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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE Pour le nouveau Premier ministre, un bon départ malgré tout, en attendant plus de concret Comment Mikati a lié son avenir politique à la tenue des élections

Il n’y a pas que les cardinaux, réunis en conclave au Vatican pour élire le nouveau pape, qui aient fait vite hier. À Baabda aussi, une fumée blanche s’est enfin élevée, annonçant la formation d’un cabinet après un mois et demi d’un vide pour le moins sinistre incarné par la personne de Omar Karamé. Les détracteurs les plus féroces du Premier ministre sortant, et qui n’en finissait pas de sortir, noteront d’ailleurs la capacité (génétique ?) des Karamé – l’expérience de Rachid Karamé en 1969 faisant office de précédent – à plonger le pays dans la vacance gouvernementale. Sur ce plan, et malgré les voix qui se sont élevées hier pour émettre des réserves, au demeurant justifiées, Négib Mikati a incontestablement gagné hier son premier pari. Tout le monde, notamment l’opposition qui lui a accordé, en le nommant, une véritable légitimité populaire, l’attendait au tournant. Et, pour son premier microtest, l’homme a, il faut le lui reconnaître, plutôt réussi, en formant en trois jours à peine un cabinet, et ce au moment où chaque heure qui passe devient vitale pour « sauver », le mot n’est pas de trop, les législatives. Deuxième point au crédit de Négib Mikati, la composition du nouveau gouvernement, et ce malgré les réserves émises hier de part et d’autre par l’ensemble de l’opposition plurielle au sujet de la représentation. Certes, Walid Joumblatt, le Courant du futur, Kornet Chehwane et Michel Aoun n’ont pas particulièrement apprécié le retour de l’un des chantres de la politique syrienne au Liban durant les dernières années, le bien docile Mahmoud Hammoud, au ministère des Affaires étrangères. Ils n’ont pas non plus apprécié, et c’est tout aussi légitime, le retour en triomphe de Élias Murr, dont la gestion ultraliberticide à l’Intérieur reste à jamais gravée dans toutes les mémoires (encore la génétique). Et il en faudra plus qu’une absence de quelques mois du devant de la scène et quelques déclarations en phase avec la déferlante populaire pour que le nouveau ministre de la Défense redore son blason, même si le cœur y est. Cependant, outre ces deux symboles d’une ère bientôt révolue, il convient de noter que Négib Mikati a réussi le tour de force, et c’en est un (étant donné la complexité de la situation), à former une équipe sans qu’elle ne soit provocatrice. Ainsi, c’est la première fois depuis 2000 qu’il n’y a pas de Assem Kanso, Assaad Hardane, Wi’am Wahhab et autres baassistes, PSNS, hérauts de la Syrie et transfuges des services au sein du cabinet. Mais le plus important reste sans doute le fait que les deux postes déterminants pour ce cabinet de transition chargé de préparer les élections et de suivre l’enquête internationale sur l’affaire Hariri, à savoir l’Intérieur et la Justice, ont été attribués à des personnalités proches de l’opposition, et surtout du courant Hariri, les sunnites Hassan Sabeh et Khaled Kabbani. Un signe important que l’opposition ne saurait négliger. Et le retour de Ghassan Salamé – le Liban aurait quand même gagné à l’avoir aux Affaires étrangères – ne peut être qu’un signe d’optimisme. C’est quand même le président Émile Lahoud qui se taille cette fois la part du lion, en plaçant pas moins de quatre de ses proches dans cette formule ministérielle (Murr, Charles Rizk, Alain Tabourian et Damien Kattar, également proche de Négib Mikati), et, au passage, en se réservant deux des trois ministres maronites, le troisième (Bassam Yammine) étant proche de Sleimane Frangié. Une lecture communautaire du nouveau gouvernement permet de constater que, sur le plan de la représentation chrétienne, c’est donc