs vers les barrières non tarifaires. Résultat, le système des échanges est resté fortement asymétrique, puisque les échanges avec les partenaires méditerranéens représentent moins de 7 % des échanges extérieurs de l’Union européenne, alors que celle-ci représente près de 50 % des échanges extérieurs des pays méditerranéens. « Les évolutions récentes ne vont pas dans le sens d’un accroissement de l’ouverture des marchés du Nord. Les pays développés (y compris les pays européens) ont rendu un peu plus difficile l’accès à leur marché », commente le Femise pour qui la solution passe par un « véritable effort d’assistance technique en faveur des pays méditerranéens, pour améliorer leur maîtrise de ces barrières ». Elle suggère par exemple la création d’une agence méditerranéenne de certification des normes. Le « pari » de Barcelone était que la libéralisation des échanges aurait un « impact automatique » à deux niveaux, selon les experts. D’une part, le choc de la concurrence était censé pousser les pays méditerranéens à se mettre à niveau et à attirer les capitaux étrangers. D’autre part, l’intégration Sud-Sud était censée compléter naturellement l’ouverture Nord-Sud. Or, sur ces deux plans, les résultats sont plus que mitigés. Les échanges entre les pays méditerranéens restent stables depuis dix ans, à 5 % de leurs échanges globaux. Par ailleurs, sur la période, les pays méditerranéens ont reçu un total d’investissements étrangers guère supérieur à la seule Pologne, selon le Femise. Changement d’échelle Multipliant les exemples détaillés, le Femise parvient à la conclusion que « sur le plan des résultats économiques, le partenariat n’a pas atteint ses objectifs », même si son acquis principal est d’avoir permis « une prise de conscience générale des retards à combler et des évolutions et réformes nécessaires ». Se contenter de l’équilibre atteint aujourd’hui dans la région est « insuffisant », estiment les auteurs du rapport. S’en contenter exposerait la région à d’importants bouleversements. C’est pour quoi la conviction du Femise est qu’un « changement d’échelle du partenariat est indispensable ». Le rapport dresse à cet égard une comparaison entre l’évolution des nouveaux membres de l’Union européenne et celle des pays partenaires méditerranéens, appelant à la création d’un « véritable instrument de convergence jouant un rôle semblable à celui des fonds structurels en Europe ». S.R. * http://www.femise.org/Pub -indic/listpub-ol.html
Pendant longtemps, en raison de la jeunesse du processus de Barcelone, il était difficile d’en dresser un bilan, notamment sur le plan économique. Le dixième anniversaire du processus euro-méditerranéen offre enfin cette possibilité. Le travail a été réalisé par le Femise, réseau européen des instituts euro-méditerranéens de recherche en économie, dont le rapport* publié en...