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Actualités - OPINION

Sur les Campus Résistance culturelle, contagion de la liberté

«Une révolution approche. Elle ne sera pas comme les révolutions d’antan. Elle partira de l’individu et de la culture, et ne transformera les structures politiques qu’en dernier ressort. Elle n’aura pas besoin d’avoir recours à la violence pour s’imposer, et la violence ne pourra pas l’arrêter. » Ces propos ne sont pas ceux d’un homme politique libanais ou d’une personnalité académique libanaise, même s’ils peuvent être, dans le fond, associés au principe de la « résistance culturelle », prônée par le père Sélim Abou durant la période de son rectorat à l’Université Saint-Joseph. L’auteur de ces lignes s’appelle Charles A. Reich. L’ouvrage n’est pas récent. Il date de 1971 et s’appelle Le regain américain. La cible de la subversion pacifique que prône Reich n’est pas l’État totalitaire, mais, contexte oblige, l’État-entreprise, qui est omniprésent et sournois et contre lequel les moyens de lutte traditionnels et le recours à la force ne servent à rien. « La révolution politique est impossible aux États-Unis pour le moment : mais nous n’avons pas besoin de révolution politique... La révolution doit être culturelle. Car c’est la culture qui contrôle la mécanique économique et politique, et non l’inverse », écrit le sociologue américain. Il est fort tentant de récupérer les propos de Reich et de les replacer dans le contexte libanais. Certes, la révolution politique s’est déroulée au Liban, et elle a porté ses fruits, même si elle n’a pas été, il faut le reconnaître, à la hauteur de ses fils, les centaines de milliers de Libanais, surtout des jeunes, qui sont descendus dans la rue pour faire valoir leur droit inaliénable à la liberté, loin de la logique totalitaire du pouvoir sécuritaire. La révolution politique qui s’est déroulée au Liban, le printemps de Beyrouth, a atteint certaines limites : si les résultats obtenus ont été inespérés, à commencer par le retrait total de l’armée syrienne et l’émergence d’un nouveau rapport de force, il reste que le changement mettra du temps à apparaître véritablement, ou du moins à s’institutionnaliser. C’est en partie dans ce cadre qu’il faut interpréter la réaction mitigée de plusieurs personnes à la formation du nouveau cabinet Mikati. Ils ont ainsi, et c’est leur droit, perçu la moitié vide du verre, à savoir l’absence de signaux montrant, sur le plan institutionnel, formel, l’inversion qui s’est produite à la suite de l’assassinat de Hariri et du 14 mars sur le plan des rapports de force. Mais ils n’ont peut-être pas vu immédiatement que l’essentiel, en attendant d’œuvrer progressivement pour le véritable changement, celui qui se fait en profondeur, aux racines, est la tenue des élections. Dans ce sens, l’on peut interpréter le printemps de Beyrouth comme une « évolution » hautement qualitative plutôt qu’une « révolution » qui aura tout fait basculer. Un auteur-compositeur phare des années 70, Shawn Phillips, affirmait dans ce sens dans l’une de ses chansons : « Ain’t no such thing as revolution, it’s got another name, it’s called revolution ; go slow ». Phillips appelait à « l’évolution tranquille » pour un changement qualitatif. L’évolution se fera sans doute. Ce qui l’empêchait, l’étouffante tutelle syrienne, est progressivement en train de disparaître. Le principe de la résistance culturelle a certes contribué à mettre fin aux beaux jours du système syrien au Liban. Il est impératif que les étudiants continuent aujourd’hui à le mettre en œuvre, à le diffuser pour parvenir à une autre finalité : la relève politique, et l’assainissement d’un système encore contaminé par certains résidus archaïques, tels que le clientélisme politique, sur lequel les Syriens se sont appuyés pour gouverner le pays. En d’autres termes, le magnifique océan de vie du 14 mars 2005 ne suffira pas. Il doit se poursuivre, aussi, par les moyens culturels, pour que la contagion de la liberté soit infinie. Michel HAJJI GEORGIOU
«Une révolution approche. Elle ne sera pas comme les révolutions d’antan. Elle partira de l’individu et de la culture, et ne transformera les structures politiques qu’en dernier ressort. Elle n’aura pas besoin d’avoir recours à la violence pour s’imposer, et la violence ne pourra pas l’arrêter. »
Ces propos ne sont pas ceux d’un homme politique libanais ou d’une...