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Actualités - OPINION

Analyse - Comment juger les subalternes des réseaux terroristes islamistes ?

Les récents acquittements, en Europe, de subalternes de réseaux terroristes islamistes illustrent le dilemme devant lequel sont placés les États : agir trop tôt, au détriment des libertés publiques, ou trop tard, en prenant le risque de laisser se commettre un attentat. Tant qu’il n’est pas passé à l’action et ne commet rien d’illégal, le sans-grade d’un réseau terroriste islamiste constitue un casse-tête pour les justices et polices occidentales, estiment experts, magistrats et enquêteurs. « Cela pose un vrai problème, qu’en droit occidental on ne sait pas résoudre, assure Alain Chouet, ancien cadre de la DGSE (services secrets français). On est obligé d’attendre qu’il se passe quelque chose, et c’est parfois trop tard. » Ainsi, le meurtrier présumé, en novembre, du cinéaste hollandais Theo van Gogh, l’islamiste néerlando-marocain Mohammed Bouyeri, était surveillé mais n’avait commis aucun délit. « La plupart des ressortissants marocains arrêtés dans le cadre des enquêtes de Casablanca et Madrid étaient connus des services (...) avant les attentats mais n’avaient encore commis aucun acte caractérisable sur le plan judiciaire », ajoute Alain Chouet. Dans les cas d’acquittements récents, devant les justices italienne, allemande ou néerlandaise, comme lors de non-lieux plus anciens devant des juridictions françaises, enquêteurs et juges antiterroristes étaient persuadés d’avoir traduit en justice d’authentiques membres de réseaux intégristes, potentiellement dangereux. L’application des textes de loi n’a pas permis leur condamnation et c’est logique, plaide Nicolas Bot, secrétaire général du syndicat professionnel français Union syndicale des magistrats (USM). « Tant que quelqu’un n’a pas franchi la ligne jaune de la délinquance, comment voulez-vous faire du préventif ? Le rôle du judiciaire, par la force des choses, c’est d’intervenir après les dégâts. C’est souvent difficile à comprendre pour l’opinion publique. » L’avocate Margarete von Galen, à Berlin, a défendu un Tunisien accusé d’être lié à el-Qaëda, Ihsan Garnaoui, blanchi le 6 avril de l’accusation de terrorisme. « La loi allemande exigeait son acquittement. Il n’avait rien fait qui soit interdit par la loi, on ne pouvait pas le punir, a-t-elle déclaré à l’AFP. Si on veut durcir la législation et appliquer des lois différentes, c’est une question politique, pas juridique. » Dans leur surveillance des réseaux, les enquêteurs collectent souvent, dans des écoutes téléphoniques notamment, des déclarations d’intention, des plans d’action plus ou moins précis, mettent en lumière des relations entre suspects. Mais ils manquent souvent de preuves matérielles incontestables et craignent que leurs dossiers ne tiennent pas devant les juges. Aux États-Unis, le traumatisme du 11 septembre 2001 est tel qu’il a permis, sans contestation ou presque, l’application d’une législation répressive. À Guantanamo, pour les étrangers, comme dans des prisons fédérales, pour les citoyens américains, des suspects sont détenus indéfiniment, leurs droits civiques suspendus. La France, grâce à l’inculpation relativement large « d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », est plus sévère que ses voisins, mais n’est pas épargnée par le problème. « Il faudrait sérieusement réfléchir à des formes juridiques applicables au recrutement et à la préparation sectaire. Si on ne veut pas tomber dans le piège et respecter nos propres valeurs, ce n’est pas facile », ajoute Alain Chouet. Selon lui, « il faudrait mettre autour d’une table des juristes, des policiers, des gens des services, des magistrats, et que tout ce monde-là réfléchisse au système préventif qu’on pourrait organiser sans tomber dans l’état d’urgence ou l’état de siège ». Michel MOUTOT (AFP)
Les récents acquittements, en Europe, de subalternes de réseaux terroristes islamistes illustrent le dilemme devant lequel sont placés les États : agir trop tôt, au détriment des libertés publiques, ou trop tard, en prenant le risque de laisser se commettre un attentat. Tant qu’il n’est pas passé à l’action et ne commet rien d’illégal, le sans-grade d’un réseau terroriste...