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Actualités - CHRONOLOGIE

« Une fois pour toutes, je suis au cœur de l’opposition », dit le chef du PSP à « L’Orient-Le Jour » La macrochirurgie politique de Walid Joumblatt

Le peuple libanais est écorché vif. Soumis au pire, pendant ce qui a semblé durer des siècles : aux guerres des autres qui l’ont fait s’entretuer, se déchirer ; à l’occupation israélienne ; à la tutelle et la volonté de clonage syriennes ; aux exactions de tous ; à l’infinie complicité des responsables politiques locaux, leurs compatriotes… Comprenant qu’en éliminant Rafic Hariri le 14 février ce sont ses (minces) espoirs en un Liban reconstruit et ressuscité qu’on a voulu assassiner, ce peuple mutilé a décidé de prendre son destin en main, en une inédite et prometteuse osmose avec ces femmes et ces hommes politiques qui se sont retrouvés très vite en une nationale et plurielle opposition. Et même si, par une heureuse et bienfaisante inversion des choses, c’est désormais cette opposition qui court derrière le peuple, celui-ci reste sentimentalement, politiquement et psychologiquement dépendant de ses leaders. Et, plus particulièrement, de celui que les deux courants numérairement majoritaires au sein de l’opposition, civile comme politique – sunnites et chrétiens, sans oublier une partie des chiites – ont adoubé, intronisé, après le 14 février, comme chef et porte-voix flamboyant de toutes leurs revendications, leurs appréhensions, leurs espoirs : le druze Walid Joumblatt. Le peuple libanais est souverain dans ce sens que c’est sa volonté qui doit être faite, suivie ; il se moque bien, dans sa grande majorité, de lire entre les lignes, de se rappeler que la politique, ce n’est jamais très simple, très linéaire, très 1+1 = 2 ; le peuple libanais veut du clair, du net, du précis, du brut. Habitué dans le passé à ce qu’il appelle – à tort ou à raison, c’est son droit – « les revirements de Joumblatt » et en même temps quotidiennement inquiet pour l’intégrité physique du maître de Moukhtara, le peuple libanais est sensible, dermiquement sensible, au moindre de ses mot à la moindre de ses intonations. Surtout quand il s’exprime en direct du siège du Hezbollah, à Haret Hreik, après un entretien avec le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah. Ainsi, et parce que Walid Joumblatt a les défauts de ses qualités, qu’il ne réfléchit pas – ou trop, selon la tribune d’où il s’exprime – à la forme de son fond ; parce que certains médias ont ostentatoirement mis l’accent sur certaines tournures, son intervention de Haret Hreik a fait s’exacerber toutes les passions, se multiplier toutes les questions. « Une fois pour toutes : je suis au cœur de l’opposition. Mais il est impossible d’oublier les constantes. » Interrogé par L’Orient-Le Jour, le chef du PSP, en quelques mots, rassure, rappelle les priorités, réaffirme les nécessités et confirme la réalité. Et celle-ci est simple comme l’équation libanaise, et voilà ce dont s’est chargé Walid Joumblatt dimanche en discourant à l’issue de son entretien. Un : il est hors de question d’inverser le vice suprême de l’après-guerre : la logique du vainqueur et du vaincu. Il faut circoncire, maintenant que la Syrie poursuit son retrait complet, les appréhensions, en particulier, de la communauté chiite, il faut rassurer le Hezbollah. L’intégrer. Mettre chaque citoyen, chaque homme politique, quels que soient son background, son appartenance, sur le même pied d’égalité. Rappeler ce que David Satterfield avait clairement suggéré au cours d’une rencontre avec la presse lors de sa première escale beyrouthine : le désarmement du Hezb pourrait, saurait être une affaire interne libanaise. Dire et redire à Hassan Nasrallah que « pour tout ce qui touche au volet interne, Taëf anéantit la 1559, et qu’il n’y a pas d’agenda américain, encore moins israélien ». Lui faire comprendre que l’opposition, dans son immense majorité, refuse de délibaniser la question du Hezb. Et Hassan Nasrallah n’a certainement pas dû manquer entendre Michel Aoun prendre presque la défense de Walid Joumblatt dimanche soir, expliquer que « chaque chose en son temps », asséner que « si Walid Joumblatt a fait montre de compréhension (à l’égard du Hezb), il ne fait pas de doute que nous pourrons nous aussi faire de même » ; il n’a pas dû manquer entendre Amine Gemayel, pourtant fermement convaincu par la 1559, assurer sur la LBCI que le désarmement du parti de Dieu est une affaire interne. Sans oublier la nécessité de redire à tous les Libanais que les armes du Hezbollah sont destinées aux seules fermes de Chebaa. Deux : il est hors de question de nier la géographie, les liens entre les peuples, de dynamiter la tectonique des plaques pour déplacer la Syrie au pôle Nord. Le Liban partage avec la Syrie la plus longue de ses deux frontières, et il serait inenvisageable d’entretenir de mauvaises relations avec Damas. « Aucun opposant aucun loyaliste ne le souhaitent », a même confirmé le général en exil. Ainsi, lorsque Walid Joumblatt dit : « Nous ne permettrons pas un (nouveau) Parlement qui serait l’ennemi de la Résistance et l’ennemi de la Syrie », il ne fait que dire tout haut, à l’instar de ce qu’il a avancé concernant le Hezbollah, ce que toute l’opposition pense tout bas. Aucun Libanais n’a d’ailleurs oublié – et Ghassan Salamé a été le premier à le rappeler – que le premier voyage hors Ukraine de Victor Iouchtchenko a été en Russie, chez Vladimir Poutine – c’est-à-dire le plus farouche opposant au libre arbitre des Ukrainiens et à la révolution de Kiev. Malgré les quelques heurts absolument inévitables, Walid Joumblatt, comme un très grand nombre de ses camarades d’opposition, répète depuis l’après-14 février l’urgence d’intégrer au mouvement de la nation le Hezbollah et Amal. La rencontre dominicale de Haret Hreik a immédiatement suivi le déjeuner Joumblatt-Satterfield à Moukhtara ; elle a certainement dû s’arrêter sur des sujets aussi précieux que les législatives printanières, la multiplication des attentats, le changement de régime avec une éventuelle démission d’Émile Lahoud, le départ du « Club des 7 » et, naturellement, l’enquête internationale. Les deux hommes ont même pris des décisions communes. Walid Joumblatt a fait dimanche une opération de macrochirurgie politique. Visiblement réussie. Ziyad MAKHOUL
Le peuple libanais est écorché vif. Soumis au pire, pendant ce qui a semblé durer des siècles : aux guerres des autres qui l’ont fait s’entretuer, se déchirer ; à l’occupation israélienne ; à la tutelle et la volonté de clonage syriennes ; aux exactions de tous ; à l’infinie complicité des responsables politiques locaux, leurs compatriotes… Comprenant qu’en éliminant Rafic...