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Actualités - OPINION

Eclairage - Mikati face à ses démons : une détermination fragile et le travail de sape de Aïn el-Tiné

Les (gros) problèmes commencent déjà. Évidemment. Le PM désigné sait que c’est contre un adversaire redoutable et sans une once de pitié qu’il joue la partie la plus serrée de sa (jeune) carrière : le temps. Et le PM désigné sait aussi qu’autour du tapis vert est assis un nombre tellement gros de joueurs, locaux, régionaux, internationaux, que sa liberté de choisir ne peut, immanquablement, que se réduire, peau de chagrin un peu pathétique. Le PM désigné est ensuite parfaitement conscient que la règle du jeu est terriblement mathématique. C’est-à-dire que pour éviter une humiliante et irréversible disqualification, il faut qu’il tienne parole ; tenir parole signifie organiser des élections « dans les délais constitutionnels », soit avant le 31 mai ; ce qui implique former un gouvernement le plus vite possible… Il aurait ainsi dû le faire hier soir mais des sources bien informées assurent qu’il risque de ne pas y parvenir avant demain, elles parlent même de jeudi. Par contre, ce que le PM désigné ne semble pas avoir déjà compris, c’est que la mission qu’il a acceptée avec un sourire d’enfant exige de lui une détermination et une vigueur sans failles, une sorte de main de fer dans un gant, s’il le faut, de velours. Toujours selon les mêmes sources, Négib Mikati a continué à multiplier, en soirée, ses contacts afin d’essayer d’aplanir les obstacles, assez conséquents, qui obstruent la formation du prochain cabinet, et que le PM désigné voudrait bien contourner avant son entretien ce matin, à 9h30, avec Émile Lahoud. Certes, tout n’est pas noir, à l’image du quasi-consensus entre opposants et loyalistes sur un gouvernement restreint. Il est ainsi pratiquement sûr, depuis hier, que cette équipe sera formée de quatorze personnalités (trois sunnites dont Mikati, trois chiites, trois maronites, deux grecs-orthodoxes, un druze, un catholique et un arménien), toutes extraparlementaires, hommes politiques et/ou technocrates. Premier problème : les noms. Source du problème : l’agonisant Rassemblement de Aïn el-Tiné, c’est-à-dire, surtout, Nabih Berry, mais aussi le Hezbollah et, plus indirectement, Damas. Le parti de Dieu veut absolument Assaad Diab, et le président de la Chambre insiste pour que Mohammed Khalifé, le ministre sortant de la Santé, fasse partie du gouvernement. Bien plus grave : aussi bien la Syrie (loin d’être tranquille à quelques jours de l’arrivée à Beyrouth de la commission internationale d’enquête) que Nabih Berry exigent la perpétuation de Mahmoud Hammoud au palais Bustros – l’homme qui a sans doute fait le plus de mal à la diplomatie libanaise depuis l’indépendance du Liban. Et l’opposition, dont la seule exigence est que Négib Mikati respecte ses engagements, n’a pas manqué, à juste titre, de pousser des cris d’orfraie et de menacer, en cas de retour de celui qui, sinon dirige, du moins cautionne « le jeu perfide et insidieux du palais Bustros », de priver Mikati de 45 voix au moins lors du débat de confiance. Autre mine posée calmement par Nabih Berry (ainsi que le Hezbollah), qui ne semble pas avoir digéré ce qu’il estime être une humiliation infligée par la nomination de Mikati : la loi électorale. Le chef d’Amal exige que figure, au cœur de la future déclaration ministérielle, le retrait par le gouvernement à venir de l’actuel projet de loi (basé sur le caza) et que soit transmis à la Chambre un autre projet, axé cette fois sur le mohafazat et la proportionnelle. Selon des sources également bien informées, Négib Mikati expliquera dans la déclaration ministérielle que ce sera au Conseil des ministres réuni de décider à la majorité, s’il souhaite récupérer le projet de loi, en envoyer un autre, ou s’il laissera aux députés le soin de décider. Il est d’ailleurs clair que la composition même du gouvernement donnera la réponse à cette question. Il n’en reste pas moins que le PM désigné doit également se battre, s’il veut réussir son énorme pari, contre lui-même. Une source proche des députés de l’opposition, interrogée par L’Orient-Le Jour, a regretté le manque de détermination, de vigueur, de Négib Mikati au cours des 40 minutes passées avec les députés du Bristol. « Le PM désigné n’a pas donné l’impression de savoir où il va ; nous sommes sortis avec beaucoup de points d’interrogation, concernant la date des législatives et la mise à pied des patrons des services. Il a répété à maintes reprises que ces élections auront lieu “au plus vite”, et il n’a pas été ferme ni radical sur la révocation des chefs sécuritaires et de Addoum », dit cette source. Ce qui expliquerait que Négib Mikati ait ressenti le besoin de préciser devant les journalistes, peu après 19h00, qu’ « au plus vite » signifie « dans les délais constitutionnels », alors qu’il n’aurait pas dû le faire. Est-ce de la mauvaise foi ou une détermination un peu bancale ? Une source opposante a affirmé dans la soirée à L’Orient-Le Jour que le PM désigné est de bonne foi, donnant pour preuve qu’il a décidé d’être jusqu’au-boutiste et de refuser Mahmoud Hammoud au sein de son équipe. Qu’est-ce qui empêcherait d’ailleurs Négib Mikati de rédiger une déclaration ministérielle qui respecterait chacune des promesses qu’il a faites et de s’en remettre, pour la confiance, à une Chambre au sein de laquelle se dessine de plus en plus une nouvelle majorité. D’autant qu’on dit que le chef de l’État veut lui aussi des élections à la date prévue. La visite de Feltman hier à Baabda en est un signe… Ziyad MAKHOUL
Les (gros) problèmes commencent déjà. Évidemment.
Le PM désigné sait que c’est contre un adversaire redoutable et sans une once de pitié qu’il joue la partie la plus serrée de sa (jeune) carrière : le temps. Et le PM désigné sait aussi qu’autour du tapis vert est assis un nombre tellement gros de joueurs, locaux, régionaux, internationaux, que sa liberté de choisir ne peut,...