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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE Le Rassemblement de Aïn el-Tiné craint un raz-de-marée de l’opposition aux élections Les considérations personnelles, principal enjeu du futur gouvernement

Karamé a donc tiré sa révérence et le président de la République entamera ce matin les consultations parlementaires pour la désignation d’un nouveau Premier ministre. Apparemment, les candidats sont nombreux, même si l’actuel ministre de la Défense Abdel Rahim Mrad ainsi que le député Nagib Mikati semblent favoris. Mais le problème restera le même : comment parvenir à former un gouvernement dans les circonstances actuelles ? Selon une source proche de Aïn el-Tiné, la situation est pour le moins difficile, car avec la perspective de l’organisation des élections législatives dans les prochains mois, les membres de ce Rassemblement considèrent la participation aujourd’hui à un gouvernement comme un suicide politique. À moins d’obtenir des portefeuilles qui leur donneraient un véritable élan électoral. C’est pourquoi la source estime que contrairement à ce qui s’était dit ça et là, le gouvernement qui était en gestation a buté sur des considérations personnelles pour les candidats pressentis. La médiation de Nasrallah À ce sujet, il faudrait rappeler le rôle conciliateur joué par le Hezbollah, qui est d’ailleurs un des piliers de Aïn el-Tiné, pour rapprocher les points de vue. Sayyed Hassan Nasrallah avait même participé à un comité restreint chargé d’entreprendre des contacts discrets pour aboutir à la formation du gouvernement. La source raconte avec humour que Nasrallah a en quelque sorte repris le rôle que remplissaient les Syriens (la force de coercition en moins), lors de la formation des gouvernements. À en croire la source, les points de vue n’étaient pas vraiment divergents sur les principes, mais pour la plupart des partenaires au sein du Rassemblement, il fallait se doter de portefeuilles de services pour pouvoir soigner leur image populaire. Et c’est là que les tiraillements ont commencé. Le Hezbollah a eu beau multiplier les tentatives de médiation, il s’en est finalement remis aux trois présidents qui ont tenu une longue réunion dans l’avion qui les menait vers Rome. Mais, de retour à Beyrouth, les écueils ont de nouveau émergé, untel ne voulant pas du ministère de l’Intérieur considéré comme un portefeuille stérile, dans une période préélectorale, et tel autre refusant le ministère des Déplacés qui lui paraissait inutile dans un moment aussi crucial, d’autres encore ne voulant pas être des ministres d’État, etc. C’est alors que le président de la République a convoqué le président de la Chambre et le Premier ministre désigné pour une réunion prolongée au palais de Baabda. Selon les informations recueillies, Émile Lahoud aurait été très clair, ne voulant aucun homme à lui au sein du gouvernement, son objectif étant de parvenir à la formation d’un cabinet au plus tôt. Karamé et Berry auraient même salué son esprit de coopération, mais pour le président de la Chambre, le ministre de la Santé a pris de grandes décisions au sein de son ministère, en réduisant notamment le prix des médicaments, et il n’est pas normal de le changer pour la seule raison que tel pôle politique convoite ce ministère. Même chose pour les Travaux publics. Finalement, après cinq heures de négociations entrecoupées de contacts divers, il a été impossible de parvenir à un accord avec les différentes parties concernées. La crainte d’un raz-de-marée de l’opposition Pourtant, selon la source précitée, certaines figures sollicitées au sein du gouvernement en gestation étaient très crédibles et auraient pu plaire aux citoyens. Malheureusement, les enjeux et les intérêts personnels auraient été les plus forts. En fait, la source proche de Aïn el-Tiné précise que le vrai problème se trouve dans l’échéance électorale. Le Rassemblement avait accepté le projet de loi reposant sur le caza, car selon ses estimations, l’opposition n’aurait pas remporté la majorité des sièges suivant cette formule. C’était le cas avant le terrible assassinat de Rafic Hariri. Depuis, toutes les données ont été bouleversées et le Rassemblement considère qu’il serait perdant dans la formule du caza. Il n’accepterait donc d’aller vers des élections que si elles se déroulaient sur base d’un découpage basé sur le mohafazat doublé d’un système de scrutin proportionnel simple. Toute autre formule serait actuellement considérée comme un suicide politique. Aujourd’hui, l’enjeu serait donc de parvenir à convaincre les membres de ce rassemblement, en bloc ou au détail, de la nécessité de débloquer les rouages institutionnels pour parvenir à former un gouvernement (l’idéal étant qu’il regroupe le moins possible de candidats aux élections), qui procéderait à l’organisation des élections. Il faudrait aussi convaincre le Hezbollah que si les élections se déroulent, il pourrait augmenter son poids politique et aurait ainsi l’assurance que le nouveau Parlement ne chercherait pas à appliquer par la contrainte le second point de la résolution 1559, relatif à son désarmement. Pour le mouvement Amal, il s’agirait de lui dire qu’il restera une composante importante au sein de la communauté chiite. Même discours avec les autres composantes du Rassemblement qui craignent d’être balayées par l’élan populaire actuel. Avec le chef de l’État, c’est certes plus facile, puisqu’il est déjà convaincu de la nécessité de former un gouvernement dans les plus brefs délais et que, pour le reste, il ne dispose pas d’un bloc parlementaire et ses pouvoirs institutionnels restent limités. Toutefois, le Liban étant désormais au centre de l’intérêt de la communauté internationale, celle-ci a aussi son mot à dire et elle ne se prive pas de le faire. Si la communauté internationale n’a pas les moyens institutionnels d’imposer la tenue d’élections dans les plus brefs délais, elle peut en tout cas exercer des pressions diplomatiques et autres. Les propos très fermes tenus récemment par le président français, lors de la visite en France de l’émir Abdallah d’Arabie saoudite, ainsi que par la secrétaire d’État américaine, s’inscrivent dans ce cadre. Ces démarches seront-elles suffisantes pour pousser les différents pôles libanais à un sursaut national ? La partie ne semble pas facile. D’autant que le souci des intérêts personnels semble être le sentiment prédominant au sein de la classe politique libanaise. Scarlett HADDAD

Karamé a donc tiré sa révérence et le président de la République entamera ce matin les consultations parlementaires pour la désignation d’un nouveau Premier ministre. Apparemment, les candidats sont nombreux, même si l’actuel ministre de la Défense Abdel Rahim Mrad ainsi que le député Nagib Mikati semblent favoris. Mais le problème restera le même : comment parvenir...