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Actualités - ANALYSE

ÉCLaIRAGE L’opposition (et Washington) prêts à tout pour des élections dans les délais constitutionnels Paris, mai 68 ; Beyrouth, mai 05 ?

En proclamant hier solennellement leur attachement « définitif » à des élections dans les délais constitutionnels, les députés de l’opposition ont tenté de faire comprendre au peuple libanais qui se demande depuis quelques semaines où ses leaders ont bien pu passer, qu’ils ne l’ont pas oublié. Qu’ils savent, comme l’ensemble des Libanais toutes communautés confondues, que seules des législatives « à la date prévue » récompenseraient la détermination, l’engagement, l’énergie, la fidélité et les sacrifices multipliés avant et depuis le 14 février 2005. Encore une fois, c’est le rassemblement prosyrien de Aïn el-Tiné, en la personne de son chef, le président de la Chambre Nabih Berry, qui détient tous les instruments constitutionnels et légaux par lesquels cette échéance primordiale peut avoir lieu durant le mois de mai – ou être renvoyée aux calendes grecques. Encore une fois, il a été démontré, jusqu’à preuve du contraire, que pour préserver leurs intérêts personnels, et, par ricochet, ceux de Damas, les membres de Aïn el-Tiné ont compris que leur seule chance réside dans un report des élections, pour six mois renouvelables. Les députés de l’opposition en sont convaincus : « La soudaineté du retrait syrien les a humiliés, et c’est pour eux une façon de se venger. Mais ils iront de 6 mois en 6 mois, pas plus, pour éviter, au cas où nous démissionnerions en bloc, d’être obligés constitutionnellement, d’organiser des élections partielles », explique un leader du Rassemblement du Bristol. Ainsi, et à l’aune de ces paramètres, la marge de manœuvre logique, mathématique, de l’opposition, n’est pas large ; elle s’articule sur trois niveaux : une dynamique parlementaire ; une dynamique étrangère ; une dynamique populaire. Sur le plan parlementaire, et revêtue du caractère de double urgence, la proposition de loi Harb adoptée hier par les députés de l’opposition (lire par ailleurs) reste la façon la plus rapide, la plus constitutionnelle, la plus proche des aspirations des Libanais, d’atteindre l’objectif voulu. La plus rapide : elle reprend une loi électorale qui existe déjà (celle de 2000, amendée façon 1960), et évite le débat de confiance du futur cabinet, la rédaction d’une nouvelle formule, son étude en commissions parlementaires, son examen et son vote en séance plénière, etc. Ce qui fait que les députés n’auront qu’à étudier les quatre amendements en séance plénière. La plus constitutionnelle : c’est une loi qui a été largement utilisée depuis près de 45 ans ; sans compter que la proposition de Aïn el-Tiné, qui a martelé son respect de Taëf, bafoue l’accord de 1989, qui stipule que le principe du mohafazat ne sera pas adopté tant que la loi sur la décentralisation ne sera pas entrée en vigueur. Sans oublier que cette Constitution n’évoque aucunement la proportionnelle, et qu’elle parle clairement de 108 députés, et non de 128. La plus proche des aspirations du peuple : tant que le confessionnalisme n’est pas remis en question, le caza reste la manière la plus à même d’assurer aux citoyens de véritables représentants. Sur le plan parlementaire, l’opposition a trois options, qu’elle peut privilégier en même temps. Un : « Tâcher d’enrôler le maximum de nouvelles recrues », de nouvelles signatures au bas de la pétition, notamment parmi les loyalistes qui savent qu’un mohafazat n’arrangerait en rien leurs affaires. Deux : le facteur psychologique. En débattant de la proposition Harb en plein hémicycle, l’opposition mettrait les prosyriens devant le fait accompli : s’ils votaient contre cette proposition appelant clairement à des élections en mai, les députés de Aïn el-Tiné seraient clairement en train de reconnaître, devant toute une nation boulimique de changement, qu’ils veulent proroger le mandat de la Chambre. Trois : « Continuer de dévoiler aux yeux du monde le stratagème des loyalistes, qui vont faire en sorte d’envoyer au Parlement des projets de loi irréalisables, à l’exemple de la proportionnelle, ce qui leur permettrait de reporter perpétuellement l’échéance. » Sur le plan international, et maintenant que le calendrier de retrait syrien a été rendu on ne peut plus public, il ne se passe pas un jour sans que la communauté internationale, dans sa quasi-totalité, ne rappelle, ne martèle, à n’importe quelle occasion, l’urgence d’élections à la date prévue. Sans compter que l’on entend, ici et ailleurs, circuler des rumeurs autour d’un éventuel projet de résolution onusienne concernant cette échéance-clé de la vie politique présente et future du Liban. Et qu’un haut responsable américain, interrogé sous le couvert de l’anonymat par notre correspondant à Washington, Wafic Ramadan, sur des informations en ce sens, a répondu que les « États-Unis feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que les élections se déroulent dans les délais prévus ». Sur le plan populaire enfin, nombre de députés de l’opposition pensent de plus en plus à un recours à la rue. À des sit-in de députés place de l’Étoile, auxquels se joindraient à la vitesse de l’éclair les citoyens ; à de nouvelles manifestations, sous le slogan « non au terrorisme, oui aux élections », même si elles seront au début en deçà de l’événement du 14 mars ; et même à un appel aux organismes économiques pour qu’ils participent à une désobéissance civile en bonne et due forme. À moins que ce mai beyrouthin 2005, à l’image de celui, en France, il y a 27 ans – qui aura nécessairement les défauts de ces qualités – ne puisse être évité par un compromis. L’importante visite (sur le double plan politico-psychologique) hier de Walid Joumblatt à Nabih Berry est un signe. Montrant ainsi clairement que la communauté chiite est bicéphale, qu’il n’y a pas que le Hezbollah, le chef du PSP a invité le président de la Chambre – et non le chef de Aïn el-Tiné – à faire en sorte de trouver une solution « en harmonie avec Taëf »… On oublie la proportionnelle et le caza et on adopte les mohafazats (8 ou 9 au lieu de 5…) ? Ou la loi de 2000 , plus ou moins amendée ? Pourquoi pas si tel serait le prix d’élections en mai, et si cela pourrait éviter, surtout aux loyalistes, d’infinies pressions de la part de la communauté internationale. D’autant que depuis l’insensée prorogation du mandat Lahoud en 2004, le Liban n’est plus à un coup de pied près balancé à sa Constitution en pleine figure. Ziyad MAKHOUL

En proclamant hier solennellement leur attachement « définitif » à des élections dans les délais constitutionnels, les députés de l’opposition ont tenté de faire comprendre au peuple libanais qui se demande depuis quelques semaines où ses leaders ont bien pu passer, qu’ils ne l’ont pas oublié. Qu’ils savent, comme l’ensemble des Libanais toutes communautés confondues, que...