Émile Lahoud qui s’est accaparé le droit de désigner les ministres, ce qui peut paraître bizarre, compte tenu de la (non) représentativité réelle de ces personnes par rapport à la base. Sur le plan chiite, Hammoud revient pour consoler Nabih Berry, et Mohammed Khalifé, proche du président de la Chambre, se maintient à la Santé, un portefeuille qu’il a du reste bien géré dans le cabinet précédent, de l’avis général. Par ailleurs, le troisième ministère octroyé à un chiite revient pour la première fois à un homme réputé proche du Hezbollah, Trad Hamadé. Un signe de la volonté de ce parti d’assumer enfin des responsabilités au sein de l’Exécutif ? L’avenir proche le dira. Si le Courant du futur sort rassuré de l’entreprise, l’on peut en revanche se demander à juste titre si la nomination du druze Adel Hamié n’a pas laissé sur sa faim Walid Joumblatt, le plus critique hier à l’égard du nouveau cabinet, et qui était, avec Michel Aoun, le plus favorable à l’entrée de l’opposition au gouvernement. Partant, les deux ont été un peu déçus par le résultat, d’autant que le gouvernement ne reflète pas, pour eux, le nouveau rapport de force sur le terrain. Mais l’opposition n’en demeure pas moins pragmatique. Si le Rassemblement démocratique attendra sa réunion aujourd’hui pour déterminer une position définitive sur la nouvelle équipe en place, Kornet Chehwane, le Courant du futur et Michel Aoun ont fait preuve de réalisme. L’essentiel, pour eux, reste la tenue des élections, et le nouveau Premier ministre a commencé à donner corps à cette revendication en formant rapidement le nouveau gouvernement. Mais Négib Mikati a encore beaucoup à prouver, compte tenu des promesses qu’il s’est formellement engagé à respecter devant l’opposition : tenir les élections au plus vite, démettre les chefs des SR et le procureur général Addoum, et coopérer avec la commission d’enquête internationale. Pour réussir, il faudra qu’il tienne ces promesses. Il devra aussi résoudre le problème de la loi électorale au plus vite, en tenant compte de la puissance du camp procaza qui se trouve désormais au cabinet et de la volonté ferme de Nabih Berry de saboter le projet du caza à la Chambre, ce qui pourrait déboucher sur un retour, pour l’instant contesté en principe par l’opposition plurielle, à la loi de l’an 2000. La déclaration ministérielle sera, soulignent tous les opposants, un indicateur puissant de la volonté et de la capacité de Mikati à respecter ses engagements. Mais une déclaration de bonnes intentions ne suffira pas non plus, dans la mesure où ce genre de document est, l’expérience l’a déjà prouvé, si peu respecté à l’arrivée. C’est en un temps record que Négib Mikati devra réussir le pari incroyable de mettre en application les objectifs qu’il s’est fixés. Selon des sources opposantes, l’homme en est conscient. En acceptant de diriger le nouveau cabinet, il a accepté d’ores et déjà le principe de ne pas se porter candidat au prochain scrutin. Puisqu’il ne sera pas député, sa seule chance de survie politique pour les années à venir est donc de réussir sa mission de Premier ministre sur toute la ligne. Un succès le mettrait en très bonne position pour revenir en force à la tête du cabinet postlégislatives. Un échec lui vaudrait un knock-out politique, ne serait-ce que temporaire. Négib Mikati est, depuis hier, désormais prisonnier du célèbre adage de Napoléon : « Il n’y a pas de si, il n’y a pas de mais, il faut réussir. » Michel HAJJI GEORGIOU

Il n’y a pas que les cardinaux, réunis en conclave au Vatican pour élire le nouveau pape, qui aient fait vite hier. À Baabda aussi, une fumée blanche s’est enfin élevée, annonçant la formation d’un cabinet après un mois et demi d’un vide pour le moins sinistre incarné par la personne de Omar Karamé. Les détracteurs les plus féroces du Premier ministre sortant, et qui n’en...