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Actualités - OPINION

Eclairage - L’opposition plurielle invitée à parrainer le retour de Aoun

Michel Aoun est ce qu’on pourrait appeler un « homme d’honneur ». Depuis son entrée officielle en politique, en pleine crise institutionnelle, en septembre 1988, pour diriger le cabinet militaire de transition, l’homme a très peu changé ses habitudes, son code d’honneur, qu’il suit à la règle, sans jamais se permettre aucun accroc. C’est là une caractéristique qui le distingue, et il en est fort conscient, de beaucoup de politiques traditionnels qui n’hésiteraient pas à frapper sous la ceinture, en s’accommodant peu des principes. L’une des règles de ce code est de ne jamais dévoiler au grand public une rencontre avec une personnalité politique, loyaliste ou opposante, qui ne souhaiterait pas le faire elle-même. Il s’agit là d’un principe sacro-saint pour le général Aoun, dont l’un des chevaux de bataille, c’est lui qui le dit, est l’éthique en politique. Et ces principes sont demeurés invariables chez l’ancien commandant en chef de l’armée, malgré ses quinze années d’exil forcé à Paris qui l’ont rempli d’amertume, d’autant que la suite des événements a fini par lui donner raison concernant les intentions bien peu louables de la Syrie au Liban : des intentions hégémoniques contre lesquelles il avait déjà clairement mis en garde dès 1989. Depuis qu’il a pu reprendre ses activités politiques, le général Aoun reçoit chez lui toutes sortes de visiteurs. Un autre principe qu’il s’est fixé est de ne jamais fermer sa porte au nez de quinconque. Malgré son intransigeance sur la question de la souveraineté, une constance dans son discours des quinze dernières années a été l’appel de toutes les parties au dialogue, mais loin des terres libanaises, pour lui asservies à la volonté syrienne, et, partant, terrain défavorable à un dialogue libre. Et, il l’a toujours indiqué, un dialogue qui ne suppose pas la possibilité pour chacun des interlocuteurs de s’engager librement est tronqué à la base. Ces deux principes pourraient constituer des indices valables pour comprendre pourquoi Michel Aoun a reçu dimanche le ministre Maurice Sehnaoui, le député Émile Émile Lahoud, et le chef du parti Kataëb, Karim Pakradouni. Il est entendu que le général Aoun, par principe, refuse de commenter la visite, sans toutefois chercher à en nier l’existence, et laisse à ses visiteurs le soin de le faire, s’ils en ont bien envie. Or c’est là que le mystère s’épaissit, dans la mesure où l’ex-ministre Pakradouni refuse lui aussi de dévoiler les tenants et aboutissants de cette rencontre, estimant qu’il est encore trop tôt pour le faire. Ceux qui sont prompts à jeter la pierre à Michel Aoun – et ils sont nombreux, pour mille et une raisons – l’accusent déjà d’avoir fait un pacte avec le diable en recevant chez lui deux figures de proue de cette « hydre » syrienne qu’il a férocement combattue durant toutes ces années, et même de « s’acheter un billet aller pour Aïn el-Tiné ». Ces analystes ne se méprennent probablement pas... sur les intentions que les loyalistes réservent à Aoun. Depuis un certain temps déjà, le général est courtisé, d’une manière qui frôle l’indécence, par les piliers actuels d’un courant qui a passé toute la décennie écoulée à insulter l’ancien Premier ministre, à le traiter tantôt d’illuminé, tantôt d’extrémiste et même de cheval de Troie des néoconservateurs américains au Liban. Une offensive de charme qui laisse le général de marbre, même si la politesse lui défend de s’en prendre à quelqu’un qui lui jette des fleurs... pourtant empoisonnées. Mais cela n’explique toujours pas ce que MM. Pakradouni et Lahoud, qui ont épuisé tout leur crédit politique au Liban, sont allés faire à Paris. Une hypothèse voudrait qu’en perte, et c’est un euphémisme, de légitimité populaire, le fils d’Émile Lahoud ait jugé bon d’aller rechercher l’appui du général Aoun pour les prochaines élections, notamment au Metn, dans le but évident de contrecarrer d’autres éventuelles alliances locales, de se refaire ainsi une virginité et de saper, au passage, l’unité de l’opposition. Ce n’est là, évidemment, qu’une hypothèse qui reste à vérifier. Sauf que le général n’est pas né de la dernière pluie. Le jeu de séduction du pouvoir, il connaît. En dépit des espoirs loyalistes et des diverses propositions et tentatives, il n’a jamais dévié de sa ligne de conduite et a toujours manifesté une résistance aux appâts les plus alléchants. Il serait pour le moins déroutant qu’il change aujourd’hui de comportement et fasse fi de principes réputés inébranlables. Des sources bien informées estiment que, dans ce cadre, les prosyriens se donnent beaucoup de mal pour rien, parce qu’« une fois à Beyrouth, le général sera libre de faire ce qu’il veut ». Une deuxième hypothèse fait état de discussions sur le dossier du retour du général Aoun à Beyrouth, qu’il a définitivement fixé au 7 mai. A-t-il été question d’un accueil officiel et de facilités de la part des loyalistes à ce niveau ? Telle est la véritable question qui se pose. Il s’agit là d’une brèche importante que les loyalistes pourraient utiliser pour s’interposer entre le général et l’opposition, d’autant que la question de son retour et de tout ce qui l’entoure comme points en suspens (dossier judiciaire, droits violés et à restituer) est en quelque sorte le point sensible de Michel Aoun. C’est pourquoi il est aujourd’hui important pour l’opposition plurielle, Walid Joumblatt en tête, si elle veut mettre fin à cette simili-imposture, de se mobiliser pour parrainer cet événement et réserver à l’ancien Premier ministre l’accueil qu’il mérite (et de manifester sur le terrain l’unité de l’opposition plurielle), ne serait-ce qu’en tant que chef d’un des principaux courants de cette opposition. D’autant que ce retour s’inscrit, s’il faut en croire le CPL, non pas comme une victoire d’une partie contre une autre sur l’échiquier politique, mais comme un triomphe des droits de l’homme, de la liberté, du pluralisme politique et de la réconciliation nationale sur tous les mauvais démons du Liban. Michel HAJJI GEORGIOU
Michel Aoun est ce qu’on pourrait appeler un « homme d’honneur ». Depuis son entrée officielle en politique, en pleine crise institutionnelle, en septembre 1988, pour diriger le cabinet militaire de transition, l’homme a très peu changé ses habitudes, son code d’honneur, qu’il suit à la règle, sans jamais se permettre aucun accroc. C’est là une caractéristique qui le...