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Actualités - OPINION

Les Libanais doivent encore se réconcilier avec leur histoire Entre crainte et espoir : saurons-nous finir notre guerre ?

La crainte et l’espoir, tels sont les deux pôles entre lesquels oscillent aujourd’hui les Libanais. La crainte, car au-delà des activités communes proposées aux Libanais, un travail de clarification doit encore être fait, pour que les Libanais soient réconciliés en profondeur avec leur histoire. L’espoir, parce qu’un pays a été rendu à son peuple, dans l’espoir que l’on saura, cette fois, tisser des liens sociaux indestructibles entre les diverses communautés libanaises et leur ouvrir des horizons plus sereins. Le 13 avril 1975, des affrontements entre milices chrétiennes et palestiniennes déclenchent une guerre interne qui, habilement exploitée par la Syrie, place le pays sous la coupe du régime baassiste syrien. Trente ans plus tard, l’assassinat de Rafic Hariri déclenche un « soulèvement pour l’indépendance » qui, relayé par la résolution 1559 adoptée à l’initiative des États-Unis et de la France, provoque le départ précipité de l’armée syrienne du Liban. Les milices chrétiennes avaient pris les armes contre l’OLP – accusée d’être progressivement devenue « un État dans l’État », après la guerre israélo-arabe des Six-Jours (1967) – et contre une coalition de milices appelées commodément « islamo-progressistes » qui voyait dans la « révolution palestinienne » le fer de lance de la lutte contre le sionisme. L’offensive politique était en outre socialement colorée par les milices, qui rejetaient un régime « au service des nantis ». Trente ans et un million de rêves effondrés plus tard, une marée humaine libanaise manifeste contre la tutelle syrienne, devenue de plus en plus odieuse, et proclame qu’elle ne laissera pas « ceux qui ont assassiné Rafic Hariri tuer l’espoir de la renaissance du Liban ». Projet fédérateur Mais Samir Frangié, membre d’une opposition antisyrienne disparate, mais heureusement composée désormais de musulmans et de chrétiens, nuance cet élan, en soulignant l’absence d’un projet profondément fédérateur : « L’assassinat de Hariri, une figure politique non venue de la guerre, a été le catalyseur de l’unité nationale. Mais cette unité s’est faite autour d’un refus, celle de la présence syrienne et pas encore autour d’un projet de société ou d’un nouveau pacte national. » D’autant qu’une partie des manifestants voit dans la résolution 1559 du Conseil de sécurité, qui a imposé à la Syrie de retirer ses troupes stationnées depuis 29 ans au Liban, une nouvelle ingérence dans les affaires intérieures libanaises, cette fois multinationale. La thèse du « complot » contre le Liban bordé par des voisins aux visées expansionnistes a toujours été l’une des lectures privilégiées de la tumultueuse histoire du Liban indépendant. En pratique, les affrontements intercommunautaires ont souvent confirmé cette thèse et ont été constamment sinon suscités, du moins alimentés en armes, argent et mercenaires, par des forces étrangères. Outre la thèse du complot extérieur, force est aussi de constater que « les bases d’une véritable citoyenneté libanaise n’ont pas encore été établies, déclare à l’AFP le politologue Nawaf Salam, même si la recherche de cette citoyenneté unificatrice a toujours existé dans l’inconscient populaire ». Selon Ghassan Salamé, ancien ministre de la Culture et enseignant à l’Institut des études politiques (IEP) de Paris, l’idée de réconciliation, « ce nouveau pacte national, ne pourra se faire que par le dépassement du système confessionnel et la marche vers la cité, porteuse d’une vrai citoyenneté. Même si cela va à l’encontre de l’ambiance au Proche-Orient ». Le dialogue En tout état de cause, la tâche essentielle des Libanais, aujourd’hui, est de se réconcilier avec leur histoire, leur pays. Certains estiment que les Libanais n’ont pas su sceller leur réconciliation, au lendemain de la guerre (1989). C’est injuste. Si la réconciliation n’a pas eu lieu, la faute n’en revient pas vraiment aux Libanais. Le dialogue politique et historique qui aurait permis à cette réconciliation de se produire a toujours été bloqué par la Syrie, qui décidait en dernier recours qui avait l’autorisation de parler à qui. En fait, durant les années 1989-2005, la guerre s’est poursuivie, mais par d’autres moyens, avec clairement un vainqueur, la Syrie et son camp, et un vaincu, le Liban, dont l’identité s’étiolait à mesure que s’affaiblissait la volonté de vivre en commun des Libanais, parqués dans des ghettos géographiques et culturels. Il a fallu rien moins que le sang versé par Rafic Hariri pour que le phénix renaisse de ses cendres. Rien moins que le sang précieux d’un homme adulé par les siens jusqu’à la dévotion, pour réveiller la rue sunnite et la communauté de communautés qu’est le Liban et obtenir le départ de l’armée syrienne. Les historiens le disent déjà : la guerre du Liban, c’est maintenant qu’elle s’achève. Et si du travail est encore à faire, il reste qu’une patrie nous a été rendue. À nous désormais d’en faire un espace de vie véritable. Et d’écrire l’histoire de la guerre, ce que les Syriens nous empêchaient de faire, pour des raisons évidentes, par le biais de cette « culture de l’intimidation et de l’impunité » dont a parlé le rapport de Peter Fitzgerald. Nous sommes placés aujourd’hui devant la responsabilité historique de finir notre guerre et de reprendre notre vie nationale, mûris par nos souffrances. Saurons-nous le faire ? La réponse à cette question dépend, en partie, de notre habileté à tirer les leçons de la guerre et, pour commencer, à en écrire l’histoire, c’est-à-dire de faire la part de ce qui, dans cette guerre, relève de notre responsabilité, et de ce qui relève des autres. Il faut, sur ce sujet, une grande clarté. On ne peut pas faire de compromis sur la vérité historique. Elle est fondamentale. Fady NOUN

La crainte et l’espoir, tels sont les deux pôles entre lesquels oscillent aujourd’hui les Libanais. La crainte, car au-delà des activités communes proposées aux Libanais, un travail de clarification doit encore être fait, pour que les Libanais soient réconciliés en profondeur avec leur histoire. L’espoir, parce qu’un pays a été rendu à son peuple, dans l’espoir que l’on...